Oui à la Turquie : le choix de la modernité.
----------------------------------------------------------------------------------
In 2005, Turkey began talks on joining the European Union with the constant hope of a positive outcome. However, if the dialogue exists in UK or others europeans countries, France widely disapproves the turkish membership. Which are the reasons and solutions of this deadlock ? Michel Rocard is a french politician, member of European Parliament who also served as Prime Minister under the François Mitterand mandate, from 1988 to 1991. He belongs to the Socialist Party, whose head he took in 1993, and missed running for president several times. Moreover Rocard is known as an honnest speaker and therefore he wrote a book entitled Oui à la Turquie, which explains with conscience and fervour the main features of turkish system and all its qualities. Thus Turkey will be regarded by french people as a dynamic and promising country which will be able to increase its power as soon as EU will accept it. The author wants to make french citizens more lucid about Turkey’s membership and his book is an effective claiming of truth.
----------------------------------------------------------------------------------
Fransanin Turkiyeyin Avrupa Birligine girmesiyle ilgili tutumu butun dunyaca bilinmekteyken, yeni bir kitabin ortaya cikmasiyla birlikte fransiz toplumu tekrar Turkiye konusunu dusunmeye basladi. Ustelik kitabin yazari herhangi bir yazar degil. Michel Rocard, eski bir fransiz basbakan. Fransiz toplumunun cok saygi duydugu onemli bir siyasi kisilik. Kitabinin ismi « Turkiyeye Evet » .Bu ulkenin yerinin kesinlikle Avrupa Birligi oldugunu savunuyor. Tarihi, eknomiyi, cografyayi, kibris, kurt ve ermeni sorunlarini teker teker ele alip, Turkiyeyi zaman zaman elestirmeyi de ihmal etmeden, Turkiyenin yolunun AB oldugunu on plana suruyor. Bu kitap, Turkiye AB iliskisi acisindan onemli bir referans. Turkiyenin bu kitaptan onemli bir ders cikarmasi lazim . Turkiyeye karsi en buyuk engel gibi gozuken Fransada bile Turkiye tartismasi cok yakinda tekrar basliyacak. Umutlar tuketilmemistir ve Turklerin gozlerinin hala batıya yonelik olması surmelidir ve gerekmektedir
----------------------------------------------------------------------------------
L’entrée de la Turquie dans la très sacrée Union Européenne est probablement l’un des sujets les plus controversés au sein de celle-ci. Mais en France, peut-on réellement parler de controverse lorsque le débat sur la question est à peu près inexistant ? Comme si la position négative de notre Chef d’Etat sur la sensible question turque devait clore toute discussion et laisser ainsi s’éloigner une nation bien méconnue des Occidentaux.
Michel Rocard, dans son ouvrage Oui à la Turquie (Coll. Tapage, Hachette Littératures, Paris, 2008), comble nos lacunes pour nous livrer une réflexion lucide, concise et argumentée du problème. Son passé de chef de gouvernement, son présent de parlementaire européen ainsi que ses relations étroites avec la Turquie sont autant d’éléments qui lui permettent d’entrevoir la vraie face de ce grand pays en mal de reconnaissance. Et son étude débouche sur une réponse claire : un oui à l’adhésion de la Turquie s’impose.
Si l’intitulé de l’ouvrage constitue une prise de position formelle, il n’en va pas ainsi dans toutes les pages de l’ouvrage. L’auteur, en effet, prend soin d’observer d’un œil critique les enjeux que soulève la question de l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne. Ainsi, même le plus novice des lecteurs comprendra vite qu’il s’agit d’un débat révélateur de nombreuses questions, et qu’on ne peut clamer un « Oui à la Turquie » sans en expliquer les raisons, les conséquences et les défis.
Par souci de clarté et d’accessibilité, la plume de l’ex-Premier ministre se veut fluide et méthodique. Plutôt qu’une analyse prolixe, c’est plus certainement un compte-rendu des difficultés et un appel à la prise de conscience que Rocard entend livrer à ses lecteurs. Pour cela, la contexture se cantonne à une élémentaire succession de chapitres abordant chacun un aspect précis du problème, pour une lecture rapide et aisée. Il s’agit effectivement de sensibiliser l’opinion, encore trop frileuse à propos de la Turquie, et surtout de réveiller les mentalités apathiques à propos d’une prise de décision devenue urgente.
Après une brève introduction, le lecteur apprend s’il est besoin que la Turquie a joué un rôle de poids dans l’histoire et la géographie de l’Europe. Et l’auteur de nous rappeler brièvement la chronologie de cette construction de la Turquie à travers ses relations avec le vieux continent, constamment motivée par un « tropisme européen » unique.
Les exemples affluent pour attester que la Turquie s’est toujours tournée davantage vers l’Ouest durant son histoire, depuis l’hégémonique Empire Ottoman jusqu’à plus récemment lors de la Première Guerre Mondiale ou la Guerre du Golfe. Mais s’il ne faut retenir qu’une date, c’est celle du traité de Sèvres de 1920 qui a dépouillé l’Empire de sa toute-puissance après la défaite de l’Allemagne et de ses alliés. L’acuité du traumatisme n’aura pas fait sombrer le pays pour autant : c’est avec vaillance que les Turcs se sont relevés de cet échec cuisant pour entamer une mutation politique, démocratique et sociale profonde. La plus grande de leur histoire sûrement, portée par leur désormais héros national Mustafa Kemal. Et Rocard insiste longuement sur cet épisode de renouveau, cette remarquable avancée du peuple turc qui, au lieu de se montrer vindicatif, a préféré se reconstruire en cherchant l’inspiration chez les vainqueurs. Mustafa Kémal, ou Atatürk (le père turc), demeure en cela l’emblème intemporel de la République turque moderne.
Le deuxième chapitre prolonge cette observation et se concentre sur la politique turque du XXe siècle axée sur ses relations avec l’Occident. Sous influence américaine tout d’abord, la Turquie va rejoindre l’Otan en 1952 avant de se porter candidate pour intégrer la CEE en 1959. Mais ce qui est pour les démocraties occidentales une condition essentielle d’appartenance à la communauté européenne n’est pas encore acquis à la Turquie : l’Etat de droit. C’est le début d’une sempiternelle série d’atermoiements européens tandis que la Turquie se fragilise par coups d’état et tensions internes. L’année 2002 est l’occasion d’un nouveau souffle pour le pays, avec la création du parti démocrate musulman, l’AKP. Alors que l’Europe entrevoyait des risques d’islamisation du pays, les Turcs prouvent une nouvelle fois qu’ils aiment la démocratie et qu’ils la défendent, et que l’islam est loin de l’archaïsme qu’on lui prête souvent. C’est cette dynamique démocratique réelle mais encore fragile que Michel Rocard appelle à renforcer par le biais d’une adhésion à l’Union.
Le troisième chapitre insiste sur un aspect méconnu pour ne pas dire ignoré de la Turquie : son économie. Les Européens, et notamment les Français, se sont-ils déjà interrogés sur le potentiel économique de ce candidat téméraire ? Ont-ils pris le temps de s’intéresser à la question turque à travers autre chose que sa religion ou sa situation géographique ? Rien n’est moins sûr. Cette partie du livre est ainsi parmi les plus utiles de toutes car elle décrit l’extraordinaire moteur économique turc, avec ses nombreux atouts et ses quelques faiblesses. On comprend alors que ce n’est pas sur cette matière que les Européens peuvent faire montre de leur frilosité.
Rocard entame justement un quatrième chapitre pour évoquer le « train des réformes » que la Turquie a mis en route depuis quelques années. Notamment, depuis les fameux « critères de Copenhague » de 1993, les gouvernements turcs successifs se sont engagés dans d’importantes évolutions de la politique pour approcher toujours plus le modèle, il faut le dire, équivoque, de l’Etat de droit. La révision constitutionnelle de 2001 et les réformes du système administratif et judiciaire vont permettre à la Turquie de faire une place plus grande aux droits de l’homme. Ainsi, la liberté de presse, le respect des minorités ethniques ou encore la baisse de l’intervention de l’armée dans la politique sont autant de sujets que les textes turcs encadrent pour amener l’évolution démocratique à son paroxysme. Cependant, comme le souligne honnêtement Michel Rocard, ces progrès ne sauraient suffire tant que les comportements quotidiens ne s’imprègneront pas pleinement des réformes démocratiques textuelles. C’est un effort supplémentaire que devra fournir la Turquie si elle veut parachever son processus de démocratisation, mais après la lecture de l’ouvrage, tout permet d’y croire.
Le cinquième chapitre est l’occasion pour la Turquie d’entendre ses quatre, ou pour être juste, ses trois vérités. Le fait que l’auteur s’attarde sur les « questions qui fâchent » dans un livre intitulé « Oui à la Turquie » constitue un paradoxe nécessaire. Défendre l’intégration de la Turquie à l’Union est effectivement beaucoup plus louable lorsque cela s’accompagne d’une analyse éclaircie des qualités, mais aussi des lacunes du pays. Trois problèmes sont donc exposés : kurde, arménien et chypriote. Rocard les aborde avec pédagogie, assez pour que le lecteur comprenne l’essentiel de la polémique tout en s’affranchissant des détails superflus. Si la résolution de ces conflits paraît indispensable pour que la Turquie se conforme aux critères de Copenhague, Michel Rocard assure que c’est la poursuite des négociations entamées depuis 2005 qui permettra une conjoncture propice au changement. On ne saurait donc exiger des Turcs qu’ils résolvent leurs problèmes à propos des droits de l’homme avant d’être convaincus qu’une véritable dynamique européenne soit consacrée à leur candidature.
Mais l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne ne serait-elle conditionnée que par une série d’objectifs à atteindre ? Non, assurément. C’est dans le sixième chapitre que la contradiction se dévoile. Le lecteur pourra constater que le cahier des charges imposé à la Turquie est loin d’être fixe. L’Europe demande toujours plus, retarde le moment de la prise de décision par défiance et irresponsabilité. Ainsi, quand la Turquie semble enfin en voie d’accomplir son chemin vers les droits de l’homme, on s’effraie de son poids au Parlement Européen, de ses nationalistes et du bien-fondé de sa laïcité. Les kémalistes rigides menacent-ils le régime ? Les principes démocratiques turcs sont-ils solides ? Autant de doutes qui épuisent, découragent et vexent profondément le peuple turc qui a vu ses voisins bulgare ou roumain passer sans problème. C’est de ce point de vue-là qu’il faut craindre un repli identitaire et un rejet de l’Europe irréversibles.
Dans cette mare de réflexions suspicieuses, soyons positifs, requiert Rocard. La Turquie est une chance pour l’Europe et il faut la saisir tant qu’il est encore temps. Pour éviter qu’elle ne se tourne vers la Russie ou l’Asie, il est stratégiquement judicieux de joindre les Turcs à notre communauté en vue de relations pacifiées ; car la paix, « c’est ce que l’Europe sait le mieux faire ». Aussi, pour des raisons plus pragmatiques, répondre positivement à la candidature turque est l’occasion de s’allier avec un grand exportateur d’eau et de pétrole et de développer davantage le marché entre Europe et Asie Centrale. L’immigration contrôlée, le gonflement des effectifs militaires européens et une nouvelle approche de l’islam sont également à inscrire sur la liste des points forts à tirer de cette intégration. A noter que la religion musulmane demeure un lourd facteur de réticence chez les Européens, historiquement chrétiens. Avec une détermination remarquable, Michel Rocard tente de dépoussiérer notre vision bien surannée de l’islam, démontrant son caractère évolutif, moderne et essentiel, pourvu que l’Europe souhaite étendre son influence au Proche et Moyen-Orient.
Dans le huitième chapitre nous est remémorée l’élaboration progressive de la communauté européenne, strictement économique dans un premier temps, de plus en plus coopérative par la suite. Rocard va notamment dénoncer la Grande-Bretagne pour en faire, douteusement, l’un des principaux responsables de la « mort de l’Europe politique ». Si le point de vue est discutable, le résultat demeure effectif : l’Europe politique et fédérale n’existe pas. Quelle nécessité d’établir un tel constat dans cet ouvrage ? Pour expliquer que le « pouvoir d’attraction » de l’Union Européenne, dû à ses débuts économiques et commerciaux prospères, est désormais caduc. Et l’auteur de rappeler que la Turquie a présenté sa demande d’adhésion bien avant celle de la Grande-Bretagne, sans jamais que son cas soit étudié avec l’intérêt suffisant. Alors, les faibles capacités politiques de l’Union étant désormais indubitables, la Turquie va-t-elle garder longtemps encore les yeux tournés vers l’Ouest ?
Cette question en amène une autre, à laquelle Michel Rocard va consacrer un chapitre entier : qu’est-ce que l’Europe aujourd’hui ? Quelle est la nouvelle identité européenne, si identité il y a ? L’Europe est un « objet constitutionnel non identifié », répond l’ex-Premier Ministre. Comprenez, une communauté incertaine, qui cherche à mêler les économies mais jamais les souverainetés. Non, chaque Etat entend bien conserver sa politique nationale, la France en tête. Mais il y a bien une chose qu’on ne peut imputer à l’Europe : son caractère profondément démocratique et son leitmotiv fondé sur le respect formel des Droits de l’homme. C’est ainsi que Rocard oppose la raisonnable et structurée Union Européenne aux Etats-Unis « toujours soucieux de dérégulation ». Ce match des grandes puissances est là pour convaincre que l’adhésion de la Turquie et de ses quelques 71 millions d’habitants constituerait un atout majeur pour relancer la compétitivité du marché européen, ainsi que sa dynamique économique globale.
Après la défense ardente des atouts turcs, place à la raison en ce qui concerne une date possible d’admission à l’UE. Le pire serait de précipiter l’intégration de la Turquie, selon Michel Rocard et d’autres analystes. Pour éviter flux massifs de travailleurs et charges budgétaires pesantes, il faut dire oui rapidement mais patienter encore une quinzaine d’années avant que la Turquie ne devienne un membre européen à part entière. Pour cela, Rocard suggère une intégration progressive, par étapes, qui permettrait que la Turquie entre en Europe avec les meilleures armes en main. Le peuple turc, qui a par le passé refusé des alternatives en dépit d’une adhésion pleine, acceptera-t-il cette fois une solution personnalisée ? Comment convaincre cette grande nation que son cas ne peut être traité comme celui des Polonais ou des Bulgares ?
Michel Rocard termine sur une conclusion avertie. Faire nôtre la Turquie est indispensable pour réconcilier les musulmans avec l’Occident et démontrer que l’Union Européenne n’est pas un club de nations chrétiennes. Les nonistes doivent donc savoir que si leur position est validée, les conséquences sur la crédibilité de la laïcité seront grandes. Au final, ce livre est un mode d’emploi pour comprendre l’étendue des ressources de la Turquie, grande nation au potentiel insoupçonné. Michel Rocard, s’il aura semblé évasif dans son étude aux yeux des plus vétilleux, a incontestablement réussi un pari difficile : celui de présenter la Turquie sous un jour plus honnête et plus éclairé. Et c’est une fois les a priori tombés que ce grand peuple nous apparaît comme extraordinairement capable de grandes choses avec l’Europe.
Vincent Yahiaoui
La entrada de Turquía en la Unión Europea es un tema controvertido en el seno de la Unión. Pero, en Francia, ¿podemos hablar realmente de controversia cuando el debate no existe? Como si la posición negativa del presidente francés, Nicolas Sarkozy debiera cerrar la discusión sobre esta pregunta y alejar esta nación desconocida por los europeos.
Michel Rocard, ex primer ministro francés, intenta subsanar nuestras lagunas con una reflexión lúcida y argumentada del problema. Su estudio desemboca en una respuesta afirmativa como lo refleja el título de su libro “SÍ a Turquía”.
Aunque el título del libro es una toma de posición formal, las paginas parecen estar en contradicción con el mismo. En efecto, el libro presenta un debate y es gracias a este debate que el lector entiende la respuesta “SÍ a Turquía” de Rocard.
Después de una breve introducción, el lector descubre que Turquía ha jugado un papel muy importante en la historia y la geografía de Europa. El autor nos recuerda la cronología de la construcción de este país a través de sus relaciones con el « viejo continente » motivado, este último, por un “pensamiento europeo único”. Los ejemplos son numerosos para mostrar que Turquía estuvo siempre dirigida hacia el Oeste durante su historia. Sin embargo, si hay que retener una fecha, es la fecha del Tratado de Sevres de 1920 que despojó al Imperio Otomano de su poder.
Después de este fracaso, Turquía empezó una mutación política, democrática y social dirigida por Mustafa Kemal que se convirtió en el héroe nacional al inspirarse del modelo europeo: adoptar el código civil suizo y penal italiano, la “laicidad”, inspirada teóricamente del modelo francés y la prohibición del velo en los lugares públicos. Rocard insiste en esta renovación y en la madurez del país al adaptarse a estos cambios.
Otro argumento que permite sostener la adhesión de Turquía en la Unión Europea es su economía. Rocard describe el extraordinario potencial económico de este país con sus numerosas ventajas y algunas de sus lagunas. En efecto lo que hay que entender es que lo que está en juego no es solamente una posición geográfica o de religión.
También Rocard nos evoca los esfuerzos de reforma empezados por Turquía desde hace algunos años. El gobierno turco se ha comprometido con importantes cambios para acercarse al modelo del Estado de derecho. La revisión constitucional de 2001 y las reformas del sistema administrativo y judicial han permitido a Turquía poner en un lugar importante a los derechos humanos. Sin embargo, estos progresos no son suficientes y Turquía debe continuar sus reformas democráticas. También es necesario que no se olviden la « preguntas más delicadas », es decir la cuestión kurda, armenia y chipriota.
Si esto último interesa realmente a la Unión Europea lo mas estratégico podría ser que ésta se implicara para ayudar a una democracia reciente, como el caso de Turquía, a resolverlos.
Para terminar, estamos en un mundo que presenta un choque de culturas debido a la incomprensión. En efecto, los conflictos entre el mundo cristiano y el mundo musulmán son conocidos por todos. Samuel Huntington, profesor en la Universidad de Harvard, habla de choque de civilizaciones. Entonces, aceptar a Turquía, un país musulmán, podría ser interesante para pacificar las relaciones entre los dos mundos y mostrar que existen no dos sino un mundo que reconoce la diversidad.
Reprise en Espagnol par Kerim Uster
L’entrée de la Turquie dans la très sacrée Union Européenne est probablement l’un des sujets les plus controversés au sein de celle-ci. Mais en France, peut-on réellement parler de controverse lorsque le débat sur la question est à peu près inexistant ? Comme si la position négative de notre Chef d’Etat sur la sensible question turque devait clore toute discussion et laisser ainsi s’éloigner une nation bien méconnue des Occidentaux.
Michel Rocard, dans son ouvrage Oui à la Turquie (Coll. Tapage, Hachette Littératures, Paris, 2008), comble nos lacunes pour nous livrer une réflexion lucide, concise et argumentée du problème. Son passé de chef de gouvernement, son présent de parlementaire européen ainsi que ses relations étroites avec la Turquie sont autant d’éléments qui lui permettent d’entrevoir la vraie face de ce grand pays en mal de reconnaissance. Et son étude débouche sur une réponse claire : un oui à l’adhésion de la Turquie s’impose.
Si l’intitulé de l’ouvrage constitue une prise de position formelle, il n’en va pas ainsi dans toutes les pages de l’ouvrage. L’auteur, en effet, prend soin d’observer d’un œil critique les enjeux que soulève la question de l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne. Ainsi, même le plus novice des lecteurs comprendra vite qu’il s’agit d’un débat révélateur de nombreuses questions, et qu’on ne peut clamer un « Oui à la Turquie » sans en expliquer les raisons, les conséquences et les défis.
Par souci de clarté et d’accessibilité, la plume de l’ex-Premier ministre se veut fluide et méthodique. Plutôt qu’une analyse prolixe, c’est plus certainement un compte-rendu des difficultés et un appel à la prise de conscience que Rocard entend livrer à ses lecteurs. Pour cela, la contexture se cantonne à une élémentaire succession de chapitres abordant chacun un aspect précis du problème, pour une lecture rapide et aisée. Il s’agit effectivement de sensibiliser l’opinion, encore trop frileuse à propos de la Turquie, et surtout de réveiller les mentalités apathiques à propos d’une prise de décision devenue urgente.
Après une brève introduction, le lecteur apprend s’il est besoin que la Turquie a joué un rôle de poids dans l’histoire et la géographie de l’Europe. Et l’auteur de nous rappeler brièvement la chronologie de cette construction de la Turquie à travers ses relations avec le vieux continent, constamment motivée par un « tropisme européen » unique.
Les exemples affluent pour attester que la Turquie s’est toujours tournée davantage vers l’Ouest durant son histoire, depuis l’hégémonique Empire Ottoman jusqu’à plus récemment lors de la Première Guerre Mondiale ou la Guerre du Golfe. Mais s’il ne faut retenir qu’une date, c’est celle du traité de Sèvres de 1920 qui a dépouillé l’Empire de sa toute-puissance après la défaite de l’Allemagne et de ses alliés. L’acuité du traumatisme n’aura pas fait sombrer le pays pour autant : c’est avec vaillance que les Turcs se sont relevés de cet échec cuisant pour entamer une mutation politique, démocratique et sociale profonde. La plus grande de leur histoire sûrement, portée par leur désormais héros national Mustafa Kemal. Et Rocard insiste longuement sur cet épisode de renouveau, cette remarquable avancée du peuple turc qui, au lieu de se montrer vindicatif, a préféré se reconstruire en cherchant l’inspiration chez les vainqueurs. Mustafa Kémal, ou Atatürk (le père turc), demeure en cela l’emblème intemporel de la République turque moderne.
Le deuxième chapitre prolonge cette observation et se concentre sur la politique turque du XXe siècle axée sur ses relations avec l’Occident. Sous influence américaine tout d’abord, la Turquie va rejoindre l’Otan en 1952 avant de se porter candidate pour intégrer la CEE en 1959. Mais ce qui est pour les démocraties occidentales une condition essentielle d’appartenance à la communauté européenne n’est pas encore acquis à la Turquie : l’Etat de droit. C’est le début d’une sempiternelle série d’atermoiements européens tandis que la Turquie se fragilise par coups d’état et tensions internes. L’année 2002 est l’occasion d’un nouveau souffle pour le pays, avec la création du parti démocrate musulman, l’AKP. Alors que l’Europe entrevoyait des risques d’islamisation du pays, les Turcs prouvent une nouvelle fois qu’ils aiment la démocratie et qu’ils la défendent, et que l’islam est loin de l’archaïsme qu’on lui prête souvent. C’est cette dynamique démocratique réelle mais encore fragile que Michel Rocard appelle à renforcer par le biais d’une adhésion à l’Union.
Le troisième chapitre insiste sur un aspect méconnu pour ne pas dire ignoré de la Turquie : son économie. Les Européens, et notamment les Français, se sont-ils déjà interrogés sur le potentiel économique de ce candidat téméraire ? Ont-ils pris le temps de s’intéresser à la question turque à travers autre chose que sa religion ou sa situation géographique ? Rien n’est moins sûr. Cette partie du livre est ainsi parmi les plus utiles de toutes car elle décrit l’extraordinaire moteur économique turc, avec ses nombreux atouts et ses quelques faiblesses. On comprend alors que ce n’est pas sur cette matière que les Européens peuvent faire montre de leur frilosité.
Rocard entame justement un quatrième chapitre pour évoquer le « train des réformes » que la Turquie a mis en route depuis quelques années. Notamment, depuis les fameux « critères de Copenhague » de 1993, les gouvernements turcs successifs se sont engagés dans d’importantes évolutions de la politique pour approcher toujours plus le modèle, il faut le dire, équivoque, de l’Etat de droit. La révision constitutionnelle de 2001 et les réformes du système administratif et judiciaire vont permettre à la Turquie de faire une place plus grande aux droits de l’homme. Ainsi, la liberté de presse, le respect des minorités ethniques ou encore la baisse de l’intervention de l’armée dans la politique sont autant de sujets que les textes turcs encadrent pour amener l’évolution démocratique à son paroxysme. Cependant, comme le souligne honnêtement Michel Rocard, ces progrès ne sauraient suffire tant que les comportements quotidiens ne s’imprègneront pas pleinement des réformes démocratiques textuelles. C’est un effort supplémentaire que devra fournir la Turquie si elle veut parachever son processus de démocratisation, mais après la lecture de l’ouvrage, tout permet d’y croire.
Le cinquième chapitre est l’occasion pour la Turquie d’entendre ses quatre, ou pour être juste, ses trois vérités. Le fait que l’auteur s’attarde sur les « questions qui fâchent » dans un livre intitulé « Oui à la Turquie » constitue un paradoxe nécessaire. Défendre l’intégration de la Turquie à l’Union est effectivement beaucoup plus louable lorsque cela s’accompagne d’une analyse éclaircie des qualités, mais aussi des lacunes du pays. Trois problèmes sont donc exposés : kurde, arménien et chypriote. Rocard les aborde avec pédagogie, assez pour que le lecteur comprenne l’essentiel de la polémique tout en s’affranchissant des détails superflus. Si la résolution de ces conflits paraît indispensable pour que la Turquie se conforme aux critères de Copenhague, Michel Rocard assure que c’est la poursuite des négociations entamées depuis 2005 qui permettra une conjoncture propice au changement. On ne saurait donc exiger des Turcs qu’ils résolvent leurs problèmes à propos des droits de l’homme avant d’être convaincus qu’une véritable dynamique européenne soit consacrée à leur candidature.
Mais l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne ne serait-elle conditionnée que par une série d’objectifs à atteindre ? Non, assurément. C’est dans le sixième chapitre que la contradiction se dévoile. Le lecteur pourra constater que le cahier des charges imposé à la Turquie est loin d’être fixe. L’Europe demande toujours plus, retarde le moment de la prise de décision par défiance et irresponsabilité. Ainsi, quand la Turquie semble enfin en voie d’accomplir son chemin vers les droits de l’homme, on s’effraie de son poids au Parlement Européen, de ses nationalistes et du bien-fondé de sa laïcité. Les kémalistes rigides menacent-ils le régime ? Les principes démocratiques turcs sont-ils solides ? Autant de doutes qui épuisent, découragent et vexent profondément le peuple turc qui a vu ses voisins bulgare ou roumain passer sans problème. C’est de ce point de vue-là qu’il faut craindre un repli identitaire et un rejet de l’Europe irréversibles.
Dans cette mare de réflexions suspicieuses, soyons positifs, requiert Rocard. La Turquie est une chance pour l’Europe et il faut la saisir tant qu’il est encore temps. Pour éviter qu’elle ne se tourne vers la Russie ou l’Asie, il est stratégiquement judicieux de joindre les Turcs à notre communauté en vue de relations pacifiées ; car la paix, « c’est ce que l’Europe sait le mieux faire ». Aussi, pour des raisons plus pragmatiques, répondre positivement à la candidature turque est l’occasion de s’allier avec un grand exportateur d’eau et de pétrole et de développer davantage le marché entre Europe et Asie Centrale. L’immigration contrôlée, le gonflement des effectifs militaires européens et une nouvelle approche de l’islam sont également à inscrire sur la liste des points forts à tirer de cette intégration. A noter que la religion musulmane demeure un lourd facteur de réticence chez les Européens, historiquement chrétiens. Avec une détermination remarquable, Michel Rocard tente de dépoussiérer notre vision bien surannée de l’islam, démontrant son caractère évolutif, moderne et essentiel, pourvu que l’Europe souhaite étendre son influence au Proche et Moyen-Orient.
Dans le huitième chapitre nous est remémorée l’élaboration progressive de la communauté européenne, strictement économique dans un premier temps, de plus en plus coopérative par la suite. Rocard va notamment dénoncer la Grande-Bretagne pour en faire, douteusement, l’un des principaux responsables de la « mort de l’Europe politique ». Si le point de vue est discutable, le résultat demeure effectif : l’Europe politique et fédérale n’existe pas. Quelle nécessité d’établir un tel constat dans cet ouvrage ? Pour expliquer que le « pouvoir d’attraction » de l’Union Européenne, dû à ses débuts économiques et commerciaux prospères, est désormais caduc. Et l’auteur de rappeler que la Turquie a présenté sa demande d’adhésion bien avant celle de la Grande-Bretagne, sans jamais que son cas soit étudié avec l’intérêt suffisant. Alors, les faibles capacités politiques de l’Union étant désormais indubitables, la Turquie va-t-elle garder longtemps encore les yeux tournés vers l’Ouest ?
Cette question en amène une autre, à laquelle Michel Rocard va consacrer un chapitre entier : qu’est-ce que l’Europe aujourd’hui ? Quelle est la nouvelle identité européenne, si identité il y a ? L’Europe est un « objet constitutionnel non identifié », répond l’ex-Premier Ministre. Comprenez, une communauté incertaine, qui cherche à mêler les économies mais jamais les souverainetés. Non, chaque Etat entend bien conserver sa politique nationale, la France en tête. Mais il y a bien une chose qu’on ne peut imputer à l’Europe : son caractère profondément démocratique et son leitmotiv fondé sur le respect formel des Droits de l’homme. C’est ainsi que Rocard oppose la raisonnable et structurée Union Européenne aux Etats-Unis « toujours soucieux de dérégulation ». Ce match des grandes puissances est là pour convaincre que l’adhésion de la Turquie et de ses quelques 71 millions d’habitants constituerait un atout majeur pour relancer la compétitivité du marché européen, ainsi que sa dynamique économique globale.
Après la défense ardente des atouts turcs, place à la raison en ce qui concerne une date possible d’admission à l’UE. Le pire serait de précipiter l’intégration de la Turquie, selon Michel Rocard et d’autres analystes. Pour éviter flux massifs de travailleurs et charges budgétaires pesantes, il faut dire oui rapidement mais patienter encore une quinzaine d’années avant que la Turquie ne devienne un membre européen à part entière. Pour cela, Rocard suggère une intégration progressive, par étapes, qui permettrait que la Turquie entre en Europe avec les meilleures armes en main. Le peuple turc, qui a par le passé refusé des alternatives en dépit d’une adhésion pleine, acceptera-t-il cette fois une solution personnalisée ? Comment convaincre cette grande nation que son cas ne peut être traité comme celui des Polonais ou des Bulgares ?
Michel Rocard termine sur une conclusion avertie. Faire nôtre la Turquie est indispensable pour réconcilier les musulmans avec l’Occident et démontrer que l’Union Européenne n’est pas un club de nations chrétiennes. Les nonistes doivent donc savoir que si leur position est validée, les conséquences sur la crédibilité de la laïcité seront grandes. Au final, ce livre est un mode d’emploi pour comprendre l’étendue des ressources de la Turquie, grande nation au potentiel insoupçonné. Michel Rocard, s’il aura semblé évasif dans son étude aux yeux des plus vétilleux, a incontestablement réussi un pari difficile : celui de présenter la Turquie sous un jour plus honnête et plus éclairé. Et c’est une fois les a priori tombés que ce grand peuple nous apparaît comme extraordinairement capable de grandes choses avec l’Europe.
Vincent Yahiaoui
La entrada de Turquía en la Unión Europea es un tema controvertido en el seno de la Unión. Pero, en Francia, ¿podemos hablar realmente de controversia cuando el debate no existe? Como si la posición negativa del presidente francés, Nicolas Sarkozy debiera cerrar la discusión sobre esta pregunta y alejar esta nación desconocida por los europeos.
Michel Rocard, ex primer ministro francés, intenta subsanar nuestras lagunas con una reflexión lúcida y argumentada del problema. Su estudio desemboca en una respuesta afirmativa como lo refleja el título de su libro “SÍ a Turquía”.
Aunque el título del libro es una toma de posición formal, las paginas parecen estar en contradicción con el mismo. En efecto, el libro presenta un debate y es gracias a este debate que el lector entiende la respuesta “SÍ a Turquía” de Rocard.
Después de una breve introducción, el lector descubre que Turquía ha jugado un papel muy importante en la historia y la geografía de Europa. El autor nos recuerda la cronología de la construcción de este país a través de sus relaciones con el « viejo continente » motivado, este último, por un “pensamiento europeo único”. Los ejemplos son numerosos para mostrar que Turquía estuvo siempre dirigida hacia el Oeste durante su historia. Sin embargo, si hay que retener una fecha, es la fecha del Tratado de Sevres de 1920 que despojó al Imperio Otomano de su poder.
Después de este fracaso, Turquía empezó una mutación política, democrática y social dirigida por Mustafa Kemal que se convirtió en el héroe nacional al inspirarse del modelo europeo: adoptar el código civil suizo y penal italiano, la “laicidad”, inspirada teóricamente del modelo francés y la prohibición del velo en los lugares públicos. Rocard insiste en esta renovación y en la madurez del país al adaptarse a estos cambios.
Otro argumento que permite sostener la adhesión de Turquía en la Unión Europea es su economía. Rocard describe el extraordinario potencial económico de este país con sus numerosas ventajas y algunas de sus lagunas. En efecto lo que hay que entender es que lo que está en juego no es solamente una posición geográfica o de religión.
También Rocard nos evoca los esfuerzos de reforma empezados por Turquía desde hace algunos años. El gobierno turco se ha comprometido con importantes cambios para acercarse al modelo del Estado de derecho. La revisión constitucional de 2001 y las reformas del sistema administrativo y judicial han permitido a Turquía poner en un lugar importante a los derechos humanos. Sin embargo, estos progresos no son suficientes y Turquía debe continuar sus reformas democráticas. También es necesario que no se olviden la « preguntas más delicadas », es decir la cuestión kurda, armenia y chipriota.
Si esto último interesa realmente a la Unión Europea lo mas estratégico podría ser que ésta se implicara para ayudar a una democracia reciente, como el caso de Turquía, a resolverlos.
Para terminar, estamos en un mundo que presenta un choque de culturas debido a la incomprensión. En efecto, los conflictos entre el mundo cristiano y el mundo musulmán son conocidos por todos. Samuel Huntington, profesor en la Universidad de Harvard, habla de choque de civilizaciones. Entonces, aceptar a Turquía, un país musulmán, podría ser interesante para pacificar las relaciones entre los dos mundos y mostrar que existen no dos sino un mundo que reconoce la diversidad.
Reprise en Espagnol par Kerim Uster