Roland de Bodt
-----------------------------------------------------------------------------------------
Unbehagen zwischen Civilizationen ?
Wegen dem Buch von Samuel Huntington, selten war die Zusammenarbeit zwischen
Norden und Süden in den vergangenen Jahrzehnten so mühsam wie heute. Dabei geht
es nicht nur um personliche Unverträglichkeiten. Als Grund für die
Schwierigkeiten der Dialog, nennt man das Missverhältnis zwischen
civilizationen. Und Islam. Weil Europa seine Rolle als Vermittlungsinstanz und
impulsgeber nicht spielt, droht ein Kräftemessen. Das hat mit dem zut un, was
die Philosophers als Urteils Fehler beschreiben haben.
-----------------------------------------------------------------------------------------
In
1993, the American author Samuel Huntington published a book called “The Shock
of Civilizations”. Numerous protests
arose against this work. Aside from being aggressive biases, these protests open
a war-front that we do not wish to assume. Roland de Bodt offers here some
pertinent insights, not so much to counter Huntington’s theses as to help us
understand it and resist the influence of discourses that refer to it without
specifying it. He shows that this cultural
invention seeks to legitimize, in the eyes of governments, the massive
investments carried out in the name of security, and to attempt to legitimize
them in the eyes of European, American and Middle Eastern populations through
repeated media coverage. Thus, the shock
of civilizations is a strategy that commercializes hatred toward cultural
difference in the world in sight of economic and industrial domination’s
ever-increasing stakes.
-----------------------------------------------------------------------------------------
Bu
makale "medeniyetler soku" kavramini sorguluyor. Zira, farkli
kulturlerin, farkli lisanlarin, tarihlerin karsilasmasi, iliskiye girmesi,
hangi nedenlerden dolayi medeniyetler soku olarak tanimlaniyor ? Yazar
"medeniyetler soku" kavrmamini elestiriyor. Bu kavramin ekonomik,
tarihsel ve konjonkturel acidan degerlendirilmesi gerektigini savunuyor. Gerek soguk savas donemi, Gerekse Berlin
duvarinin getirdigi strukturel degisikler, bu calisma kulturlerin
karsilasmasini o degisik acidan degerlendiriyor. Zira, "emniyet
politikalarinin" medeniyetler sokunu tetikledigini savunuyor.
-----------------------------------------------------------------------------------------
Në vitin 1993 amerikani Samuel Huntington shkrujti një libër
me titull « Les choc des civilisations». Shumë njerëz protestuan Mbase
promovimit të ketij libri për disa arsye. Roland de Bodt na propozon një
reflektim për të na ndimuar të mos të influencoemi nga teza e Huntington-it.
Aji na tregon se shpikjet kulturale i bëjnë investimet sekuritare të
domosdoshme për popujtë evropian, të lindjes së mesme dhe Amerikan. Strategjia
e ketij libri ka disa çeshtje, sidomos ekonomike dhe Industriale.
-----------------------------------------------------------------------------------------
År
1993 utgav Amerikanen Samuel Huntington ett verk : ”The clash of civilisations”.
Det är många protester mot denna bok, därför att den öppnar en konfliktuell
front som vi inte vill stå för. Roland de Bodt, från Belgien, föreslår här några
relevanta tankar, inte så mycket för att stå emot Samuel Huntingtons teori men
mest för att få oss att inte bli påverkade av den. Bodt visar att detta
kulturella påfund försöker att
legitimera, i regeringarnas ögon, massiva investeringar och försöker, via
media, dagligen, att få dessa investeringar att verka nödvändiga i Europas,
Mellanösterns, och Amerikas befolknings ögon. Detta gör att strategin som tjänar
på hatet av kulturella skillnader i världen, täcker, varje dag, utmaningen av
ekonomisk och industriell dominans som växer dag för dag.
-----------------------------------------------------------------------------------------
La notion de « civilisation » a
une longue histoire derrière elle. Mais dans ses usages récents, elle fait
l’objet d’un détournement. Les propos de Samuel Huntington, dans l’ouvrage « Le
choc des civilisations », sont polémologiques et mortifères. Cet auteur
substantifie la notion de civilisation, afin de muer les systèmes sociaux en
systèmes inertiaux, incapables de transformations dynamiques internes. L’appartenance
civilisationnelle passe alors pour un destin à assumer. Cette conception de la
civilisation, montre par exemple Alain Cambier, dans Qu’est-ce qu’une civilisation ?, Paris, Vrin, 2012, exacerbe
les exclusivismes identitaires, qui font de l’autre un ennemi potentiel au sein
d’une identité culturelle imaginaire.
A cette réflexion, nous avons voulu en
ajouter une autre que nous devons à Roland de Bodt, chercheur et écrivain
belge, qui vient de publier Neufs
essentielles pour déconstruire le « choc des civilisations ».
Nous lui laissons la parole ci-dessous.
Depuis près de vingt ans, nous entendons
régulièrement parler du « choc des civilisations » comme si – par « nature » –
les cultures et les civilisations étaient destinées inévitablement à entrer en
collision les unes avec les autres. Comme si les différences culturelles étaient
si inconciliables qu’elles conduisaient nécessairement à la destruction de
l’autre. C’est un des grands enjeux culturels du début du XXIe siècle de déconstruire
cette affabulation fulgurante qui est probablement aussi une des plus
dangereuses mythologies guerrières de l’histoire de l’humanité. Le projet Rives
d’Europe et l’association Culture et Démocratie ont associé leurs forces pour
contribuer à cet enjeu de paix et de dialogues pour notre temps.
L’héritage de la guerre froide
Ainsi, si nous voulions essayer de
comprendre le « choc des civilisations », il serait indispensable de prendre en
considération, dans un premier temps, la période historique qui précède la
chute du mur de Berlin (1989). Il conviendrait de rappeler à nos souvenirs
cette période de grandes tensions internationales, entre deux blocs « Est » / «
ouest ». Une période historique caractérisée par un véritable régime de terreur
; un régime de terreur inspiré par les dangers d’un conflit nucléaire ; régime
de terreur auquel l’histoire a donné un nom, celui de la « guerre froide ». Au
lendemain des bombardements des villes d’Hiroshima et de Nagasaki (août 1945),
les populations de la planète vivent, durablement, dans la terreur d’un nouveau
conflit nucléaire mondial. Partout sur la planète, les images de ces premiers
bombardements atomiques de populations civiles restent gravées dans les mémoires.
Au fil de ces années de guerre froide, le conflit entre les deux blocs – le
bloc « communiste » et celui des « Etats libres de l’occident » – a servi de
modèle d’explication des relations entre les nations dans le monde.
Un modèle
pratiquement exclusif : il semblait pouvoir tout justifier. Il expliquait non
seulement les événements, les relations, les tensions et les alliances
internationales ; mais encore il justifiait les grandes orientations budgétaires
adoptées par les divers gouvernements, chacun au sein et à l’égard de son
propre pays. Je pense tout particulièrement aux arbitrages des gouvernements et
des parlements entre divers types de dépenses publiques : ici, les dépenses
militaires, les dépenses de sécurité et, là, les dépenses d’enseignement, de
santé, d’assurances sociales. Jusqu’à la chute du mur de Berlin, ces quarante
années de guerre froide laisseront de profondes marques dans les imaginaires
des populations. Les grandes figures culturelles, qui évoquent les peurs
populaires générées par ce conflit, restent bien présentes dans les
imaginations : celle de « la guerre des étoiles », celle du « bouclier nucléaire
», ou encore celle de « l’hiver nucléaire », etc. Même à ceux qui n’ont pas vécu
cette période, les figures culturelles de ces grandes peurs de la deuxième
moitié du XXe siècle sont familières !
Régime de terreur et politiques publiques de sécurité
Cette politique de la terreur, face à un éventuel
conflit nucléaire, a justifié dans les pays libres des choix technologiques et
industriels stratégiques, c’est-à-dire des investissements à long terme (plus
de dix ans). Ces choix ont largement été soutenus par les budgets publics des
Etats démocratiques. Et il ne paraît pas insensé, aujourd’hui, de considérer
que, sans ce régime de terreur – c’est-à-dire sans les peurs tendues par la
guerre froide dans les esprits et dans les cœurs des populations – de tels
investissements publics dans les secteurs de l’armement, du renseignement et de
la sécurité, n’auraient pu se concilier les gouvernements. Comment auraient-ils
pu recueillir l’assentiment des populations ? des responsables ? des
contribuables ? des citoyens ? des électeurs de ces Etats ?
Et si nous admettions ainsi que les
grandes peurs de la guerre froide formaient les conditions structurelles de ces
investissements publics, nous pourrions alors nous représenter ce que le développement
technologique et économique de ces industries doit au régime de terreur qui l’a
justifié de manière permanente pendant près d’un demi-siècle. Nous pourrions aussi
mesurer, plus précisément, combien ce régime de terreur va rendre légitime,
pendant toute la durée de la guerre froide et jusqu’à la chute du mur de Berlin,
la capacité de ces industries à attirer des parts de plus en plus considérables
des moyens affectés aux politiques publiques. Et on pourrait alors se demander,
avec raison, si ces moyens publics ne seraient pas devenus structurellement
indispensables au maintien voire au développement de ces activités et de ces
secteurs industriels. Telles sont probablement, à la veille de la chute du mur
de Berlin, les contraintes structurelles d’une partie non négligeable du tissu
industriel mondial. Contraintes technologiques et économiques structurelles
pour l’industrie mondiale héritées non seulement de « l’effort de guerre »,
pour sortir de la seconde guerre mondiale, que de la « course aux armements »
qui a caractérisé la guerre froide.
Nécessité de restaurer le « choc des civilisations
» dans les circonstances historiques de son apparition
C’est dans la restauration de ces
perspectives historiques qu’il devient possible d’essayer de construire une
représentation des conditions et des acquis industriels que la chute du mur de Berlin
a menacé subrepticement. En effet, dès ce jour-là, le plus important conflit –
qui justifiait l’histoire et la dynamique du développement technologique et économique
d’une partie considérable de l’industrie du XXe siècle, à charge des politiques
publiques des Etats – disparaissait. Ces circonstances industrielles qui
structurent le développement technologique et l’économie mondiale n’ont-elles
pas été insuffisamment évoquées à propos du « choc des civilisations » ? Et si
oui, pourquoi ?
Lire l’ouvrage en
entier :
http://www.cultureetdemocratie.be/documents/lettre_45/livre-version-ecran.pdf
Acheter l’ouvrage : editionslechariot@yahoo.fr