Despite a dense common history filled with exchanges of ideas and translation commitments as well as confrontations, a European intellectual sphere struggles to emerge. What are the obstacles to its materialization? The first is undoubtedly the weight of various nationalisms. An intellectual work will first be confronted to the limits of the old European scientific community, vestige of the middle ages, then circulate around the national framework stemming from modern times: expansion of intellectual professions and services, division of labour, the widespread diffusion of intellectual works, and the emergence of the committed intellectual as a figurehead. This circuit better highlights the stakes involved in international intellectual cooperation and contemporary transnational mobilisations, and points to the cultural forces at work in Europe’s development from North to the South and East to West.
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Malgré une histoire dense, marquée aussi bien par les échanges d’idées que par les engagements de traduction et les confrontations, un espace intellectuel européen peine à émerger de nos jours. Quels obstacles s’opposent donc à sa réalisation ? Sans doute, d’abord, le poids des nationalismes. L’ouvrage fait ainsi le tour des limites de l’ancienne communauté savante européenne du moyen âge, puis celui du nouveau cadre national instauré durant la modernité : essor des professions intellectuelles, division du travail, circulation des œuvres, émergence de la figure de l’intellectuel engagé. Ce parcours permet, enfin, de mieux cerner les enjeux des coopérations intellectuelles internationales et des mobilisations transnationales contemporaines. Il dessine les enjeux culturels qui traversent la construction européenne du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest.
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Die Frankfurter Buchmesse ist mit mehr als 7 000 Austellern aus über 100 Ländern die Grösste Buchmesse der Welt. Kunst und Kultur sind Europas Intellectuellen lebenswichtig. Kulturelle Europe hat eine schöne Geschichte.
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Παρά την πλούσια ιστορία η οποία χαρακτηρίζεται τόσο από την συναλλαγή ιδεών αλλά και από τις μέταφραστικές δεσμεύσεις και τις αντιπαραθέσεις που υπάρχουν, ο ευρωπαϊκός πνευματικός χώρος παλεύει για να αναδυθεί στις μέρες μας.Ποιά είναι τα εμπόδια;Αναμφίβολα σε πρώτο πλάνο βρίσκονται οι εθνικισμοί και το βάρος που ασκούνε.Το βιβλίο αναλύει τα όρια της πρώην ακαδημαϊκής κοινώτητας του Μεσαίωνα και ύστερα αυτά των εθνικών πλαίσιων που καθορίστηκαν στην σύνχγρονη εποχή :αύξηση των πνευματικών επαγγελματικών δραστηριοτήτων,διαίρεση της εργασίας,η κυκλοφορία των έργων,και η ανάδυση των δεσμευμένων διανοούμενων.Η πορεία αυτή μας επιτρέπει τελικά να εντοπίσουμε θέματα των διεθνών πνευματικών συνεργασιών και τις σύνγχρονες διεθνή πολιτιστικές κινητοποιήσεις.Περιγράφει τα πολιτιστικά θέματα που αφορούν την Ευρωπαϊκή αρχιτεκτονική από τον βορρά ως τον νότο, την ανατολή μέχρι την δύση.
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Bunca savaş ve ülkeler arası düşmanlık duyguları uyandırmasına karşın Avrupa'nın hiç kuşku yok ki bir ortak tarihi de var. Fakat, birleşik ve bağlı bir tarihe sahip olan Avrupa kendine ait entelektüel bir alanı bir türlü oluşturamıyor, yaratamayor. Neden? Bu kadar iç içe yaşayan ve bunca ortak olay paylaşan bir kıtada nasıl olur da ortak bir entelektüel alan yaratılamaz? Bu konuda akla gelen ilk cevap hiç kuşku yok ki milliyetçilik. Kitap, eski Orta Çağın toplulukların limitlerini ve Modern Çağın oluşturduğu yeni ulus çerçevesini inceliyor. Bu inceleme, ülkeler arası anlaşmaların önemini ve kooperasyonun kaçınılmazlığını savunuyor. Avrupa inşaatının Güneyden Küzeye içerdiği kültürel hedefleri de anlatıyor.
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D’emblée, cet ouvrage déploie une polémique contre le nationalisme méthodologique qui prévaut en histoire (culturelle) de la sphère intellectuelle. Il se propose, à plusieurs voix (10), sous la direction de Gisèle Sapiro, et dans une veine particulièrement liée aux Actes de la recherche en sciences sociales (revue fondée par le sociologue Pierre Bourdieu) de construire un nouvel objet de recherche et d’analyse en élaborant un premier état des lieux et des perspectives concernant une histoire sociale de l’espace intellectuel et savant en Europe. L’ouvrage, réalisé dans le cadre du réseau ESSE, financé par le 6° programme cadre de la Communauté européenne, s’organise selon une double logique, chronologique et thématique. Sa première partie (Victor Karady, Christophe Charle, Anna Boschetti, Ingrid Gilcher-Holtey) traite des conditions historiques d’émergence d’un espace intellectuel en Europe et de ses évolutions au cours des XIX° et XX° siècles. Sa deuxième partie (Joseph Jurt, Pascale Casanova) est plus spécifiquement consacrée au champ littéraire. Sa troisième partie (Johan Heibron, Nicolas Guilhot, Yves Gingras), enfin, se concentre sur les sciences sociales et humaines.
En quoi le nationalisme méthodologique constitue-t-il un obstacle à la recherche ? En ce qu’il interdit de penser des champs de relations transnationaux, s’il aboutit cependant à des constructions internationales. Dans cette méthodologie, on part toujours d’un Etat-nation de référence (celui du chercheur ou de l’auteur), de la délimitation nationale du champ de production culturelle, et au mieux on perçoit des transferts culturels (vers les « autres » ou de la part des « autres »). En somme, cette procédure s’achève au pire dans un comparatisme plat, au mieux dans une théorie des échanges culturels, évacuant dans la plupart des cas un point essentiel : les réseaux de recherche, les inspirations réciproques, les formes de réappropriation et de réinterprétation des modèles ou des biens qui circulent selon les enjeux spécifiques de l’espace de réception.
Afin de contourner cet obstacle de la méthodologie nationale, l’ouvrage s’appuie sur des études originales, des travaux provenant de sources intellectuelles diversifiées et internationales, parfois des travaux déjà publiés, ici repris et synthétisés, et dont il convient de rappeler qu’ils ont donné lieu à des comparaisons entre les champs intellectuels en Europe, à la construction culturelle des modalités de restriction imposées par les politiques des identités nationales, et à des analyses de la « République mondiale des Lettres » pour n’évoquer que quelques travaux comme ceux de Wolf Lepenies (Les Trois cultures, Entre science et littérature, l’avènement de la sociologie, 1985, Maison des sciences de l’homme, 1990) dont nous avons rendus compte sur Internet (Espacestemps.net), Christophe Charle (Les intellectuels en Europe au XIX° siècle, Paris, Seuil, 1990), Pascale Casanova (La République mondiale des lettres, Paris, Seuil, 1999).
Ainsi en arrive-t-il à découper son objet propre : l’émergence et le statut d’un espace intellectuel européen. Encore, pour entendre la signification de ce concept, convient-il de relever trois choses : d’une part, que « culture » s’entend ici au sens de la culture lettrée/savante, culture caractérisée par le rôle central de l’écrit (on pourrait donc désormais étendre la recherche) ; d’autre part, qu’un tel espace est très différent de celui qui se dessine comme espace intellectuel international (toujours référé à des Etats-nations et pensé à partir de l’un ou de l’autre) ; enfin, que du point de vue culturel, l’Europe est caractérisée par une diversité que certains, la considérant comme un obstacle, peuvent songer à réduire en un processus unificateur et d’autres au contraire, la considérant comme un atout, cherchent à lui faire jouer un rôle moteur.
Mais ce n’est pas tout. Pour qu’un tel espace existe, encore faut-il qu’il soit approprié par des spécialistes. Or, constatent les auteurs, les « intellectuels » sont tellement liés au principe de nation qu’ils ont déserté ce champ. Ce sont donc plutôt des experts que des intellectuels qui se sont investis dans la construction européenne.
Et surtout, il importe de constituer un ensemble de références à partir desquelles penser cet espace. C’est à quoi contribuent, pour l’heure avec modestie, les « études européennes » (Craig Calhoun, « European Studies : always already there and still in formation », Comparative European Politics, n°1, 2003), et les tentatives plus ou moins autonomes de créer un imaginaire collectif pour lesquelles les auteurs nous renvoient à : Ursulla Keller et Ilma Rakusa, Writing Europe, What is European About the Literatures of Europe ?, Presses universitaires de Strasbourg, 2007, et à la collection « Faire l’Europe », lancée en 1988, autour de l’historien Jacques Le Goff (Editeurs : Laterza (Italie), Seuil (France), Beck Verlag (Allemagne), Basil Blackwell (Angleterre), Critica (Espagne).
Une dernière remarque concernant cette question : en cette matière, il est décisif de se mesurer aussi à un présupposé. Celui selon lequel le champ intellectuel européen procède de la désintégration de la communauté savante européenne qui communiquait jadis dans une même langue : le latin. Que cette communauté ait existé, durant le Moyen Âge, là n’est pas la question. Mais que la constitution des champs intellectuels nationaux, puis internationaux comme leur conséquence, procède d’une « désintégration » ou d’une « fragmentation » (le vocabulaire, en cette matière, a de l’importance), là est le problème. Avec une induction possible : que le projet européen pourrait consister en une sorte de reconstitution de ce moment historique (unifié, unitaire, unique), mais dans la (post)modernité. Or, non seulement entre le Moyen Âge et les champs nationaux postérieurs, il ne s’agit ni des mêmes objets de pensée, ni de la même division du travail intellectuel, ni des mêmes « intellectuels », en somme pas du tout du même régime de savoir, mais encore, un projet de culture européenne ne saurait consister à réimposer une seule langue commune dans l’unicité d’un objet de connaissance (Dieu ?) et d’un régime théologique de savoir - au demeurant confronté aussi à la langue arabe, pourtant écartée désormais de l’espace de pensée européen et à l’espace Ottoman dans la Méditerranée de Philippe II et la bataille de Lépante (c’est là que Cervantès perd son bras) non moins rejeté par certain Français dans sa version turque contemporaine. Au fond, le débat est de même type que celui qui mobilisa longtemps Norbert Elias et Hans Blumenberg autour de la notion de « sécularisation » (de la pensée) concernant le passage du Moyen Âge à l’âge moderne.
L’ouvrage s’ouvre par la reproduction d’une conférence prononcée par Pierre Bourdieu, le 30 octobre 1989, à l’occasion de l’inauguration du Frankreich Zentrum de l’université de Freiburg-am-Brisgau (Allemagne). Reconnaissons d’ailleurs que l’ouvrage dans son ensemble puise largement son inspiration dans la pensée de ce sociologue. L’approche développée appréhende le monde intellectuel non comme un espace désincarné mais comme un univers social formé d’agents, d’individus et d’institutions. Dans cet univers circulent des textes, en général en dehors de leur contexte de production (ce qui ne va pas sans engendrer des malentendus) et des personnes (déplacements pour des colloques, séjours de recherche). Mais ces transferts prennent place dans un espace international structuré et hiérarchisé, lié à des intérêts et des stratégies de conquêtes de visibilité, et donc simultanément soumis à des logiques politique, économique et culturelle.
Le texte de Bourdieu, « Les conditions sociales de la circulation internationale des idées », décrit, à l’aide de ses concepts spécifiques, les tendances principales des échanges internationaux, et présente un programme de recherche pour une science des relations internationales en matière de culture, combiné à un souci de favoriser l’internationalisation de la vie intellectuelle. Bourdieu rappelle à juste titre que la vie intellectuelle est le lieu de nationalismes, d’impérialismes et que les intellectuels ne sont pas exempts de préjugés, parfois très élémentaires. Les échanges internationaux par conséquent sont soumis à des facteurs structuraux de plusieurs sortes. D’abord en ce que les textes circulent sans leur contexte (exemple de la lecture de Martin Heidegger en France), ensuite en ce qu’ils sont lus par des récepteurs insérés dans des champs de production intellectuelle différents, pour lesquels la lecture de textes étrangers peut avoir une liberté que n’a pas la lecture locale, et la réception est une fonction de stratégies dans le champ occupé par le lecteur : aussi les traductions, par exemple, font-elles l’objet d’opérations de sélection, de marquage, d’appropriation par le préfacier, d’une inscription dans le champ d’accueil qui applique à l’œuvre des catégories de perception qui sont le produit de champs de production différents. Et Bourdieu de montrer comment, en son temps, l’introduction de Heidegger en France fut une opération destinée à contrevenir à l’expansion de la philosophie de Jean-Paul Sartre. Ou de démontrer que la pensée de Jürgen Habermas et celle de Michel Foucault occupent des positions similaires dans une logique des champs. Ce qu’il importe de remarquer surtout dans ce texte, c’est sa manière d’approcher la question du champ intellectuel européen, à partir des nationalismes intellectuels, et par conséquent de montrer que l’élaboration d’un champ intellectuel européen ne peut avoir lieu sans que finisse par se définir, au cœur des oppositions nationales, un exercice légitime de l’activité intellectuelle européenne.
Bien sûr, dans ce dessein, il devient incontournable de dépasser les nationalismes intellectuels. Victor Karady explique alors que la formation d’un espace intellectuel européen doit aussi être pensée dans une référence à l’histoire. Il décrit l’espace intellectuel du Moyen Âge en en soulignant l’unité, la soumission au pape, les règles de fonctionnement, le mode de distribution des diplômes (valables alors dans le réseau des institutions de toute la chrétienté), … Cet espace cependant se diversifie et se nationalise à partir de la Renaissance. Ce sont désormais les Etats centralisés qui promeuvent les activités scientifiques et artistiques de leurs élites cultivées. Des infrastructures de soutien à la production intellectuelle élargissent les possibilités, et la division des disciplines et des savoirs. Un tel développement contribue à l’autonomisation progressive des activités scientifiques et culturelles. Changement de statut des savants, démographie renouvelée des intellectuels, bientôt formation d’un « groupe » dénommé « intellectuels », entraînent la constitution d’une république des lettres qui se définit par la multiplication des échanges et des collaborations entre les producteurs intellectuels. Mais la nationalisation de cette production règne. Elle s’investit dans les études et la formation d’écoles scientifiques, dans le cadre des instances nationales. Et elle accompagne la formation de systèmes de domination (nord-sud, protestants-catholiques, influence française-influence germanique, …). Mais si globalement les modèles nationaux des institutions de production des savoirs tendent à limiter les échanges et à enfermer les publics concernés dans les cadres territoriaux des Etats, de nouvelles situations se créent qui promeuvent des relations internationales mais toujours à partir de tel ou tel Etat. Karady cite à ce propos l’initiative de Le Play qui propose, le premier, une organisation à vocation internationale. Viennent ensuite celles de René Worms (Institut international de sociologie, 1893) et d’Emile Durkheim (L’Année sociologique, 1897).
Mais si cette histoire se prolonge encore sur ce modèle, c’est qu’un véritable champ intellectuel européen n’existe toujours pas. Il faut aller au terme de l’article de Christophe Charle pour voir se dégager les questions pertinentes pour une enquête comparative pouvant porter sur les intellectuels européens. Elles sont au nombre de 4 :
- Quel est le degré d’autonomie du champ intellectuel de chaque pays ?
- Quels sont les rapports de la religion et de l’Etat dans les diverses parties de l’Europe dans la mesure où les Eglises jouent (ou ont joué) un rôle dans la formation scolaire des populations et un rôle de contrôle de ce qui est licite ou non en matière d’innovation culturelle ?
- Quelle est la nature des rapports entre le champ intellectuel et le champ du pouvoir ?
- Quels sont, à l’intérieur du champ intellectuel, les rapports de domination variables entre les diverses formes d’activité intellectuelle ?
Mais, c’est sur une dernière perspective que nous allons nous arrêter. Celle de la définition d’une « littérature européenne ». Pascale Casanova reprend ici et prolonge des analyses depuis longtemps commencées. Elle cherche à appréhender cette littérature en tant que corpus et objet d’analyse (culturelle et historique). Elle rappelle d’abord que des tentatives de constitution d’une telle littérature ont vu le jour récemment. Mais elles restent le plus souvent écartelées entre un présupposé unitaire et une réalité indubitablement composite, pour ne pas dire hétérogène. À l’encontre de ces formules qui aboutissent au mieux à des Anthologies de textes provenant de chacun des pays européens – en quoi il n’y a là nulle « littérature européenne » - elle propose de partir d’une autre hypothèse. « L’un des seuls traits, écrit-elle, transhistoriques qui constitue en effet l’Europe, l’une des seules formes paradoxales d’unité tant politique que culturelle qui fasse de l’Europe un ensemble cohérent, n’est autre que celui des conflits et des concurrences qui n’ont cessé d’opposer les espaces nationaux entre eux ». À partir de cette hypothèse, « il faudrait alors postuler, à l’envers des représentations politiques ordinairement admises, que, selon la même logique, la seule histoire littéraire de l’Europe serait celle des rivalités, des luttes, des rapports de force entre les littératures nationales ». Et que, si unité il y a – et ajoute-t-elle, « elle reste à prouver » - « elle ne serait que celle qui naît de ces luttes à la fois nationales et spécifiques ». Au vrai, précise-t-elle encore, il faudrait mieux parler d’une unification littéraire en cours, plutôt que d’une unité préexistante.
Néanmoins, une condition générale nous semble faire défaut à une telle réalisation. En tout cas, pour l’heure, et pour autant que le Spectateur européen soit profondément partie prenante dans cette perspective. Celle d’une véritable revendication collective posant la nécessité de reconnaître l’existence de travaux et de préoccupations spécifiquement européens. Et une revendication qui ne postule par avance aucune unité à réaliser (antérieure, originaire ou dominante), qui témoigne d’abord des luttes et polémiques qui structurent l’Europe intellectuelle. Mais peut-être n’est-ce donc pas de la part des intellectuels (patentés, nationaux) qu’il faut attendre une telle revendication ? Peut-être n’est-ce pas non plus à partir d’arrière-pensées politisées que le projet peut se concrétiser ? N’est-ce pas d’abord en s’appuyant sur ceux qui luttent aux frontières des classifications, des écritures et des recherches que quelque chose de cette sorte peut advenir. Y compris dans ce que nous révèlent des Européens ceux qui nous regardent de l’extérieur.