Il n’existe pas de frontières politiques naturelles, et le concept de démocratie n’enveloppe pas de limitation de ce type. Les frontières résultent toutes d’une histoire, que cette dernière s’appuie sur des phénomènes géographiques (montagnes, fleuves,…) ou non. Ce sont les fictions nationales produites par les Etats-nations qui ont pour rôle de faire passer les frontières pour naturelles, afin d’ancrer en chacun l’idée qu’on ne peut arriver de nulle part ou qu’on ne peut relever de plusieurs appartenances, accompagnée de systèmes d’exclusion-répulsion. Mais au-delà de ces faits, et au-delà de la question de savoir ce qui est satisfait en chacun par l’insistance sur les frontières et les stigmates impartis, il importe d’explorer surtout ce pourquoi nous y tenons tant, dès lors que nous devons discuter de les dépasser. Comment reconnaît-on des frontières ? A des barrières, des limites : « Il faut que tu t’en ailles, tu ne peux pas rester ici » (JMG. Le Clézio, La Quarantaine, 19 juin, Paris, Gallimard, 1995, p. 152), d’autant qu’on ne peut guère se tenir sur « la ligne frontière » (idem, le 20 juin). Par quel processus finissons-nous par les accepter ? Par habitude et éducation nationale, par prégnance du national. Comment s’en déprendre ? Le lecteur observera, dans ce numéro centré sur les relations de la Turquie et de l’Union européenne, que ce n’est pas simple, dès lors qu’une question sensible pour les uns ou les autres entre en jeu, y compris dans le cadre de l’UE.
Le Spectateur européen a déjà montré ce que peut signifier le dépassement des frontières dans le cadre de l’Union européenne dans son état actuel. La carte permanente publiée dans chaque livraison le montre bien. Notre dernière publication portant sur les cartes a non moins amorcé le débat sur les frontières extérieures. Le Spectateur pousse à réfléchir sur le statut de l’autre extérieur (avant de s’attaquer à l’autre intérieur) dans une UE qui n’a pas fini de discuter sur et avec ses « marges ».
La question que nous voulons poser maintenant est celle-ci : pourquoi les fictions nationales ont-elles une telle prégnance, au point de nous faire parfois tenir des propos étonnants, et exalter des émotions confondantes ? Le rapport entre l’Idée d’Europe, l’Europe des géographes, celle des historiens, des politiques, et la configuration actuelle de l’UE (conçue comme projet politique institué) doit permettre d’interroger la constitution, la reproduction et la transformation nécessaires des « géographies de l’esprit », ainsi que les appelle Marc Crépon.
Voilà pourquoi nous proposons à nos lecteurs quelques considérations d’ensemble portant sur les rapports EU/Turquie et/ou Turquie/UE. Entre les deux : combien de frontières et de nationalismes exacerbés ! Le lecteur verra d’ailleurs que le point de vue Grec sur cette question n’est pas sans équivoques. Encore insistons-nous plutôt pour l’heure sur les frontières mentales. Un manuel scolaire français illustre toujours la candidature de la Turquie à l’entrée dans l’UE par une femme voilée ! (Rapport de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, jeudi 6 novembre 2008). La littérature Germano-Turque n’est pas non plus exempte de stéréotypes et de conflits portant sur l’ampleur de telles ou telles moeurs. Il nous paraît, sur cette question, qu’il importe d’en finir avec les répulsions si manifestes dans certains milieux parce que fondées sur des stéréotypes. D’autant que, qu’on soit favorable ou défavorable à l’adhésion de la Turquie à l’UE, la moindre des choses est de requérir des commentateurs des arguments, et non des sentiments vagues mâtinés de mensonges ou pire, de racisme. Quant à l’appartenance de la Turquie à l’Europe géographique, cela ne pose aucun problème, et un récent numéro de la revue Grande Europe, n°1, 2008 (Paris, La Documentation française) le rappelle avec nombre d’arguments. Quant à son appartenance à l’Europe historique, nul historien ne la conteste. Quant à son appartenance à l’Europe philosophique, qui la nie ? Alors, évitons les faux débats, voilà tout du moins ce que propose ce dossier : entreprendre les débats, en mettant en confrontation les perspectives turques, grecques, françaises, allemandes, espagnoles ainsi que toutes les autres, afin d’aider à construire une argumentation. La culture européenne, si elle doit avoir lieu, ne peut procéder de lieux communs. Elle doit se forger dans l’argumentation et la confrontation.
Le Spectateur européen a déjà montré ce que peut signifier le dépassement des frontières dans le cadre de l’Union européenne dans son état actuel. La carte permanente publiée dans chaque livraison le montre bien. Notre dernière publication portant sur les cartes a non moins amorcé le débat sur les frontières extérieures. Le Spectateur pousse à réfléchir sur le statut de l’autre extérieur (avant de s’attaquer à l’autre intérieur) dans une UE qui n’a pas fini de discuter sur et avec ses « marges ».
La question que nous voulons poser maintenant est celle-ci : pourquoi les fictions nationales ont-elles une telle prégnance, au point de nous faire parfois tenir des propos étonnants, et exalter des émotions confondantes ? Le rapport entre l’Idée d’Europe, l’Europe des géographes, celle des historiens, des politiques, et la configuration actuelle de l’UE (conçue comme projet politique institué) doit permettre d’interroger la constitution, la reproduction et la transformation nécessaires des « géographies de l’esprit », ainsi que les appelle Marc Crépon.
Voilà pourquoi nous proposons à nos lecteurs quelques considérations d’ensemble portant sur les rapports EU/Turquie et/ou Turquie/UE. Entre les deux : combien de frontières et de nationalismes exacerbés ! Le lecteur verra d’ailleurs que le point de vue Grec sur cette question n’est pas sans équivoques. Encore insistons-nous plutôt pour l’heure sur les frontières mentales. Un manuel scolaire français illustre toujours la candidature de la Turquie à l’entrée dans l’UE par une femme voilée ! (Rapport de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, jeudi 6 novembre 2008). La littérature Germano-Turque n’est pas non plus exempte de stéréotypes et de conflits portant sur l’ampleur de telles ou telles moeurs. Il nous paraît, sur cette question, qu’il importe d’en finir avec les répulsions si manifestes dans certains milieux parce que fondées sur des stéréotypes. D’autant que, qu’on soit favorable ou défavorable à l’adhésion de la Turquie à l’UE, la moindre des choses est de requérir des commentateurs des arguments, et non des sentiments vagues mâtinés de mensonges ou pire, de racisme. Quant à l’appartenance de la Turquie à l’Europe géographique, cela ne pose aucun problème, et un récent numéro de la revue Grande Europe, n°1, 2008 (Paris, La Documentation française) le rappelle avec nombre d’arguments. Quant à son appartenance à l’Europe historique, nul historien ne la conteste. Quant à son appartenance à l’Europe philosophique, qui la nie ? Alors, évitons les faux débats, voilà tout du moins ce que propose ce dossier : entreprendre les débats, en mettant en confrontation les perspectives turques, grecques, françaises, allemandes, espagnoles ainsi que toutes les autres, afin d’aider à construire une argumentation. La culture européenne, si elle doit avoir lieu, ne peut procéder de lieux communs. Elle doit se forger dans l’argumentation et la confrontation.