« L’enjeu du Service public »,
Raison présente,
N° 173, Paris, Nouvelles Editions rationalistes, 2010.
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Europäischen Versorgungsunternehmen
Public service in the European Union.
Servicios públicos Europeos
servizi pubblici européens
Υπηρεσίες européens publics
Diensten publics européens
Услуги публика européens
Teenused publics Européens
Usługi publiczna européens
Kamusal hizmet (Service Public) tartışmasının Fransızlara ve Fransa'ya ait bir tartışma olduğunu düşünenlerin sayısı oldukça fazla. Öyle ki, "Fransa devletçi ve merkezci bi yapıya sahip bir ülkeyken öteki Avrupa ülkeleri ise daha liberal" düşüncesine sahip olanların sayısı oldukça fazla. Ancak kamusal hizmet tartışmalarının Avrupa kanunlarının içinde bulunduğunu da unutmamalıyız.
One might think that the debate around Public Service is largely a French concern, especially in light of the common belief that other European states are fundamentally liberal regarding this issue, while France is static and centralistic. Despite how much sense this view might hold, it remains that the issue of Public Services is contained in defining European texts.
On pourrait croire que le débat autour du Service public est un débat très largement franco-français, si du moins on prend à la lettre les propos de beaucoup de ceux qui prétendent que les autres pays européens sont fondamentalement « libéraux » alors que la France serait, en cette matière, étatique et centralisatrice.
Quoi qu’il en soit de certains aspects de ces propos qui ne sont pas entièrement insensés, il n’en reste pas moins vrai que :
- La question des Services publics est inscrite dans les textes européens ;
- Que chaque pays membre de l’Union dispose de Services publics, même s’il ne sont jamais les mêmes d’un pays à l’autre (question d’histoire, de choix politique, d’économie) ;
- Au lieu d’éviter le débat généralisé, nous ferions mieux de nous poser la question de savoir ce que pourraient être à la fois :
o Des Services publics européens,
o Et des coordinations entre les Services publics des différents membres de l’Union.
C’est en tout cas ce à quoi s’attache pour partie le numéro de revue ici signalé.
Il rappelle d’abord que l’article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne associe valeurs communes et services d’intérêt économique général : « Sans préjudice des articles 93, 106 et 107, et eu égard à la place qu’occupent les services d’intérêt économique général, parmi les valeurs communes de l’Union ainsi qu’au rôle qu’ils jouent dans la promotion delà cohésion sociale et territoriale de l’Union, la Communauté et des Etats membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d’application du présent traité, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d’accomplir leurs missions ».
Il rappelle ensuite que la question est posée dans chacun des pays européens. Bien sûr, à des titres différents, dans une histoire différente et en fonction d’objectifs différents. Mais justement, n’y aurait-il pas en cela une ressource de débat intéressante. Un auteur constate sur ce plan que l’Europe se caractérise par :
- Une série de diversités. Les termes utilisés sont différents et souvent mal traduisibles d’un pays à l’autre, il existe une forte différence en matière de doctrines et de concepts, les échelons territoriaux compétents ne sont pas les mêmes selon les activités, les modes d’organisation divergent.
- Mais aussi une profonde unité : dans tous les pays européens, les autorités publiques ont été amenées à considérer que certaines activités ne pouvaient par relever du droit commun de la concurrence et des seules règles du marché, mais de normes spécifiques d’organisation et de régulation.
Et l’auteur (Pierre Bauby) de remarquer que trois objectifs sont communs :
- Garantir le droit de chaque habitant d’accéder à des biens et des services fondamentaux (éducation, santé, sécurité, transports, communications) ;
- Construire des solidarités, assurer la cohésion économique, sociale et culturelle, développer le lien social, promouvoir l’intérêt général de la collectivité concernée ;
- Prendre en compte le long terme et les intérêts des générations futures, créer les conditions d’un développement durable à la fois économique, social et environnemental.
Ce numéro de la revue Raison présente pose ensuite la question d’une propriété publique mondiale, via celle d’une propriété publique européenne :
On n’imagine pas que le contrôle aérien, par exemple, puisse être abandonné aux règles du marché ; que les compagnies aériennes privées pourraient s’en remettre à la « main invisible » ou à la concurrence pour déterminer les niveaux de vol ou les couloirs de circulation.
Et les directeurs de ce numéro de conclure : « De plus en plus de services publics seront nécessaires dans l’avenir et c’est dans le cadre de cette hypothèse que nous devons placer nos réflexions et nos propositions ». Des services publics industriels et commerciaux correspondant à la gestion des biens reconnus comme communs devront être envisagés : l’eau, certaines productions agricoles et alimentaires, des ressources énergétiques, des services administratifs relatifs à la production de services techniques, les télécommunications, certains transports, l’activité météorologique et spatiale, de nombreux domaines de la recherche scientifique, des services d’assistance médicale, des services administratifs organisant la coopération des pouvoirs publics nationaux et internationaux, la sûreté, la suppression des doubles emplois, la réglementation des différentes formes de coopération dans toutes les catégories administratives.
Enfin, il éclaircit les présupposés philosophiques de la question des Services publics. Sur ce plan, même si les références nationales sont très différentes – en France nous renvoyons le plus souvent à Léon Duguit, « premier théoricien » du Service public, au XIX° siècle -, il est possible de réfléchir à cette question en posant le problème du Bien commun (version Aristote) ou de la Solidarité (version Léon Bourgeois, Max Weber), voire celui de la cohésion sociale. Et sur ce dernier plan, il est clair que chacun des pays européens dispose de philosophes de référence qui peuvent tous contribuer à renouveler la question.
C’est sans aucun doute à cela qu’il convient maintenant de s’attacher : une analyse philosophique contradictoire et différentielle des philosophies de la multiplicité et de la solidarité, dans le cadre européen, non d’ailleurs, pour nous enfermer dans ce cadre, mais pour affermir une pensée susceptible d’être proposée à tous.