20180105

Editorial

Avec nos VŒUX, adressés à nos lecteurs, pour la NOUVELLE ANNEE 2018.



Dans les informations concernant le monde contemporain, diffusées quotidiennement, manquent rarement la glorification des mécanismes qui reproduisent la vie sociale : les personnalités dites « dominantes », les comptes en banque les plus fournis, les exaltations libérales, etc. S’y organise la confusion entre l’économie, l’État et la réclame publicitaire. 

Mais on n’a que peu d’écho des cris des peuples et des individus qui ne peuvent guère s’identifier à ces « héros ». Parfois, la compassion officielle fait place à la haine et au ressentiment, mais rarement au cri qui traverse de part en part un monde structuré par un consensus autour du produit national brut. D’ailleurs, du cri, la plupart le craignent, et ne cessent de vouloir l’étouffer, en faisant croire que le cri n’est pas une parole. 

Or, le cri sauve, il n’est ni sauvage, ni démoniaque, ni mystérieux ! Nulle nécessité de le conduire vers des forces « originaires ». Telle est la signification d’une parole qui fait face à la vie sociale de façon brutale, sans doute, parce que cette vie est agressive. Celui qui crie dit quelque chose, car chaque cri lui fait éprouver ce qu’il y a d’indigne dans l’ordre d’un monde qui le contraint à crier pour survivre et chante en même temps : ce monde est le meilleur possible ! ». 

Le cri est par conséquent une parole qui permet à chacun, seul ou en groupe, de ressaisir sa capacité d’agir alors qu’on en est dépossédé. Il restaure la capacité de devenir sujet, en repolitisant le rapport social qui impose de se contenir. 

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Der Populismus Automat

Seit Jahren, engagierte sich Sebastian Kurz im Gleichschritt mit Österreichs Rechtpopulistent von der FPÖ. 

Als 2015 die Flüchtlinge über den Balkan zogen, war ein guter Teil der Zivilgesellschaft auf den Beinen : Die katholische Caritas und andere NGOs leisteten Gewaltiges, die rot-grüne Stadtregierung Wiens engagierte sich ebenso in der FlPuchtlingshilfe wie viele ¨VP-nahe Institutionen. 

Aber im Wahlkampf führte Kurz wie ein Automat die Probleme des Landes auf den Zustrom von Ausländern zurück. Zu teure Mieten ? Ja, weil es zu viele Zuwanderer gibt. Mängel in der Bildungspolitik ? Klar, wegen der nicht deutschsprachigen Kinder in den Schulen. Stress im Sozialsystem ? Die Flüchtlinge, was sonst. 

Auf vielen Gebieten versuchte Kurz zu mogeln. 

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Süddeutsche Zeitung

Das Paradies der Reichen

Die Paradise Papers, welche die Süddeutsche Zeitung mit dem International Consortium of Investigative Journalists veröffentlicht, erzählen von Menschen und Firme, die sich entziehen, meist der Steuer, manchmal auch Regulierungen oder Sanktionen, jedenfalls ihrer gesellschaftlichen Verantwortung. Dies geschieht inzwischen mit größter Selbstverständlichkeit. Steueroasen sind längst nicht mehr nur Schmudelecken, sondern kollecktiver Treffpunckt der Wirtschaftselite, in deren Kreisen irisch-holländisch-karibische Steuermodelle so akzeptiert sind wie es gesellschaftlich zum Beispiel die Pornographie ist. Sucht in Konzern heutzutage den idealen Firmensitz, so erwartet er, dass der Gaststaat weder Steuern verlangt noch Transparenz, und schon gar nicht soll es eine politische Opposition geben mit dem Ansinnen, diese « Standortvorteile » zu interfragen. So Steuerparadies haben nichts Paradiesisches und nichts Vorbildliches. 



20180104

Ecologie et Terre

15,000 scientists give catastrophic warning about the fate of the world in new ‘letter to humanity’


A new, dire "warning to humanity" about the dangers to all of us has been written by 15,000 scientists from around the world.

The message updates an original warning sent from the Union of Concerned Scientists that was backed by 1,700 signatures 25 years ago. But the experts say the picture is far, far worse than it was in 1992, and that almost all of the problems identified then have simply been exacerbated.

The message :

Mankind is still facing the existential threat of runaway consumption of limited resources by a rapidly growing population, they warn. And "scientists, media influencers and lay citizens" aren't doing enough to fight against it, according to the letter.

“Many of our current practices put at serious risk the future that we wish for human society and the plant and animal kingdoms, and may so alter the living world that it will be unable to sustain life in the manner that we know.”

“Humanity has failed to make sufficient progress in generally solving these foreseen environmental challenges, and alarmingly, most of them are getting far worse,” they write.

If the world doesn't act soon, there be catastrophic biodiversity loss and untold amounts of human misery, they warn.

The authors offer 13 suggestions for reining in our impact on the planet, including establishing nature reserves, reducing food waste, developing green technologies and establishing economic incentives to shift patterns of consumption.


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15 000 chercheurs et l’état de la planète

Les chercheurs en appellent désormais plutôt aux citoyens et aux "influenceurs" pour faire fléchir les gouvernements et les inciter à prendre enfin les mesures qui s'imposent comme un "impératif moral pour les générations présentes et futures des hommes et de la vie." Les scientifiques appellent également à l'action à l'échelle individuelle, et appellent à limiter la consommation de ressources impliquant l'utilisation de ressources fossiles, ainsi que la consommation de viande.

Ce n'est pas la première fois qu'un tel appel est lancé. Il y a 25 ans, l'Union of Concerned Scientists (UCS), un groupe américain de scientifiques indépendant avait rassemblé plus de 1700 signataires (dont bon nombre de Prix Nobel), pour une tribune appelant déjà à "un changement majeur de notre manière de gérer la Terre est nécessaire, si nous voulons éviter une vaste catastrophe humaine".

Cet "avertissement international des scientifiques à l'humanité" lancé en 1992 pointait déjà du doigt les dommages à la couche d'ozone, la pollution de l'eau, la surmortalité des espèces marines, la déforestation, les atteintes à la biodiversité, ou encore la croissance inquiétante de la population humaine. Déjà, à l'époque, les scientifiques appelaient à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à limiter l'exploitation des ressources fossiles. Force est de constater qu'à part les efficaces mesures visant à réduire le trou dans la couche d'ozone (notamment l'interdiction des produits tels que les CFCs), aucune des autres préoccupations n'a fait l'objet de mesures réellement efficaces. "Pourtant, le déclin rapide des émissions de substances affectant la couche d'ozone montre qu'il est possible d'agir efficacement lorsque l'on prend les bonne décisions" précisent les chercheurs. Et ceux-ci d'en lister quelques-unes :

· Créer des réserves naturelles terrestres comme marines, bien protégées et bien gérées

· Maintenir la diversité des habitats naturels en cessant leur transformation en zone d'exploitation ou d'activité.

· Restaurer les habitats dégradés en permettant à la végétation d'origine d'y retrouver sa place.

· Remettre à l'état "sauvage" les régions hébergeant les prédateurs supérieurs (grands fauves par exemple) afin de restaurer les processus écologiques naturels.

· Mettre en place les politiques adéquates pour mettre fin au braconnage et au commerce des espèces menacées.

· Réduire le gâchis alimentaire par une meilleure éducation et des infrastructures adaptées.

· Privilégier une alimentation basée sur les plantes.

· Favoriser l'accès à l'éducation en particulier pour les femmes, ainsi que leur accès à la contraception et au contrôle des naissances.

· Éduquer les enfants à préserver la nature.

· Favoriser les investissements qui encouragent une politique de développement durable.

· Favoriser le développement des énergies renouvelables.

· Abandonner les énergies fossiles.

· Réorganiser l'économie pour réduire les inégalités.

· Réfléchir à une régulation de la population à l'échelle mondiale.




20180103

Litterature allemande

Bestsellerliste

Benedict Wells wurde 1984 in München geboren. Im Alter von sechs Jahren begann seine Reise durch drei Bayerische internate. Nach dem Abitur 2003 zog er nach Berlin, wo er heute noch lebt. Sein vielbeachtetes Debüt, Becks letzter Sommer, erschien 2008, wurde mit dem Bayerischen Kunstförderpreis ausgezeichnet und 2015 fürs Kino verfilmt. 

Sein Roman « Vom Ende der Einsamkeit » steht auf den Bestsellerliste. Wells wurde dafür 2016 mit dem Literaturpreis der Europäischen Union Deutschland ausgezeichnet. 

Jules, des jüngste von drei Geschwistern, erinnert sich, wie er sich noch mit seinem Vater gestritten und sich seine Mutter mit einem Jus sauf die Stirn verabschiedet jat. Dann verreisen die Eltern für ein Wohenende ohne Kinder – und kommen nicht mehr zurück. 

Wegen dieses tödlichen Autounfalls verliert Jules schon früh allés, was ihm lieb war. Er versucht tapfer zu bleiben. « In meinem neuen Betti m Internat verstecke ich ein Stofftier unter dem Kissen. Und ich weine nicht, nicht eine Sekunde ». 

Jules bleibt auch als Erwachsener ein Aussenseiter, ein Traümer. Schuldgefühle quälen ihn, und er vergeudet seine besten Jahre. Der Vater fehlt ihm ganz besonders : « Ich würde gern mal mit ihm in einer Bar sitzen und mich mit ihm untehalten. Als Erwachsene. 

Es geht in diesem Zauberhaften Entwicklungs- und Liebesroman um einen Menschen, der ständig Angst hat, allés zu verlieren. Es geht ums Alleinsein und um die Frage, was wäre anders, wenn ich dies oder das anders gemacht hätte. Aber auch : Was wäre nicht anders ? 

Mit Vom Ende der Einsamkeit zeigt Wells nun endgültig, dass der Erfog seiner ersten Bücher kein Zufall ist.


20180102

Chaillot

70 ans de Chaillot : L’art du spectateur 
Christian Ruby
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Prologue

Comment décider à se rendre au Théâtre national de la danse de Chaillot un enfant qui entend toute la journée qu’il n’y a plus d’avenir et que les artistes et comédiens contemporains font n’importe quoi ? Tel est le défi relevé par les cinq interventions de spectateurs recueillies ici, esquissant simultanément les grands traits de la geste de Chaillot à l’heure où l’on fête le soixante-dixième anniversaire de cette institution parisienne, en même temps que le 70e anniversaire de la décentralisation théâtrale.

- 1 -

Enregistrement, lors d’une enquête sur le public, 

retranscrit par le spectateur interviewé salle Jean Vilar

Le spectateur du 5e rang (narquois) : Posez moi donc des questions puisque vous voulez m’entraîner à parler de ce vaisseau culturel, de ses illustres locataires, des créations vues ? 

L’enquêteur (maladroit) : Soit. Comptez-vous donc parmi les amateurs d’art et de culture qui ont trouvé leur place ici ? 

Le spectateur du 5e rang : Tiens ! Pourquoi pas ! C’est à Chaillot – du TNP au théâtre national de la danse – que j’ai appris à devenir spectateur, à voir voler la scène sur une aile imaginaire, à presque oublier ma propre personne durant un spectacle afin de mieux entendre la proposition de l’artiste. 

L’enquêteur (plus direct) : Quelles circonstances donnent au spectateur une raison d’être là ? 

Le spectateur du 5e rang (émerveillé) : J’ai appris à Chaillot que les propositions artistiques ne sont pas des objets que l’on trouve sur un marché où gaspiller du temps. Ce sont des fictions qui sollicitent l’exercice du sensible, la plasticité des émotions, la coopération interprétative du spectateur. J’ose même affirmer que l’essentiel est de savoir si on en discute ou non ! 

L’enquêteur (sérieux) : Chaillot a donc moins favorisé votre accès à une place de spectateur que votre conversion à une manière de devenir attentif aux travaux des artistes et à votre propre trajectoire ? 

Le spectateur du 5e rang : Disons, plus exactement, que Chaillot a favorisé chez moi l’élaboration d’un art du spectateur. Il enveloppe l’inscription dans un public momentané, une « société fortuite » dirait Balzac ou du moins un corps à cent têtes, hétérogène et sécable, le temps d’une représentation théâtrale ou d’une présentation chorégraphique. Souligner ces deux traits donne de l’élan à l’idée selon laquelle les spectateurs constituent une forme d’existence de l’art, une matrice de construction d’un commun et une matrice de production des significations à discuter dans l’espace public. 

L’enquêteur (avant de s’éclipser) : Un changement d’orientation de l’institution ne risque-t-il pas de détourner les spectateurs ? 

Le spectateur du 5e rang (rapidement) : J’ai effectivement assisté à la régénération de Chaillot par la danse, plus étrangère à l’ordre de la voix. Des comédiens avaient jadis participé largement à révéler ses particularités. Mais, on ne vient pas seulement ici pour y chercher les mots des morts dans les mises en scène du passé – J. Vilar, A. Vitez, J. Savary, B. Wilson... Le désir déchire toujours d’y exercer aussi nos multiples manières de faire œuvre aujourd’hui, d’y partager des enthousiasmes et des contributions à l’élaboration de significations nouvelles, même dissensuelles. 


- 2 -

Lettre envoyée par une spectatrice, 

composée à partir de ses souvenirs

« Dès le soir de mon premier spectacle, j’ai conçu cette lettre à toi adressée, Chaillot. Notre reconnaissance envers les vifs plaisirs que tu nous as procurés ne serait qu’un pauvre et piètre retour si elle ne s’accompagnait d’une meilleure compréhension de notre mutation de passants en spectatrices.eurs. Te célébrer, comme institution artistique, ne peut se cantonner à ne voir en toi qu’un fait architectural un peu pompeux dans lequel réserver une place pour une soirée ! Grâce à toi, nous sommes devenus ceux qui, exaltés ou patients, furieux ou déchainés après tel spectacle, préparons l’horizon d’attente des autres, tout en nous lançant dans des débats dont le mérite est d’opérer la critique de la culture du temps. 

Je ne sais plus très bien durant quel spectacle cela s’est passé pour moi – B. Tavernier le raconte pour un concert Duke Ellington -, mais j’ai vite compris que nous ne répondons à tes adresses que parce que nous pouvons en faire ce que nous voulons. Tu ne nous asservis pas à un opérateur imposant ce qu’il conviendrait d’entendre ou nous disant ce que nous devons comprendre. 

Nous sommes aussi éloignés des images médiatiquement retenues des extrémités où le public peut se porter parfois et où, captivé ou révulsé, il peut passer avec rapidité. Car « spectateur » - de quelque scène qu’on se nourrisse – c’est à la fois une place anthropologique, historique, culturelle, une place critique et un problème notamment au vu des transformations actuelles des pratiques artistiques et des formations esthétiques.

Je me souviens de quelques vers appris à l’école concernant les premiers pas du spectateur moderne : 

« Au sein de la modernité, l’œuvre muette, 

Ne chante plus la gloire de Dieu ; elle se prête, 

À l’appréciation de tous, et implique, 

Complicité du spectateur et débat public. »


À partir du tissage qui lie les mots, les sons, les images, la lumière, la musique et les corps sur la scène en une maille complexe, l’oeuvre suscite des questions : comment cette œuvre me saisit-elle en spectatrice ? Quelle spectatrice veut-elle faire de moi ? 

C’est donc avec joie que ma reconnaissance va à un acteur d’une émancipation culturelle dans le cadre de débats quant à l’art, au plaisir esthétique et à sa critique. Tu nous as aussi permis de vivifier la culture en nous confrontant à différentes pratiques et cultures ». 


- 3 -

Aphorismes de l’ouvreuse de la salle Fernand Gémier, 

recueillis au parterre et commentés par l’éditeur 


- « Je ne sais si Chaillot ne travaille pas d’abord la question du spectateur, avant même celle de public, nonobstant les problèmes liés aux services dédiés à la « relation avec le public », à l’estimation de la jauge, des normes de sécurité ou de l’accueil des personnes handicapées, élément auquel mes collègues et moi sommes attentifs. » 

- « Je crois avoir compris que la notion de public est souvent un cache misère de la question de la spectatrice ou du spectateur. En général, on examine peu la réflexion des œuvres en et par eux. Or, l’essentiel tient à la trajectoire par laquelle ils deviennent spectateurs. » 

- « Je suis choquée par ce que j’entends depuis quelques années, dans les comptes rendus ou les discussions administratives : de plus en plus souvent on parle des spectateurs en termes choquants - « les gens » -, ou en termes dévalorisants - le spectateur serait « passif », etc. ! » 

[NB de l’éditeur : serait-ce une allusion au débat potentiel entre Alain Badiou et Jacques Rancière, tous deux intervenants, séparément, à Chaillot ? Ces deux philosophes relèvent que cette notion de passivité du spectateur est une pseudo-justification des agitations qui assaillent les metteurs en scène de nos jours. Ces derniers croient réformer le théâtre en convoquant les spectateurs sur la scène, en les interpellant, en leur imposant toutes sortes d’épreuves qui ne changent rien au rapport constitutif de l’art d’exposition. Badiou, à Chaillot, en 2013, a été radical : «Les démonstrations de ce type, destinées à sortir le spectateur de sa passivité, sont en général le comble de la passivité, car le spectateur doit obéir à l’injonction sévère de ne pas être passif» ! Pourquoi confondre «être assis» sur une chaise et «passivité» ? »] 

- « Je peux témoigner du fait que certains discours cantonnent la spectatrice et le spectateur dans une représentation dépréciée. Et du fait de ces représentations, la réception des œuvres est pensée mécaniquement. Elle aboutit à une normalisation des conduites et parfois des émotions. » 

[NB de l’éditeur : nous supposons que l’ouvreuse, qui n’avait pas beaucoup de temps pour s’expliquer, fait allusion à l’histoire de l’art d’exposition : depuis l’aube de la modernité, c’est bien au cœur des spectacles que se joue la corrélation entre œuvre et spectateur, laquelle ne relève ni d’un rapport de cause à effet, ni d’un naturel. Les transformations du sensible induites par ce rapport n’ont rien non plus d’immédiat ou d’évident.]

- « Je peux dire qu’en inventant la « Minute du spectateur », après le « Laboratoire du spectateur » et les « Jours de silence » à l’encontre de la lancinante cacophonie du quotidien, Chaillot montre bien que les transformations du sensible et des émotions, si elles ont lieu, relèvent surtout d’une manière de briser les évidences de la culture-alibi et non pas de la décision de libérer les œuvres de la salle ou du rapport frontal en agitant les spectateurs. »

- « En outre des propos de Badiou [NB : cf. la note de l’éditeur ci-dessus], on peut se fier au propos de Rancière selon lequel l’œuvre d’exposition n’est pas assignable à un destin à accomplir, ni à une logique pédagogique cherchant à fabriquer un destinataire institué ; et chez le spectateur son inactivité physique n’est pas passive, n’est pas séparé d’une capacité à connaître et d’un pouvoir d’agir. » 


- 4 -

Flash-back sur son parcours par un médiateur culturel, 

rédigé dans le grand foyer, après un spectacle 


Autour d’un verre : 

« Quand je me suis dégagé enfin de mes études, c’est à Chaillot que j’ai rencontré pour la première fois et concrètement les théories esthétiques que l’on m’avait enseignées à l’université. Notamment celle-ci qui est essentielle : le rapport à l’œuvre d’art, ou le mode sous lequel les spectateurs font œuvre avec la proposition de l’artiste extériorisée par les comédiens – j’y ai aimé G. Philipe, J. Moreau, M. Bousquet, I. Huppert, M. Monnier, P. Bausch, H. Wang et R. Molina, parmi bien d’autres - décline des exercices du sensible – je ne suis pas partisan du dualisme âme-corps – dont la propriété est – outre une émancipation historique - une émancipation momentanée du quotidien, de l’opinion, ainsi qu’une émancipation des assignations qui débouche finalement sur la parole adressée aux autres, exposant d’autant mieux le plaisir pris. Comme si la spectatorialité d’art et de culture fonctionnait sur une double articulation : articulation à l’œuvre et articulation aux autres. 

Chaque fois que j’interviens dans une école ou une entreprise pour parler de Chaillot, je perçois qu’il faut éviter de parler de la place du spectateur et faire plutôt valoir un art du spectateur, au sein duquel le/la futur(e) spectateur.trice devienne sujet de son jugement. Ce déplacement de la place du spectateur à un art du spectateur et au pouvoir de parler des oeuvres permet de mettre en avant les chemins sensibles par lesquels passent la constitution d’une subjectivation et celle d’une nouvelle manière de s’émanciper en retraduisant sans cesse les propositions artistiques portant sur le sens de l’existence, individuelle et collective, dans l’expérience de l’existence. » 

Il boit une gorgée et reprend : 

« De mon point de vue, Chaillot ne cesse d’en être l’occasion. Chaque année, il est passionnant de déchiffrer les inquiétudes et préoccupations des artistes qui, malgré la singularité des démarches, dessinent des axes lisibles dans le programme global. 

Quant au public de Chaillot tel que je le perçois et le fréquente ? De cette nef, actuellement vouée à la danse, qui démultiplie les surfaces et offre des volumes que sons, vidéos, corps et mots viennent habiter – même si on danse moins dans le lieu, qu’on ne danse le lieu -, il fait l’espace de sa mutation. Selon une étude publiée récemment, un public, ce n’est pas un donné préexistant, c’est un résultat, toujours à recommencer. Le public n’est pas, il devient, sans fin. Ce public en devenir esthétique se réalise dans l’adresse indéterminée à chacun et la publicité qui ne constituent pas des perversions ou des vices de l’« art d’exposition », non plus que les applaudissements qui ébranlent la salle ne sont frivoles » 

Il conclut, insinuant : 

« Nous n’avons aucune raison d’enfermer le public dans une aliénation, une impuissance, la bêtise, l’inculture, etc. Même si, éventuellement, nous en avons des raisons, relatives aux conditions de l’exercice esthétique aujourd’hui, mécanisé en fascination. » 


- 5 -

Copie d’un appel, affiché dans le hall de Chaillot, pour participer à un projet d’ouvrage intitulé « La folie de Chaillot »

« Recherche 5 spectateurs/rédacteurs (s’inscrire) sur les thèmes suivants :


Chapitre 1 : L’esthétique à Chaillot 

Recherchons un familier de Chaillot susceptible d’expliciter en quoi les changements actuels d’options esthétiques : immersion, participation, performance, nouvelles formes de narration au théâtre et en danse, changent l’appropriation des arts par le public, et quels sont les souhaits des futurs spectateurs. 


Chapitre 2 : Les publics à Chaillot 

...un auteur-spectateur pouvant décrire les « absents » de Chaillot : celui qui n’envisage pas de s’y rendre, celui qui n’en connaît pas l’existence, celui qui réside sur la lisière ou en marge des habitués, et celui qui se bat pour une autre conception des arts et de la culture. 


Chapitre 3 : Chaillot et la société 

...un spectateur commentant le fait que les arts décident de processus qui ne peuvent empêcher les drames sociaux et politiques, ni sauver qui que ce soit, ni ramener les morts à la vie, ni rendre justice aux victimes... mais peuvent émanciper les spectateurs plutôt que les rendre conformes. 


Chapitre 4 : La transmission à Chaillot 

...un spectateur qui n’adhère pas à la culture crépusculaire du temps, voulant imposer aux institutions culturelles la vocation de restaurer des valeurs, une identité culturelle ou un lien social. Si transmission il devait y avoir elle ne saurait consister à interdire au destinataire de transformer ce qui est transmis. Transmettre, ce serait plus exactement rendre possible des écarts et des débordements, réinventer en réfutant les assignations dans les corps. 


Chapitre 5 : L’actualité à Chaillot 

...un spectateur se posant le problème suivant : en marge de la démocratisation et de la démocratie culturelles, n’y a-t-il pas une action à conduire à l’égard de ceux qui attentent aux arts, soit par ressentiment envers ce qui se situe en dehors de leur sphère habituelle, soit pour crier leur désespoir, soit par volonté de terroriser. Est-il pertinent d’affirmer qu’ils viennent rompre la certitude ancrée dans notre histoire de l’irréversibilité du mouvement d’éducation esthétique de l’humanité ? Ne fragilisent-ils pas du moins les appareils esthétiques dont l’esprit démocratique nous a dotés. » 


Épilogue


Les jugements de ces spectatrices.eurs ne constituent un panorama ni du répertoire de Chaillot, ni de la diversité des publics. Aideront-ils cependant la jeune génération à adhérer à l’excitante pluralité des tendances artistiques du moment ? Quoi qu’il en soit, ils dégagent un portrait lucide des efforts et des plaisirs du devenir spectateur. Sans débat, sans questionnement, sans échange, comment spectateurs et publics culturels peuvent-ils survivre ? 














20180101

Deutscher Buchpreis

Robert Menasse wurde von der Jury zum Sieger des Deustchen Buchpreises gekürt. Anhand vieller Erzählstränge entwirft der 63-J¨hrige Autor in seinem Buch « Die Huaptastadt » ein schillerndes Bild der EU-Bürokratie. Seine Beschreibungen der Charaktere wirken treffend. Auch die Winkelzüge der Schweinemarktlobbyisten, die nach China drängen, lesen sich sehr wirklichkeitsnah. Doch die Handlung trägt in vielem auch sehr skurrile und satirische Züge. Das Ganze gipfel im verrückt anmutenden Vorschlag eines österreichischen EU-Beamten, zu den « Jubilee »-Feierlichkeiten der EU-Kommission Auschwitz in den Mittelpunkt zu stellen. Denn Schliesslich sei das Vernichtungslager der Nationalsozialisten auch sozusagen Ursprung der europäischen Idee. Farce oder Tragikomödie : All dies ist Menasses Buch.