Le fret ferroviaire dans l’Union européenne.
Cécile Ruby
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Les grandes entreprises historiques du chemin de fer, dont l’activité de marchandises est pour la plupart en difficulté financière, peinent de plus en plus à maintenir les dessertes terminales et taillent dans leur réseau de petits clients éloignés de leurs bases régionales. Cela se traduit par un report de trafic sur la route, à l’inverse des objectifs affirmés par l’Union Européenne. L’ouverture à la concurrence du transport de marchandises est l’occasion de reposer les bases du système ferroviaire et de son ancrage local.
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Major commercial train companies, most of which currently suffer from financial instability, are increasingly forced to cut into their network’s reach, thus depriving less central customers from access to rail travel. This leads to an increase in road traffic, which is contrary to the goals asserted by the European Union. The opening to competition of the transportation of goods represents the perfect opportunity to re-establish the bases of the railroad system and its co-dependency on local entities. A network of railroad SMEs charged with carrying freight to the major operators’ central hubs, allowing the latter to orient themselves solely toward long distance transportation, appears as the only chance of survival for an under-competitive railroad system suffering from waning usage. The logic is simple: a small local company responsible for a small portion of railroad will better know how to limit its costs and adapt to local needs than a big national or international company located far away from the railroad in question. Separating short and long distance companies would have important consequences, and would fit perfectly with the desire for a competitive, efficient and integrated European railroad system.
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In den neuen Berliner Hauptbahnhof sind seit der Eröffnung zur Fussball-Weltmeisterschafft 2006 schon die unterschiedlichsten Züge eingelaufen. Schneeweisse ICEs der neuesten Baureihe, usw. So haben wir die Gelegenheit zu den europäischen Zügenetz zu nachdenken.
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Si on entend beaucoup parler de l’état des chemins de fer en ces temps troublés, il s’y passe depuis quelques temps une révolution encore assez peu abordée par l’ensemble des media. Et pour cause : elle se dessine encore à peine. Elle s’étendra sans doute à toute l’Europe, mais pour l’instant, seuls quelques pays en connaissent les prémisses. Il s’agit de la division du transport ferroviaire de fret en deux échelles de transport, qui pourrait se traduire en particulier par la renaissance d’un vivier d’entreprises ferroviaires de petite taille.
Après une longue période de déclin sur plusieurs plans (un trafic en chute depuis plusieurs décennies, des déficits importants dans de nombreuses entreprises, une infrastructure qui se dégrade, l’abandon de nombreuses dessertes non rentables), le chemin de fer est pointé du doigt par les instances européennes, qui organisent une révolution du secteur. Dans les années 1980, le paysage ferroviaire européen se composait en majorité de grandes compagnies nationales et publiques opérant sous monopole. Pour faire circuler les trains internationaux, elles prenaient en charge les wagons chacune sur son propre territoire dans un processus de coopération. Avec trois séries de directives et règlements (les « paquets » ferroviaires), la Commission Européenne a instauré la séparation de l’infrastructure et des opérations, afin que toute entreprise puisse faire circuler ses trains par elle-même partout où elle le souhaite, dès qu’elle a prouvé son aptitude à faire circuler des trains en toute sécurité dans chaque pays, et apporte des garanties financières et judiciaires. Cette ouverture des marchés, dont les modalités et dates ont été laissées à l’appréciation de chaque pays, est effective dans le transport ferroviaire de marchandises partout en Europe depuis 2007 (autorisation du cabotage), mais pas encore partout dans le transport de passagers – en France, les transports internationaux de passagers seront eux aussi ouverts début 2010, dans un premier temps.
En cherchant à gommer les frontières nationales, l’Union Européenne pointe le nœud du problème ferroviaire européen : comment espérer réduire les déficits des opérateurs et en finir avec le sous-investissement en matière d’infrastructure alors que des efforts immenses sont à faire en matière d’harmonisation ? A partir du moment où l’on a choisi de pouvoir faire circuler toutes les entreprises partout en Europe, on se heurte à un casse-tête technique et administratif majeur. Le chemin de fer s’est développé au XIXe siècle dans un contexte européen de nations souveraines où l’échelle nationale était plus que primordiale. Malgré la création d’organismes internationaux destinés à réduire les écarts techniques, telles que l’UIC[1], chaque pays a développé ses propres procédures et normes techniques, sa propre notion de la sécurité. Il existe plusieurs types d’électrification, d’écartement des rails, de systèmes de contrôle des trains, ... de sorte que peu de trains peuvent franchir une frontière sans devoir changer de locomotive et de conducteur, voire de wagons ou d’essieux. Même si une Agence Ferroviaire Européenne a été créée dans le but de réduire l’impact de la multiplicité des systèmes, ces nombreux aspects techniques ne pourront être harmonisés, car cela représenterait un investissement hors de propos, et les choix retenus prêteraient forcément à polémique. Les solutions envisagées se trouvent dans les matériels dits interopérables, pouvant circuler sur plusieurs réseaux (par exemple, pour le transport de passagers, le Thalys est une rame quadricourant disposant de tous les systèmes embarqués pour circuler en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne). L’Europe tente de mettre en place un système commun de contrôle des trains, et développe le principe de la reconnaissance mutuelle du matériel ou des équipements : ce qui a été jugé sûr et efficace dans un pays est reconnu par les autres et peut circuler. Ces réponses, quelles qu’elles soient, sont coûteuses et contribuent à faire du transport international par chemin de fer une activité réservée aux entreprises bien implantées et dotées d’une capacité d’investissement importante.
Vers deux échelles de transport ferroviaire.
Si la réponse de l’Union Européenne a permis aux entreprises de se donner des ambitions continentales et de retrouver une idée parfois perdue de la compétitivité, il n’en reste pas moins que la concurrence directe sur son propre territoire a aussi pour effet de fragiliser une activité déjà atone. Des anciennes coopérations à la concurrence, il s’agit de réinventer la coopération, sur d’autres fondements que les barrières nationales. L’histoire ferroviaire de l’Europe fait que les anciens monopoles sont restés des acteurs incontournables, des entreprises de grande taille et très bien implantées. Du fait de la lenteur à construire un réseau dense de clients dans le monde ferroviaire et du caractère encore récent de la libéralisation, les nouvelles entreprises, souvent filiales d’opérateurs historiques, sont encore de taille ou moyenne.
De fait, les grandes entreprises historiques ne peuvent plus supporter le coût de leurs dessertes terminales. Or, les chargeurs font de plus en plus d’envois de petite taille, pour lesquels la concurrence d’un secteur routier très réactif est vivement ressentie par ces entreprises, surtout dans le lotissement. Organisée sur une étendue au moins nationale, par bases régionales d’activité, la desserte de certains clients un peu isolés se traduit pour elles en kilomètres inutiles par rapport à la gare ou au dépôt le plus proche. La plupart des grandes entreprises ont déjà mené des plans de restructuration ayant pour effet de supprimer ces dessertes, avec plus ou moins d’implication auprès des chargeurs pour les aider à trouver une autre solution – si possible non routière. A l’inverse, un opérateur dont l’exploitation d’une seule ligne est l’activité principale, saura s’organiser de façon à en obtenir la rentabilité. Les opérateurs historiques se concentrent sur les trafics massifiés et les circulations à longue distance, et se retirent progressivement des lignes secondaires.
On peut donc, d’après ce qui se dessine actuellement, imaginer un chemin de fer européen où, comme cela se fait aux Etats-Unis, il existerait deux métiers bien distincts dans le fret ferroviaire : des entreprises de longue distance, et des entreprises de proximité. Les entreprises historiques se chargeraient d’un transport massifié sur les grands axes, très technologique pour franchir les frontières et assurer une efficacité plus en phase avec leur temps et les autres modes de transport. Mais ce transport ferroviaire ainsi constitué ne pourra pas gagner des parts de marché à la route s’il n’est pas alimenté par des entreprises locales agissant pour les chargeurs qui disposent d’un embranchement, leur évitant une coûteuse rupture de charge si les grandes entreprises ne les desservent plus. Dans certains pays, ces PME ferroviaires existent déjà, et dans ceux où elles n’existent pas encore, elles commencent à être perçues comme un maillon manquant de la chaîne de transport, alors que les opérateurs historiques ont déjà réduit leur étendue géographique. Parvenir à mettre en place ces réseaux locaux comporte des enjeux de taille :
§ Sauvegarder les lignes sur lesquelles ne circulent que du trafic de marchandises
§ Eviter que ces trafics ne passent sur la route, même s’ils ne représentent pas un gros fond de cale : quoi qu’on puisse entendre aujourd’hui, le report modal se fait plutôt dans le sens rail-route que route-rail.
§ Adapter le lotissement à la demande moderne des chargeurs (c’est-à-dire plus d’envois moins massifs), et ainsi acquérir un savoir-faire ferroviaire dans les territoires. Cela contribuerait à promouvoir une expertise ferroviaire nationale et européenne après une longue période où seule la SNCF et les autres grands monopoles européens pouvaient la fournir.
§ Pérenniser l’activité des quelques entreprises captives du fret ferroviaire, après des années d’inquiétude quant au maintien de la desserte ferroviaire.
§ Créer des entreprises ferroviaires, et ce qui y est lié : des activités logistiques, de la maintenance ferroviaire, un peu d’emploi – cependant, ces entreprises ne seraient pas forcément de grandes pourvoyeuses d’emploi – sédentaire et très spécialisé, localisé souvent, mais pas toujours, dans des bassins à l’écart des grands axes.
Fret ferroviaire et proximité en France et en Europe.
Depuis la libéralisation, entre six et douze entreprises ferroviaires de fret circulent dans chaque pays, sauf en Allemagne, pays de grande densité industrielle au cœur des grands flux de marchandises, où il existe environ trois cents transporteurs ferroviaires actifs. Les plus grands transporteurs de fret ferroviaire en Europe sont les opérateurs historiques : DB Schenker, l’opérateur allemand (380 millions de tonnes transportées en 2008) ayant racheté les branches fret des opérateurs historiques danois et néerlandais, PKP, l’opérateur polonais (140 millions de tonnes en 2008) et l’opérateur autrichien ÖBB (99 millions de tonnes), qui a dépassé la SNCF (94 millions de tonnes)[2] en 2008.
Du point de vue de la proximité, chaque pays a une histoire différente quant au nombre d’entreprises ferroviaires qui sont présentes sur ce segment de marché. L’Allemagne, avant même la libéralisation, était couverte de petites entreprises montées par les collectivités locales. Autour de l’an 2000, beaucoup d’autres ont été crées. A l’inverse, en France, les petites compagnies ne se sont pas développées, et la SNCF était presque seule. Partout en Europe, des nouveaux entrants sont arrivés, mais ils ne s’intéressent pas forcément au fret de proximité, même si certains sont encore de très petite taille. En Suède, le concept de partenariat entre une entreprise de proximité et une autre de longue distance a trouvé un terrain favorable et semble bien fonctionner. A l’Est de l’Union Européenne, malgré l’arrivée de nouveaux entrants, les opérateurs historiques, ayant une part de marché intermodal assez élevée, sont encore au début d’une période de fort déclin des trafics, d’où nombre de flux de proximité qui seraient susceptibles d’être transférés sur la route. Ce mouvement est plus avancé à l’ouest où, après un effondrement des parts de marché du ferroviaire, les chargeurs s’interrogent sur un retour au chemin de fer, à condition que l’équilibre économique soit avéré. Quant à la Suisse, elle a suivi l’Union Européenne et libéralisé le fret ; on trouve un exemple de partenariat entre les CFF, opérateur historique, et un opérateur de proximité pour des trafics de déchets.
En France, les chargeurs ont commencé à considérer le train comme un sérieux argument de marketing environnemental. Toutefois, ils dénoncent un service peu fiable, compliqué, lent et plus cher que la route. Certains accusent la SNCF de les avoir poussés par tous moyens à fermer leurs trafics, non rentables, sans aucun accompagnement. Or, malgré la présence de sept autres entreprises ferroviaires totalisant près de 10 % du trafic ferroviaire de fret et l’intérêt qu’elles manifestent pour des trains multiclients, la SNCF est seule à assurer les flux de lotissement. De nombreux chargeurs ont donc transféré leurs flux sur la route, mais la branche fret de la SNCF est toujours largement déficitaire.
Dans plusieurs régions, des initiatives se sont alors constituées en faveur du fret ferroviaire de proximité. Rassemblés par les chambres de commerce et d’industrie, les Régions ou encore les ports, les chargeurs cherchent à constituer de petites entreprises ferroviaires de rayonnement local afin de reprendre les trafics qui pourraient circuler par le train. On appelle ces entreprises opérateurs ferroviaires de proximité (OFP). L’objectif consiste à rassembler les flux de plusieurs chargeurs proches et de les amener à un point de jonction où un opérateur de longue distance les reprendrait, soit pour les acheminer à leur destination, soit pour les transmettre à un autre OFP qui se chargerait de les redistribuer. Aucune de ces initiatives ne s’est encore concrétisée, mais les démarches les plus abouties se trouvent dans le Centre, en Auvergne, au port de La Rochelle et en Languedoc-Roussillon. Développons le cas du Centre, qui est le plus médiatisé :
- Les chargeurs, regroupés dans une association appelée Proffer, le groupe SNCF et la Caisse des Dépôts, ont créé en 2007 une société de projet, Proxirail, portant sur la desserte des installations agricoles et industrielles localisées principalement autour d’Orléans, sur les 600 kilomètres de lignes dédiées au fret que compte la Région Centre. Les études sont faites, mais la mise en place de l’opérateur ferroviaire tarde à venir, d’une part parce que les volumes, 5 millions de tonnes, seraient encore trop faibles de 15 à 20 % pour assurer son équilibre, et d’autre part parce qu’il est difficile de concilier la desserte des silos, clients principaux de l’OFP, et celle des autres industriels. Les céréales s’adaptent bien à des trains complets, et leur transport varie beaucoup selon la saison, ce qui n’est pas forcément le cas des autres produits concernés (produits de grande consommation, acier). De plus, l’infrastructure étant dans un état critique, il serait difficile d’atteindre cet équilibre économique tant que la remise en état n’est pas financée et mise à l’ordre du jour.
- Afin de donner une idée de ce à quoi ces initiatives françaises cherchent à aboutir, citons l’exemple allemand de la société Rhein-Sieg-Eisenbahn (RSE). Etablie en 1994 par une ONG défendant la mobilité écologique, elle effectue des trafics de courte distance autour de trois bases situées entre la région de Cologne et la Bavière. Elle dessert des chargeurs de divers segments et remet les wagons à la DB Schenker, qui les reprend (certains vont jusqu’en Ukraine). Sans la mise en place de cette société, certains de ces trafics auraient été abandonnés ou transférés sur la route, du fait du plan de restructuration de l’opérateur historique allemand. RSE est gestionnaire de ses voies et peut en tirer des recettes.
Quelles opportunités de développement pour le fret ferroviaire local ?
Il faut reconnaître que séparer le fret en deux échelles de transport, c’est faire le contraire de la politique des décennies précédant la libéralisation, puisque la SNCF est née de la fusion des six grandes compagnies françaises de la fin des années 1930. Mais si l’on n’est pas encore sûr que ces petites entreprises arriveront à trouver l’équilibre économique, on sait que tenter désespérément de maintenir les dessertes locales au sein d’une grande entreprise ne fonctionne pas. Parmi les opérateurs historiques, tous ceux qui sont en relative bonne santé aujourd’hui se sont débarrassés à un moment ou à un autre de certaines d’entre elles. Les autres les traînent comme des boulets. Le métier de la proximité implique une organisation radicalement différente de celle de la longue distance : il s’agit bien de deux métiers très différents. Par exemple, on préférera l’emploi de locomotives de manœuvre, moins rapides que les locomotives de ligne mais moins chères, et monocabines[3]. La fabrication du roulement des agents sédentaires implique d’autres méthodes que si les agents parcourent trop de distance pour pouvoir rentrer chez eux le soir. De même, les locomotives peuvent être dédiées à un trafic particulier et passer la nuit chez le client, alors qu’une entreprise de longue distance préférera les faire rentrer toutes au dépôt et envoyer au client n’importe laquelle. On comprend là qu’il n’est pas forcément pertinent pour une entreprise de grande taille de garder les deux types de fonctionnement à la fois : entre autres choses, un parc dépareillé donc plus difficile à entretenir, et un casse-tête d’organisation pour optimiser des roulements trop différents.
De plus, à l’heure de l’interopérabilité et des systèmes de géopositionnement, il est intéressant de pouvoir prouver que l’on peut faire du chemin de fer simplement, sur certaines dessertes. Si l’on accuse souvent le fret ferroviaire de ne pas avoir trouvé sa révolution technologique et de se tenir sur certains plans à l’écart de la modernité, il lui arrive aussi de souffrir de sa grande complexité : il ne sera pas possible de sauver certaines dessertes si trop de moyens doivent être mis en œuvre pour les assurer. Arriver à faire au plus simple prend une importance stratégique dans le domaine de la proximité. Un matériel rudimentaire, une organisation élémentaire, peuvent se révéler très efficaces s’ils sont bien en phase avec leur contexte. Les petits chemins de fer hériteront d’une réalité technique déjà complexe, pour laquelle il est nécessaire d’adapter les moyens à chaque situation. D’une part, on se doit de tenir compte de la configuration des lieux : facilité des manœuvres, possibilité de laisser le matériel sur le site du chargeur la nuit, car le transport haut-le-pied (locomotive seule) coûte cher, voie unique ou double, électrifiée ou non, proximité des ateliers de réparation du matériel roulant, etc. D’autre part, le niveau des volumes à transporter et sa saisonnalité est capital pour déterminer la rentabilité de l’entreprise : le nombre de trains assurés chaque jour détermine le nombre de machines et de personnes à déployer, et peut varier selon les saisons ou les pics d’activité des chargeurs. La présence de plusieurs clients assure plus de volumes mais une desserte commune peut se révéler incompatible.
Dans la situation actuelle, on ne verra pas se créer à très court terme des myriades d’OFP : seuls quelques-uns devraient voir le jour ces prochaines années. Ni le cadre juridico-institutionnel français, ni l’état du marché ne semblent prêts à mettre en place des structures de ce type. Non qu’elles soient mal perçues ou manquent de soutien des décideurs. Seulement, les procédures administratives et liées à la sécurité, taillées pour des entreprises bien plus importantes, sont trop lourdes pour de petites structures. Les nouveaux entrants, filiales d’entreprises ferroviaires étrangères ou d’industries ayant déjà solidité et expérience, ne sont pas partis de rien, et avaient pourtant déjà été confrontés à certains de ces problèmes. Comment les OFP peuvent-ils obtenir une licence et un certificat de sécurité alors qu’ils ne peuvent s’appuyer sur aucune expérience, que leur bon fonctionnement dans le contexte français n’est pas prouvé et que l’exploitation est conçue de la façon la plus rudimentaire pour limiter les coûts ? Quels délais, et combien faudra-t-il emprunter aux banques avant de pouvoir faire circuler le premier train en exploitation commerciale ? Combien d’années avant retour sur investissement ? C’est en partie la volonté de ne pas recréer les anciens déficits qui retarde les projets, même les plus avancés.
L’enjeu que représente la création de ces entreprises commence à faire son chemin parmi les décideurs. Une cellule d’appui a été mise en place, ainsi qu’une société de portage, afin de leur prodiguer conseil et aide financière de départ. Une loi leur permettant de gérer elles-mêmes l’infrastructure sur laquelle elles opèrent si ce sont des voies dédiées au fret, et de remettre ces lignes dans un état correct pour l’exploitation qu’elles veulent en faire, est en ce moment à l’Assemblée Nationale. Toutefois, au regard de la mauvaise conjoncture économique qui touche particulièrement le transport de marchandises, leur avenir reste incertain.
Bibliographie
Dablanc, (coord.) (2009) Quel fret ferroviaire local ? Réalités françaises, éclairages allemands, Paris, La Documentation Française, 2009.
Les grandes entreprises historiques du chemin de fer, dont l’activité de marchandises est pour la plupart en difficulté financière, peinent de plus en plus à maintenir les dessertes terminales et taillent dans leur réseau de petits clients éloignés de leurs bases régionales. Cela se traduit par un report de trafic sur la route, à l’inverse des objectifs affirmés par l’Union Européenne. L’ouverture à la concurrence du transport de marchandises est l’occasion de reposer les bases du système ferroviaire et de son ancrage local.
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Major commercial train companies, most of which currently suffer from financial instability, are increasingly forced to cut into their network’s reach, thus depriving less central customers from access to rail travel. This leads to an increase in road traffic, which is contrary to the goals asserted by the European Union. The opening to competition of the transportation of goods represents the perfect opportunity to re-establish the bases of the railroad system and its co-dependency on local entities. A network of railroad SMEs charged with carrying freight to the major operators’ central hubs, allowing the latter to orient themselves solely toward long distance transportation, appears as the only chance of survival for an under-competitive railroad system suffering from waning usage. The logic is simple: a small local company responsible for a small portion of railroad will better know how to limit its costs and adapt to local needs than a big national or international company located far away from the railroad in question. Separating short and long distance companies would have important consequences, and would fit perfectly with the desire for a competitive, efficient and integrated European railroad system.
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In den neuen Berliner Hauptbahnhof sind seit der Eröffnung zur Fussball-Weltmeisterschafft 2006 schon die unterschiedlichsten Züge eingelaufen. Schneeweisse ICEs der neuesten Baureihe, usw. So haben wir die Gelegenheit zu den europäischen Zügenetz zu nachdenken.
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Si on entend beaucoup parler de l’état des chemins de fer en ces temps troublés, il s’y passe depuis quelques temps une révolution encore assez peu abordée par l’ensemble des media. Et pour cause : elle se dessine encore à peine. Elle s’étendra sans doute à toute l’Europe, mais pour l’instant, seuls quelques pays en connaissent les prémisses. Il s’agit de la division du transport ferroviaire de fret en deux échelles de transport, qui pourrait se traduire en particulier par la renaissance d’un vivier d’entreprises ferroviaires de petite taille.
Après une longue période de déclin sur plusieurs plans (un trafic en chute depuis plusieurs décennies, des déficits importants dans de nombreuses entreprises, une infrastructure qui se dégrade, l’abandon de nombreuses dessertes non rentables), le chemin de fer est pointé du doigt par les instances européennes, qui organisent une révolution du secteur. Dans les années 1980, le paysage ferroviaire européen se composait en majorité de grandes compagnies nationales et publiques opérant sous monopole. Pour faire circuler les trains internationaux, elles prenaient en charge les wagons chacune sur son propre territoire dans un processus de coopération. Avec trois séries de directives et règlements (les « paquets » ferroviaires), la Commission Européenne a instauré la séparation de l’infrastructure et des opérations, afin que toute entreprise puisse faire circuler ses trains par elle-même partout où elle le souhaite, dès qu’elle a prouvé son aptitude à faire circuler des trains en toute sécurité dans chaque pays, et apporte des garanties financières et judiciaires. Cette ouverture des marchés, dont les modalités et dates ont été laissées à l’appréciation de chaque pays, est effective dans le transport ferroviaire de marchandises partout en Europe depuis 2007 (autorisation du cabotage), mais pas encore partout dans le transport de passagers – en France, les transports internationaux de passagers seront eux aussi ouverts début 2010, dans un premier temps.
En cherchant à gommer les frontières nationales, l’Union Européenne pointe le nœud du problème ferroviaire européen : comment espérer réduire les déficits des opérateurs et en finir avec le sous-investissement en matière d’infrastructure alors que des efforts immenses sont à faire en matière d’harmonisation ? A partir du moment où l’on a choisi de pouvoir faire circuler toutes les entreprises partout en Europe, on se heurte à un casse-tête technique et administratif majeur. Le chemin de fer s’est développé au XIXe siècle dans un contexte européen de nations souveraines où l’échelle nationale était plus que primordiale. Malgré la création d’organismes internationaux destinés à réduire les écarts techniques, telles que l’UIC[1], chaque pays a développé ses propres procédures et normes techniques, sa propre notion de la sécurité. Il existe plusieurs types d’électrification, d’écartement des rails, de systèmes de contrôle des trains, ... de sorte que peu de trains peuvent franchir une frontière sans devoir changer de locomotive et de conducteur, voire de wagons ou d’essieux. Même si une Agence Ferroviaire Européenne a été créée dans le but de réduire l’impact de la multiplicité des systèmes, ces nombreux aspects techniques ne pourront être harmonisés, car cela représenterait un investissement hors de propos, et les choix retenus prêteraient forcément à polémique. Les solutions envisagées se trouvent dans les matériels dits interopérables, pouvant circuler sur plusieurs réseaux (par exemple, pour le transport de passagers, le Thalys est une rame quadricourant disposant de tous les systèmes embarqués pour circuler en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne). L’Europe tente de mettre en place un système commun de contrôle des trains, et développe le principe de la reconnaissance mutuelle du matériel ou des équipements : ce qui a été jugé sûr et efficace dans un pays est reconnu par les autres et peut circuler. Ces réponses, quelles qu’elles soient, sont coûteuses et contribuent à faire du transport international par chemin de fer une activité réservée aux entreprises bien implantées et dotées d’une capacité d’investissement importante.
Vers deux échelles de transport ferroviaire.
Si la réponse de l’Union Européenne a permis aux entreprises de se donner des ambitions continentales et de retrouver une idée parfois perdue de la compétitivité, il n’en reste pas moins que la concurrence directe sur son propre territoire a aussi pour effet de fragiliser une activité déjà atone. Des anciennes coopérations à la concurrence, il s’agit de réinventer la coopération, sur d’autres fondements que les barrières nationales. L’histoire ferroviaire de l’Europe fait que les anciens monopoles sont restés des acteurs incontournables, des entreprises de grande taille et très bien implantées. Du fait de la lenteur à construire un réseau dense de clients dans le monde ferroviaire et du caractère encore récent de la libéralisation, les nouvelles entreprises, souvent filiales d’opérateurs historiques, sont encore de taille ou moyenne.
De fait, les grandes entreprises historiques ne peuvent plus supporter le coût de leurs dessertes terminales. Or, les chargeurs font de plus en plus d’envois de petite taille, pour lesquels la concurrence d’un secteur routier très réactif est vivement ressentie par ces entreprises, surtout dans le lotissement. Organisée sur une étendue au moins nationale, par bases régionales d’activité, la desserte de certains clients un peu isolés se traduit pour elles en kilomètres inutiles par rapport à la gare ou au dépôt le plus proche. La plupart des grandes entreprises ont déjà mené des plans de restructuration ayant pour effet de supprimer ces dessertes, avec plus ou moins d’implication auprès des chargeurs pour les aider à trouver une autre solution – si possible non routière. A l’inverse, un opérateur dont l’exploitation d’une seule ligne est l’activité principale, saura s’organiser de façon à en obtenir la rentabilité. Les opérateurs historiques se concentrent sur les trafics massifiés et les circulations à longue distance, et se retirent progressivement des lignes secondaires.
On peut donc, d’après ce qui se dessine actuellement, imaginer un chemin de fer européen où, comme cela se fait aux Etats-Unis, il existerait deux métiers bien distincts dans le fret ferroviaire : des entreprises de longue distance, et des entreprises de proximité. Les entreprises historiques se chargeraient d’un transport massifié sur les grands axes, très technologique pour franchir les frontières et assurer une efficacité plus en phase avec leur temps et les autres modes de transport. Mais ce transport ferroviaire ainsi constitué ne pourra pas gagner des parts de marché à la route s’il n’est pas alimenté par des entreprises locales agissant pour les chargeurs qui disposent d’un embranchement, leur évitant une coûteuse rupture de charge si les grandes entreprises ne les desservent plus. Dans certains pays, ces PME ferroviaires existent déjà, et dans ceux où elles n’existent pas encore, elles commencent à être perçues comme un maillon manquant de la chaîne de transport, alors que les opérateurs historiques ont déjà réduit leur étendue géographique. Parvenir à mettre en place ces réseaux locaux comporte des enjeux de taille :
§ Sauvegarder les lignes sur lesquelles ne circulent que du trafic de marchandises
§ Eviter que ces trafics ne passent sur la route, même s’ils ne représentent pas un gros fond de cale : quoi qu’on puisse entendre aujourd’hui, le report modal se fait plutôt dans le sens rail-route que route-rail.
§ Adapter le lotissement à la demande moderne des chargeurs (c’est-à-dire plus d’envois moins massifs), et ainsi acquérir un savoir-faire ferroviaire dans les territoires. Cela contribuerait à promouvoir une expertise ferroviaire nationale et européenne après une longue période où seule la SNCF et les autres grands monopoles européens pouvaient la fournir.
§ Pérenniser l’activité des quelques entreprises captives du fret ferroviaire, après des années d’inquiétude quant au maintien de la desserte ferroviaire.
§ Créer des entreprises ferroviaires, et ce qui y est lié : des activités logistiques, de la maintenance ferroviaire, un peu d’emploi – cependant, ces entreprises ne seraient pas forcément de grandes pourvoyeuses d’emploi – sédentaire et très spécialisé, localisé souvent, mais pas toujours, dans des bassins à l’écart des grands axes.
Fret ferroviaire et proximité en France et en Europe.
Depuis la libéralisation, entre six et douze entreprises ferroviaires de fret circulent dans chaque pays, sauf en Allemagne, pays de grande densité industrielle au cœur des grands flux de marchandises, où il existe environ trois cents transporteurs ferroviaires actifs. Les plus grands transporteurs de fret ferroviaire en Europe sont les opérateurs historiques : DB Schenker, l’opérateur allemand (380 millions de tonnes transportées en 2008) ayant racheté les branches fret des opérateurs historiques danois et néerlandais, PKP, l’opérateur polonais (140 millions de tonnes en 2008) et l’opérateur autrichien ÖBB (99 millions de tonnes), qui a dépassé la SNCF (94 millions de tonnes)[2] en 2008.
Du point de vue de la proximité, chaque pays a une histoire différente quant au nombre d’entreprises ferroviaires qui sont présentes sur ce segment de marché. L’Allemagne, avant même la libéralisation, était couverte de petites entreprises montées par les collectivités locales. Autour de l’an 2000, beaucoup d’autres ont été crées. A l’inverse, en France, les petites compagnies ne se sont pas développées, et la SNCF était presque seule. Partout en Europe, des nouveaux entrants sont arrivés, mais ils ne s’intéressent pas forcément au fret de proximité, même si certains sont encore de très petite taille. En Suède, le concept de partenariat entre une entreprise de proximité et une autre de longue distance a trouvé un terrain favorable et semble bien fonctionner. A l’Est de l’Union Européenne, malgré l’arrivée de nouveaux entrants, les opérateurs historiques, ayant une part de marché intermodal assez élevée, sont encore au début d’une période de fort déclin des trafics, d’où nombre de flux de proximité qui seraient susceptibles d’être transférés sur la route. Ce mouvement est plus avancé à l’ouest où, après un effondrement des parts de marché du ferroviaire, les chargeurs s’interrogent sur un retour au chemin de fer, à condition que l’équilibre économique soit avéré. Quant à la Suisse, elle a suivi l’Union Européenne et libéralisé le fret ; on trouve un exemple de partenariat entre les CFF, opérateur historique, et un opérateur de proximité pour des trafics de déchets.
En France, les chargeurs ont commencé à considérer le train comme un sérieux argument de marketing environnemental. Toutefois, ils dénoncent un service peu fiable, compliqué, lent et plus cher que la route. Certains accusent la SNCF de les avoir poussés par tous moyens à fermer leurs trafics, non rentables, sans aucun accompagnement. Or, malgré la présence de sept autres entreprises ferroviaires totalisant près de 10 % du trafic ferroviaire de fret et l’intérêt qu’elles manifestent pour des trains multiclients, la SNCF est seule à assurer les flux de lotissement. De nombreux chargeurs ont donc transféré leurs flux sur la route, mais la branche fret de la SNCF est toujours largement déficitaire.
Dans plusieurs régions, des initiatives se sont alors constituées en faveur du fret ferroviaire de proximité. Rassemblés par les chambres de commerce et d’industrie, les Régions ou encore les ports, les chargeurs cherchent à constituer de petites entreprises ferroviaires de rayonnement local afin de reprendre les trafics qui pourraient circuler par le train. On appelle ces entreprises opérateurs ferroviaires de proximité (OFP). L’objectif consiste à rassembler les flux de plusieurs chargeurs proches et de les amener à un point de jonction où un opérateur de longue distance les reprendrait, soit pour les acheminer à leur destination, soit pour les transmettre à un autre OFP qui se chargerait de les redistribuer. Aucune de ces initiatives ne s’est encore concrétisée, mais les démarches les plus abouties se trouvent dans le Centre, en Auvergne, au port de La Rochelle et en Languedoc-Roussillon. Développons le cas du Centre, qui est le plus médiatisé :
- Les chargeurs, regroupés dans une association appelée Proffer, le groupe SNCF et la Caisse des Dépôts, ont créé en 2007 une société de projet, Proxirail, portant sur la desserte des installations agricoles et industrielles localisées principalement autour d’Orléans, sur les 600 kilomètres de lignes dédiées au fret que compte la Région Centre. Les études sont faites, mais la mise en place de l’opérateur ferroviaire tarde à venir, d’une part parce que les volumes, 5 millions de tonnes, seraient encore trop faibles de 15 à 20 % pour assurer son équilibre, et d’autre part parce qu’il est difficile de concilier la desserte des silos, clients principaux de l’OFP, et celle des autres industriels. Les céréales s’adaptent bien à des trains complets, et leur transport varie beaucoup selon la saison, ce qui n’est pas forcément le cas des autres produits concernés (produits de grande consommation, acier). De plus, l’infrastructure étant dans un état critique, il serait difficile d’atteindre cet équilibre économique tant que la remise en état n’est pas financée et mise à l’ordre du jour.
- Afin de donner une idée de ce à quoi ces initiatives françaises cherchent à aboutir, citons l’exemple allemand de la société Rhein-Sieg-Eisenbahn (RSE). Etablie en 1994 par une ONG défendant la mobilité écologique, elle effectue des trafics de courte distance autour de trois bases situées entre la région de Cologne et la Bavière. Elle dessert des chargeurs de divers segments et remet les wagons à la DB Schenker, qui les reprend (certains vont jusqu’en Ukraine). Sans la mise en place de cette société, certains de ces trafics auraient été abandonnés ou transférés sur la route, du fait du plan de restructuration de l’opérateur historique allemand. RSE est gestionnaire de ses voies et peut en tirer des recettes.
Quelles opportunités de développement pour le fret ferroviaire local ?
Il faut reconnaître que séparer le fret en deux échelles de transport, c’est faire le contraire de la politique des décennies précédant la libéralisation, puisque la SNCF est née de la fusion des six grandes compagnies françaises de la fin des années 1930. Mais si l’on n’est pas encore sûr que ces petites entreprises arriveront à trouver l’équilibre économique, on sait que tenter désespérément de maintenir les dessertes locales au sein d’une grande entreprise ne fonctionne pas. Parmi les opérateurs historiques, tous ceux qui sont en relative bonne santé aujourd’hui se sont débarrassés à un moment ou à un autre de certaines d’entre elles. Les autres les traînent comme des boulets. Le métier de la proximité implique une organisation radicalement différente de celle de la longue distance : il s’agit bien de deux métiers très différents. Par exemple, on préférera l’emploi de locomotives de manœuvre, moins rapides que les locomotives de ligne mais moins chères, et monocabines[3]. La fabrication du roulement des agents sédentaires implique d’autres méthodes que si les agents parcourent trop de distance pour pouvoir rentrer chez eux le soir. De même, les locomotives peuvent être dédiées à un trafic particulier et passer la nuit chez le client, alors qu’une entreprise de longue distance préférera les faire rentrer toutes au dépôt et envoyer au client n’importe laquelle. On comprend là qu’il n’est pas forcément pertinent pour une entreprise de grande taille de garder les deux types de fonctionnement à la fois : entre autres choses, un parc dépareillé donc plus difficile à entretenir, et un casse-tête d’organisation pour optimiser des roulements trop différents.
De plus, à l’heure de l’interopérabilité et des systèmes de géopositionnement, il est intéressant de pouvoir prouver que l’on peut faire du chemin de fer simplement, sur certaines dessertes. Si l’on accuse souvent le fret ferroviaire de ne pas avoir trouvé sa révolution technologique et de se tenir sur certains plans à l’écart de la modernité, il lui arrive aussi de souffrir de sa grande complexité : il ne sera pas possible de sauver certaines dessertes si trop de moyens doivent être mis en œuvre pour les assurer. Arriver à faire au plus simple prend une importance stratégique dans le domaine de la proximité. Un matériel rudimentaire, une organisation élémentaire, peuvent se révéler très efficaces s’ils sont bien en phase avec leur contexte. Les petits chemins de fer hériteront d’une réalité technique déjà complexe, pour laquelle il est nécessaire d’adapter les moyens à chaque situation. D’une part, on se doit de tenir compte de la configuration des lieux : facilité des manœuvres, possibilité de laisser le matériel sur le site du chargeur la nuit, car le transport haut-le-pied (locomotive seule) coûte cher, voie unique ou double, électrifiée ou non, proximité des ateliers de réparation du matériel roulant, etc. D’autre part, le niveau des volumes à transporter et sa saisonnalité est capital pour déterminer la rentabilité de l’entreprise : le nombre de trains assurés chaque jour détermine le nombre de machines et de personnes à déployer, et peut varier selon les saisons ou les pics d’activité des chargeurs. La présence de plusieurs clients assure plus de volumes mais une desserte commune peut se révéler incompatible.
Dans la situation actuelle, on ne verra pas se créer à très court terme des myriades d’OFP : seuls quelques-uns devraient voir le jour ces prochaines années. Ni le cadre juridico-institutionnel français, ni l’état du marché ne semblent prêts à mettre en place des structures de ce type. Non qu’elles soient mal perçues ou manquent de soutien des décideurs. Seulement, les procédures administratives et liées à la sécurité, taillées pour des entreprises bien plus importantes, sont trop lourdes pour de petites structures. Les nouveaux entrants, filiales d’entreprises ferroviaires étrangères ou d’industries ayant déjà solidité et expérience, ne sont pas partis de rien, et avaient pourtant déjà été confrontés à certains de ces problèmes. Comment les OFP peuvent-ils obtenir une licence et un certificat de sécurité alors qu’ils ne peuvent s’appuyer sur aucune expérience, que leur bon fonctionnement dans le contexte français n’est pas prouvé et que l’exploitation est conçue de la façon la plus rudimentaire pour limiter les coûts ? Quels délais, et combien faudra-t-il emprunter aux banques avant de pouvoir faire circuler le premier train en exploitation commerciale ? Combien d’années avant retour sur investissement ? C’est en partie la volonté de ne pas recréer les anciens déficits qui retarde les projets, même les plus avancés.
L’enjeu que représente la création de ces entreprises commence à faire son chemin parmi les décideurs. Une cellule d’appui a été mise en place, ainsi qu’une société de portage, afin de leur prodiguer conseil et aide financière de départ. Une loi leur permettant de gérer elles-mêmes l’infrastructure sur laquelle elles opèrent si ce sont des voies dédiées au fret, et de remettre ces lignes dans un état correct pour l’exploitation qu’elles veulent en faire, est en ce moment à l’Assemblée Nationale. Toutefois, au regard de la mauvaise conjoncture économique qui touche particulièrement le transport de marchandises, leur avenir reste incertain.
Bibliographie
Dablanc, (coord.) (2009) Quel fret ferroviaire local ? Réalités françaises, éclairages allemands, Paris, La Documentation Française, 2009.
[1] L’Union Internationale des Chemins de fer a pour mission de promouvoir le transport ferroviaire à l’échelle mondiale. Même si ses recommandations n’ont pas valeur juridique, elle joue un rôle important auprès des compagnies ferroviaires en matière d’harmonisation des techniques et procédures. Ses fiches thématiques sont respectées par les entreprises qui y adhèrent, soit la grande majorité des entreprises européennes, en tout cas les plus grandes.
[2] D’après les statistiques trimestrielles de l’UIC pour l’ensemble de l’année 2008
[3] Les machines de ligne ont en général une cabine de conduite à chaque extrémité. Les locomotives de manœuvres, qui alternent souvent marche avant et arrière, ne comportent qu’une seule cabine avec un pupitre de conduite dans chaque sens. Cela évite au mécanicien de perdre le temps de fermer la cabine, de longer la locomotive et de reprendre les commandes à l’autre bout.
[2] D’après les statistiques trimestrielles de l’UIC pour l’ensemble de l’année 2008
[3] Les machines de ligne ont en général une cabine de conduite à chaque extrémité. Les locomotives de manœuvres, qui alternent souvent marche avant et arrière, ne comportent qu’une seule cabine avec un pupitre de conduite dans chaque sens. Cela évite au mécanicien de perdre le temps de fermer la cabine, de longer la locomotive et de reprendre les commandes à l’autre bout.