Réception de l’œuvre
d’art : comment la penser ?
Josselin Lavigne
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The
reception of art is the act of the observer using his sensibility. This action
takes place in the second part of the «life» of the artwork while the first
part occures in the production. Considering this, the production is in the
hands of the artist whereas the reception is under public’s control. This will
have consequences, reactions which will be positive or negative. In this very
moment, when the observer reacts, the compatibility between production and
reception will be shown. Therefore every piece of art undergoes 3 periods in
their „lives“: their realisation, their reception and their reaction (which
determines their durability). The artist creates the artwork not yet their
aftereffects, that is why the reception and their consequences are important
for the naturally flow of the oeuvre. Number 21 of Recherches en Esthétique reveals
the importance of this issue regarding the terrorist attacks of January 2015 in
Paris. The revue highlights the necessity of reflection of the concept of
reception in art and the consideration of possible reactions and risks which an
artwork can trigger.
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La réception de l’art est l’action du spectateur à partir de sa sensibilité. Cette action compose la deuxième partie de la vie de l’œuvre d’art. La première étant la production de l’œuvre. Si la production est sous la maîtrise de l’auteur, la réception est sous le contrôle du Public. Cette action va provoquer des conséquences, des réactions (positives ou négatives). C’est au moment où s’accomplissent ces réactions que l’on s’aperçoit de la compatibilité ou non de la réception à la production de l’œuvre d’art. Il y aurait donc trois périodes dans la vie d’une œuvre : sa réalisation, sa réception et sa réaction. Cette dernière conditionnant la longévité de l’œuvre d’art. L’artiste maîtrise la réalisation de son œuvre mais pas son prolongement, c’est pourquoi la réception et ses conséquences sont importantes pour la nature de l’œuvre. Le numéro 21 de la revue Recherches en Esthétique arbore la richesse de ce thème à la suite des attentats de Janvier 2015 à Paris. C’est au travers d’un regard international que la revue répond à la nécessité de réfléchir sur la notion de réception dans l’art et de comprendre les risques de certaines réactions.
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Wie
Kunst aufgenommen wird hängt von der Sensibilität des Betrachters ab. Die
subjektive Aufnahme findet im zweiten Teil « im Leben » des Kunstwerkes statt,
wobei der erste Teil in der Produktion steckt. Die Produktion liegt in den
Händen des Künstlers, wobei das Empfangen und Werten des Kunstwerkes später von
der Öffentlichkeit abhängig ist. Dies provoziert dann positive oder negative
Reaktionen. In dem Moment, wo sich die Reaktion des Betrachters zeigt, weist es
die Kompatibilität zwischen Produktion und Rezeption des Kunstwerkes auf.
Demnach hat es drei Abschnitte im Leben eines Kunstwerkes: seine Kreation,
seine Rezeption und seine Reaktion. Letzteres bestimmt die Lebensdauer
(Vergänglichkeit) des Kunstwerkes. Der Künstler erschafft sein Werk, jedoch nicht
seine Nachwirkung, daher ist die Aufnahme und dessen Reaktionen wichtig für den
natürlichen Lauf des Werkes. Nummer 21 der Revue Recherches en Esthétique
entfaltet den Reichtum dieses Themas im Zusammenhang mit den Attentaten in
Paris im Jahr 2015. Durch eine internationale Perspektive erklärt die Revue die
Notwendigkeit der Erwägung möglicher Reaktionen, die die Aufnahme eines
Kunstwerkes auslösen kann und die damit verbundenen Risiken.
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La réception de l’art est l’action du spectateur à
partir de sa sensibilité. Cette action compose la deuxième partie de la vie de
l’œuvre d’art. La première étant la production de l’œuvre. Si la production est
sous la maîtrise de l’auteur, la réception est sous le contrôle du Public.
Cette action va provoquer des conséquences, des réactions (positives ou
négatives). C’est au moment où s’accomplissent ces réactions que l’on
s’aperçoit de la compatibilité ou non de la réception à la production de
l’œuvre d’art. La réaction dépend du cadre dans lequel se produit l’œuvre, pouvant
aller de la critique (régime démocratique) à la destruction (régime
totalitaire). Il y aurait donc trois périodes dans la vie d’une œuvre : sa
réalisation, sa réception et sa réaction. Cette dernière conditionnant la
longévité de l’œuvre d’art. Le public peut percevoir avec décalage ce que
l’artiste à réalisé, parfois longtemps avant la réception positive. Il y a
comme une renaissance de la réception de l’œuvre d’art. L’artiste maîtrise la
réalisation de son œuvre mais pas son prolongement, c’est pourquoi la réception
et ses conséquences sont importantes pour la nature de l’œuvre. Le numéro 21 de
la revue Recherches en Esthétique aborde
la richesse de ce thème à la suite des attentats de Janvier 2015 à Paris. C’est
au travers d’un regard international que la revue répond à la nécessité de
réfléchir sur la notion de réception dans l’art et de comprendre les risques de
certaines réactions. Avant de se plonger dans le problème de la réception, la
revue analyse la nature de l’art d’aujourd’hui et de ses éléments satellites.
Le monde de l’art change en fonction des époques car
les critères de l’art changent. Ainsi il a des réceptions car il y a des arts.
Cette réception dépendant du contexte de l’œuvre. C’est ce qu’écrit Kenji
Kitayama dans son article « Questions sur la diversification de
l’art ». À cela s’ajoute
la nature de l’œuvre et la formation du spectateur dans ce monde variant.
Le spectateur découvre le résultat d’une œuvre mais
en ignore tout le processus. C’est la création, une expérience de structuration
de l’inextricable (Kadinsky). Dominique Berthet parle d’êtres réels, singuliers
pour désigner les œuvres d’art. Cette comparaison permettant de comprendre le
rapport entre l’œuvre et le spectateur, ce dernier complétant l’art par sa
réception. (« La réception de l’art, de l’étonnement au geste extrême »)
Cette réception est considérée dans sa conception
usuelle comme une situation dans laquelle le récepteur (être) perçoit un
message présupposé. Le savoir étant l’outil permettant une « bonne »
perception, cela distinguant ceux qui ont la bonne réception de ceux qui ont la
mauvaise. Le philosophe Christian Ruby dans son article « L’art avant la
réception » nous montre que ce n’est pas en tant que statut mais à partir
d’exercices que le spectateur rencontre l’œuvre. Cette activité étant le
résultat d’une multiplicité de processus de rupture et d’instauration. Le
spectateur s’extradant d’une réception mécanique vers une réception esthétique.
Cette dernière ayant laissé sa place à une spectatorialité dans laquelle le
spectateur entretient un rapport uniquement avec l’œuvre d’art et l’artiste et
non plus avec une entité externe. La réception de l’art ne doit pas s’accomplir
sous tutelle sans quoi le spectateur ne serait pas autonome. Ce spectateur
autonome a changé la nature de l’œuvre d’art par cet exercice esthétique.
Ainsi, dans une époque où l’art ne s’adresse plus à des fidèles, un religieux
extrémiste (ou quelqu’un se croyant l’être) pourrait réagir négativement face à
l’art le poussant à s’émanciper.
Marc Jimenez dans son entretien avec Dominique
Berthet : « Attention à l’art contemporain ! », démêle
l’ennui de cette réaction négative. Une réaction positive étant une réaction
proportionnée à la nature de l’œuvre. À l’inverse, une réaction disproportionné
est considérée comme étant négative (Attentat de Charlie Hebdo en réponse à des
caricatures, par exemple). La raison pour laquelle la réaction doit exister est
la même que celle pour laquelle l’œuvre est crée : la liberté. La liberté
de penser, d’expression ou de communiquer alimente aussi bien la réalisation
que sa réaction. L’explication de cette réaction négative est souvent décrite
comme un décalage en l’Art et le public, restant comme bloqué sur ses
références. Face à ces réactions allant de l’incompréhension à la destruction,
la solution serait de laisser faire le temps afin que le public devienne
réceptif.
Toute la difficulté consiste à savoir d’où vient
cette réaction, elle semblerait venir de l’incompréhension du spectateur mais
l’art peut en être responsable. Ainsi Michel Guerin dans son article « Je
suis Charlie », versus « Oui, mais… » et Dominique Berthet dans
son article « La réception de l’art, de l’étonnement au geste
extrême » donnent une explication à cette réaction dont le spectateur est
responsable.
La réaction ne s’accomplit pas avec la sensibilité
pour mesure et la liberté pour réaction, mais avec l’idéologie. La raison ne
gouvernant pas la réception, il n’y a plus de sensibilité mais uniquement un a priori
avant même de découvrir l’œuvre.
La réaction du public devrait être l’étonnement,
intense ou radical. Dominique Berthet décrit l’étonnement comme une marque de
curiosité et d’intérêt du spectateur, le dérangeant et le déstabilisant. Mais
si ces réactions sont considérées comme « normales », il existe des
réactions négatives pouvant être considérées comme des gestes extrêmes.
L’auteur rappelle les cas les plus récents comme ceux de Paul McCarthy agressé
pour son œuvre « Tree » en octobre 2014 ou bien l’œuvre de Jeff Koons
interdite en 2008. Ces gestes extrêmes représentent la suppression de la
liberté d’expression. Mais l’art n’est pas toujours innocent face à certaines
réactions, c’est l’avis de sDominique Château dans « La réception de l’art
à l’ère du Post-art ». Celui-ci nous décrit, qu’à notre époque
« Post-Art », les valeurs de l’art auraient un lien avec la réception
négative de certaines œuvres. Ces valeurs se composant de l’artiste (la source
de création), l’œuvre (l’objet d’appropriation) et sa réception. C’est par cette
équation à trois termes que Dominique Château nous explique leurs évolutions.
La réception négative peut s’expliquer par l’art lui même. Ainsi, la réception
de l’œuvre d’art dépendrait du statut d’artiste et donc de son processus de
création. Cette « mauvaise » réception de la part du public pourrait
s’expliquer par un recul de ces valeurs : ambiguïté de l’œuvre, diminution
du pouvoir de l’artiste sur son récepteur ou encore diminution de la frontière
entre monde culturel et monde de l’art. Il ne faudrait pas pour autant négliger
l’art qui reste une source rare dans certains pays, Babacar Mbaye Diop dans
« La réception de l’art au Sénégal » nous le rappelle. Pays où l’art
reste concentré dans la capitale et peu dans les autres régions, ne laissant
pas de latitude à une quelconque réception dans plus de la moitié du pays.
Malgré tout, Dominique Berthet reste positif en expliquant que la réception de
l’art est une question de temps. De tous temps et à chaque époque beaucoup
d’œuvres d’hier n’ont été comprises que demain, à nous de venir...
Recherches en Esthétique, Revue
du CEREAP, n° 21, Janvier 2016, La
réception de l’art, directeur de la publication : Dominique Berthet, diffuseur
Paris, ELSB.