1. Je me souviens de mon fils âgé d'environ trois ans qui me demande de ne pas lui parler en allemand dans les transports en commun à Lyon.
2. Je me souviens de mon père qui à l'annonce de mon mariage me pose la question: « Ist er denn auch katholisch? »
3. Je me souviens du fonctionnaire au bureau d' état-civil à Lyon qui m' explique que je pouvais, bien sûr changer mon nom du tout au tout et que je pourrais si je le souhaitais me faire appeler Marie ou Mireille ou ajouter un e-final à mon prénom allemand.
4. Je me souviens d'une copie rendue par un élève qui portait l'inscription « boche » à la place de la matière « allemand ».
5. Je me souviens de l'inscription sur le tableau dans une classe de Terminale ES : « Arbeit macht frei » et j'ai tourné les talons.
6. Je me souviens de la légèreté qui m'envahissait par moments quand je me sentais fixée nulle part.
7. Je me souviens de mon étonnement à propos de la remarque: « Vous avez des origines, n'est-ce pas? Vous venez d' où? »
8. Je me souviens de mon sentiment de vexation quand une personne aimable remarque que je n'ai pas ou presque pas d'accent.
9. Je me souviens des toutes ces tergiversions autour des prénoms de nos enfants.
10. Je me souviens de mon sentiment de culpabilité lointaine quand j'ai appris que le grand-père de mon mari avait perdu un bras pendant la guerre de14 – 18.
11. Je me souviens du sourire de ma fille, d'origine haïtienne, quand je lui ai expliqué que toutes les deux, nous étions enregistrées au bureau d'état-civil à Nantes.
12. Je me souviens de la découverte de Berlin en famille, des grands espaces, de la Jugendherberge et du plaisir de manger des Bouletten et Kartoffelpuffer et de ma fille qui voulait absolument un Rieseneisbein.
13. Je ne me souviens plus à partir de quand j'ai commencé à laisser tomber des explications fastidieuses autour du manque de bilinguisme familial.