20160203

Réception

 Réception de l’œuvre d’art : comment la penser ?
Josselin Lavigne
----------------------------------------------------------------------------------------

The reception of art is the act of the observer using his sensibility. This action takes place in the second part of the «life» of the artwork while the first part occures in the production. Considering this, the production is in the hands of the artist whereas the reception is under public’s control. This will have consequences, reactions which will be positive or negative. In this very moment, when the observer reacts, the compatibility between production and reception will be shown. Therefore every piece of art undergoes 3 periods in their „lives“: their realisation, their reception and their reaction (which determines their durability). The artist creates the artwork not yet their aftereffects, that is why the reception and their consequences are important for the naturally flow of the oeuvre. Number 21 of Recherches en Esthétique reveals the importance of this issue regarding the terrorist attacks of January 2015 in Paris. The revue highlights the necessity of reflection of the concept of reception in art and the consideration of possible reactions and risks which an artwork can trigger.

----------------------------------------------------------------------------------------
 
La réception de l’art est l’action du spectateur à partir de sa sensibilité. Cette action compose la deuxième partie de la vie de l’œuvre d’art. La première étant la production de l’œuvre. Si la production est sous la maîtrise de l’auteur, la réception est sous le contrôle du Public. Cette action va provoquer des conséquences, des réactions (positives ou négatives). C’est au moment où s’accomplissent ces réactions que l’on s’aperçoit de la compatibilité ou non de la réception à la production de l’œuvre d’art. Il y aurait donc trois périodes dans la vie d’une œuvre : sa réalisation, sa réception et sa réaction. Cette dernière conditionnant la longévité de l’œuvre d’art. L’artiste maîtrise la réalisation de son œuvre mais pas son prolongement, c’est pourquoi la réception et ses conséquences sont importantes pour la nature de l’œuvre. Le numéro 21 de la revue Recherches en Esthétique arbore la richesse de ce thème à la suite des attentats de Janvier 2015 à Paris. C’est au travers d’un regard international que la revue répond à la nécessité de réfléchir sur la notion de réception dans l’art et de comprendre les risques de certaines réactions.

----------------------------------------------------------------------------------------

Wie Kunst aufgenommen wird hängt von der Sensibilität des Betrachters ab. Die subjektive Aufnahme findet im zweiten Teil « im Leben » des Kunstwerkes statt, wobei der erste Teil in der Produktion steckt. Die Produktion liegt in den Händen des Künstlers, wobei das Empfangen und Werten des Kunstwerkes später von der Öffentlichkeit abhängig ist. Dies provoziert dann positive oder negative Reaktionen. In dem Moment, wo sich die Reaktion des Betrachters zeigt, weist es die Kompatibilität zwischen Produktion und Rezeption des Kunstwerkes auf. Demnach hat es drei Abschnitte im Leben eines Kunstwerkes: seine Kreation, seine Rezeption und seine Reaktion. Letzteres bestimmt die Lebensdauer (Vergänglichkeit) des Kunstwerkes. Der Künstler erschafft sein Werk, jedoch nicht seine Nachwirkung, daher ist die Aufnahme und dessen Reaktionen wichtig für den natürlichen Lauf des Werkes. Nummer 21 der Revue Recherches en Esthétique entfaltet den Reichtum dieses Themas im Zusammenhang mit den Attentaten in Paris im Jahr 2015. Durch eine internationale Perspektive erklärt die Revue die Notwendigkeit der Erwägung möglicher Reaktionen, die die Aufnahme eines Kunstwerkes auslösen kann und die damit verbundenen Risiken.

----------------------------------------------------------------------------------------

La réception de l’art est l’action du spectateur à partir de sa sensibilité. Cette action compose la deuxième partie de la vie de l’œuvre d’art. La première étant la production de l’œuvre. Si la production est sous la maîtrise de l’auteur, la réception est sous le contrôle du Public. Cette action va provoquer des conséquences, des réactions (positives ou négatives). C’est au moment où s’accomplissent ces réactions que l’on s’aperçoit de la compatibilité ou non de la réception à la production de l’œuvre d’art. La réaction dépend du cadre dans lequel se produit l’œuvre, pouvant aller de la critique (régime démocratique) à la destruction (régime totalitaire). Il y aurait donc trois périodes dans la vie d’une œuvre : sa réalisation, sa réception et sa réaction. Cette dernière conditionnant la longévité de l’œuvre d’art. Le public peut percevoir avec décalage ce que l’artiste à réalisé, parfois longtemps avant la réception positive. Il y a comme une renaissance de la réception de l’œuvre d’art. L’artiste maîtrise la réalisation de son œuvre mais pas son prolongement, c’est pourquoi la réception et ses conséquences sont importantes pour la nature de l’œuvre. Le numéro 21 de la revue Recherches en Esthétique aborde la richesse de ce thème à la suite des attentats de Janvier 2015 à Paris. C’est au travers d’un regard international que la revue répond à la nécessité de réfléchir sur la notion de réception dans l’art et de comprendre les risques de certaines réactions. Avant de se plonger dans le problème de la réception, la revue analyse la nature de l’art d’aujourd’hui et de ses éléments satellites.
Le monde de l’art change en fonction des époques car les critères de l’art changent. Ainsi il a des réceptions car il y a des arts. Cette réception dépendant du contexte de l’œuvre. C’est ce qu’écrit Kenji Kitayama dans son article « Questions sur la diversification de l’art ». À cela s’ajoute la nature de l’œuvre et la formation du spectateur dans ce monde variant.
Le spectateur découvre le résultat d’une œuvre mais en ignore tout le processus. C’est la création, une expérience de structuration de l’inextricable (Kadinsky). Dominique Berthet parle d’êtres réels, singuliers pour désigner les œuvres d’art. Cette comparaison permettant de comprendre le rapport entre l’œuvre et le spectateur, ce dernier complétant l’art par sa réception. (« La réception de l’art, de l’étonnement au geste extrême »)
Cette réception est considérée dans sa conception usuelle comme une situation dans laquelle le récepteur (être) perçoit un message présupposé. Le savoir étant l’outil permettant une « bonne » perception, cela distinguant ceux qui ont la bonne réception de ceux qui ont la mauvaise. Le philosophe Christian Ruby dans son article « L’art avant la réception » nous montre que ce n’est pas en tant que statut mais à partir d’exercices que le spectateur rencontre l’œuvre. Cette activité étant le résultat d’une multiplicité de processus de rupture et d’instauration. Le spectateur s’extradant d’une réception mécanique vers une réception esthétique. Cette dernière ayant laissé sa place à une spectatorialité dans laquelle le spectateur entretient un rapport uniquement avec l’œuvre d’art et l’artiste et non plus avec une entité externe. La réception de l’art ne doit pas s’accomplir sous tutelle sans quoi le spectateur ne serait pas autonome. Ce spectateur autonome a changé la nature de l’œuvre d’art par cet exercice esthétique. Ainsi, dans une époque où l’art ne s’adresse plus à des fidèles, un religieux extrémiste (ou quelqu’un se croyant l’être) pourrait réagir négativement face à l’art le poussant à s’émanciper.
Marc Jimenez dans son entretien avec Dominique Berthet : « Attention à l’art contemporain ! », démêle l’ennui de cette réaction négative. Une réaction positive étant une réaction proportionnée à la nature de l’œuvre. À l’inverse, une réaction disproportionné est considérée comme étant négative (Attentat de Charlie Hebdo en réponse à des caricatures, par exemple). La raison pour laquelle la réaction doit exister est la même que celle pour laquelle l’œuvre est crée : la liberté. La liberté de penser, d’expression ou de communiquer alimente aussi bien la réalisation que sa réaction. L’explication de cette réaction négative est souvent décrite comme un décalage en l’Art et le public, restant comme bloqué sur ses références. Face à ces réactions allant de l’incompréhension à la destruction, la solution serait de laisser faire le temps afin que le public devienne réceptif.
Toute la difficulté consiste à savoir d’où vient cette réaction, elle semblerait venir de l’incompréhension du spectateur mais l’art peut en être responsable. Ainsi Michel Guerin dans son article « Je suis Charlie », versus « Oui, mais… » et Dominique Berthet dans son article « La réception de l’art, de l’étonnement au geste extrême » donnent une explication à cette réaction dont le spectateur est responsable.
La réaction ne s’accomplit pas avec la sensibilité pour mesure et la liberté pour réaction, mais avec l’idéologie. La raison ne gouvernant pas la réception, il n’y a plus de sensibilité mais uniquement un a priori avant même de découvrir l’œuvre.
La réaction du public devrait être l’étonnement, intense ou radical. Dominique Berthet décrit l’étonnement comme une marque de curiosité et d’intérêt du spectateur, le dérangeant et le déstabilisant. Mais si ces réactions sont considérées comme « normales », il existe des réactions négatives pouvant être considérées comme des gestes extrêmes. L’auteur rappelle les cas les plus récents comme ceux de Paul McCarthy agressé pour son œuvre « Tree » en octobre 2014 ou bien l’œuvre de Jeff Koons interdite en 2008. Ces gestes extrêmes représentent la suppression de la liberté d’expression. Mais l’art n’est pas toujours innocent face à certaines réactions, c’est l’avis de sDominique Château dans « La réception de l’art à l’ère du Post-art ». Celui-ci nous décrit, qu’à notre époque « Post-Art », les valeurs de l’art auraient un lien avec la réception négative de certaines œuvres. Ces valeurs se composant de l’artiste (la source de création), l’œuvre (l’objet d’appropriation) et sa réception. C’est par cette équation à trois termes que Dominique Château nous explique leurs évolutions. La réception négative peut s’expliquer par l’art lui même. Ainsi, la réception de l’œuvre d’art dépendrait du statut d’artiste et donc de son processus de création. Cette « mauvaise » réception de la part du public pourrait s’expliquer par un recul de ces valeurs : ambiguïté de l’œuvre, diminution du pouvoir de l’artiste sur son récepteur ou encore diminution de la frontière entre monde culturel et monde de l’art. Il ne faudrait pas pour autant négliger l’art qui reste une source rare dans certains pays, Babacar Mbaye Diop dans « La réception de l’art au Sénégal » nous le rappelle. Pays où l’art reste concentré dans la capitale et peu dans les autres régions, ne laissant pas de latitude à une quelconque réception dans plus de la moitié du pays. Malgré tout, Dominique Berthet reste positif en expliquant que la réception de l’art est une question de temps. De tous temps et à chaque époque beaucoup d’œuvres d’hier n’ont été comprises que demain, à nous de venir...


Recherches en Esthétique, Revue du CEREAP, n° 21, Janvier 2016, La réception de l’art, directeur de la publication : Dominique Berthet, diffuseur Paris, ELSB.