Christian Ruby
--------------------------------------------------------------------------
Revista "Raison présente" (14 rue de l’Ecole Polytechnique, 75005, Paris, France) ka publikuar ne numerin e fundit te saje disa tekste mbi temen e spektatorit
--------------------------------------------------------------------------
The magazine Raison présente ((14 rue de l’Ecole Polytechnique, 75005,
Paris, France) publishes a series of texts addressing the theme of the Spectator. We
have commented at length on an artist’s life and the notion of the artist (so
long as artists don’t question this notion themselves), but also on the notions
of a work and the public. We have waited a long time before posing new
and pertinent questions about an art work’s receiver, the spectator or
listener, the beholder. To do so, one must consider recent works that draw an
accurate portrait of this notion. Therefore, we have listed a coherent corpus
of diverse studies in order to identify the person who many mistakenly summarise
as a simple pawn in a complex matrix of sold tickets and statistics that
penalise the established order of spectatorial values. However, this edition of
Raison présente also raises an issue that widens the scope of the question at
hand. These studies, increasing in number, come about not only regarding
the art spectator, but also the society moralist spectator, the self-spectator,
or the political spectator... In this regard, it is important to specify
that there is no such thing as the “essence of the spectator”, and that the
very concept is relational, not ontological. The spectator is always a
function of the object being observed... Therefore, it is possible to
shift the category of spectator towards different fields, not only differential
but also historical.
--------------------------------------------------------------------------
Die Forscher erinnern
sich an eine Zeit, in der den Zuschauer nicht galt. Traditionnelle Werte wie Künstler
und Opus würden viel zu wichtig genommen. Heute sieht man das nicht mehr so
eng. Wir können Zuschauern miteinander verglichen und Artikel in Auftrag
gegeben. Dieses Jahr, über 10 Bücher stammen aus der Feder von Auroren. Raison
présente, ein Zeitschrift, richtet eine Reflexion aus. Die These in Raison Présente, n° 187, 2013 (14 rue de
l’Ecole Polytechnique, 75005, Paris, France) besagt zunächst einmal nicht mehr
als dass der Zuschauer…. Zwischen
tausenden und millionen Zuschauer sind wöchentlich
mit an Bord – aus allen Regionen, Altersgruppen, und Bildungsschichten. Was im
Fernsehen nicht vorkommt, existiert für die Zuchauer nicht. Superstar Brad Pitt hat
allein in Deutschland schon über eine Million Besucher in die Kinos gelockt. 27,22 Millionen
Zuschauer sahen am Mittwochabend im privaten Umfeld - also zu Hause oder bei
Freunden - wie Mario Gomez die Deutschen bei der Fußball-Europameisterschaft
mit zwei Toren zum Sieg über die Niederlande führte und damit einen großen
Schritt in Richtung Viertelfinale brachte. Auch so sind die Zahlen aber natürlich
beeindruckend. Die Frage ob sich das Fernsehen in der Budesrepublik und in Europa
tatsächlich schon zu einem reinen Unterhaltungsmedium entwickelt hat, ist
sicherlich nicht eindeutig zu beantworten. Vor diesem Hintergund stellt sich
zunächst einmal die Frage, was unter Unterhaltung überhaupt zu bestimmtes
Angebot für das Publikum unterhaltend macht. Was aber ist entscheidend dafür,
ob sich jemand mit und durch Medienangebote unterhält ?
--------------------------------------------------------------------------
Appartiendra-t-il à ce début de siècle de s’inquiéter,
dans des termes renouvelés, de la figure du spectateur d’art ? Il y a
longtemps qu’on commente la vie d’artiste ou qu’on interroge le concept
d’artiste (quand les artistes eux-mêmes ne le remettent pas en question), mais
aussi les notions d’œuvre et de public. C’eut été curieux de n’en venir jamais à
élaborer à nouveau frais des questions pertinentes à propos du récepteur des
oeuvres d’art, du spectateur ou de l’auditeur, du regardeur ou du spectacteur.
On ne négligera d’ailleurs pas le fait que quelques
travaux récents à son égard en composent de plus en plus souvent un judicieux
portrait. Il nous a donc paru pertinent, en guise d’étape, de rassembler un
corpus cohérent de recherches éparses, afin de rendre compte d’un trait de
celle ou de celui que beaucoup réduisent fréquemment à un simple pion dans un décompte
de billets vendus pour remplir des salles ou dans des statistiques qui se
contentent de sanctionner l’ordre des valeurs spectatoriales établies, quand
elles ne sont pas organisées selon la logique du marketing (publics identifiés
et segmentés ou communautarisés).
Sur le spectateur d’art
et de culture, à proprement parler, les artistes s’interrogent d’ailleurs
frontalement comme en témoigne l’oeuvre de Peter Handke, Outrage au public (1966). Une pièce de théâtre récente (Avignon
2012, Paris 2013), Spectateur :
droits et devoirs, « conférence performative doublée d’une formation
accélérée pour un public laïc et républicain », montée par Baptiste Amann,
Solal Bouloudnine et Olivier Veillon, prend à nouvau le spectateur pour thème
de ses discussions, puisque ladite « conférence » place les acteurs
en symétrique du public, pour la spectatrice ou le spectateur, en les faisant
entrer dans le jeu, à la fois comme sujets, objets et destinataires, et en
finissant par unir salle et scène dans le reconnaissance d’une expérience
sensible commune. Fût-ce aux fins de distanciation didactique, de prise de
conscience, de fiction efficace, d’une entreprise désespérée de
sauvetage ? C’est au spectateur de choisir, comme il en va pour certaines œuvres
des artistes plasticiens Gary Hill, Thomas Struth, ou d’autres. Mais, cela
signifie bien que cette question du spectateur, de sa place dans l’art, de sa
formation doit être reconsidérée, notamment à l’heure où l’art contemporain prétend
se défaire du spectateur (Groupe Democracia en Espagne, Biennale de Paris, Fabien
Giraud et Raphaël Siboni, ...), où le théâtre contemporain voudrait devenir un
théâtre de la capacité et plus de la conscientisation (ce que corroborent différemment
Olivier Neveux, dans Politiques du
spectateur, Paris, La Découverte, 2013, et Alternatives théâtrales, n° 116, « Le mauvais spectateur »,
2013), ou des exercices inédits des multi-médias.
Toutefois, une remarque générale s’impose à ce propos
qui ouvre plus largement le débat. Ces études de plus en plus nombreuses, nous
les rencontrons non seulement à propos du spectateur d’art, mais encore du
moraliste spectateur de la société, du spectateur de soi, ou du spectateur de
la politique, ... En cela, il convient effectivement de préciser qu’il n’existe
guère d’essence du spectateur, et que les figures de spectateur, si on peut en
conceptualiser de telles, sont relationnelles, non ontologiques. Une figure de
spectateur est toujours fonction d’un objet qui attire son attention... Par
conséquent, il est possible de déplacer la catégorie de spectateur vers
diverses champs, non seulement différentiels mais aussi historiques.
Une partie des textes publiés dans cette livraison de
Raison Présente, provient d’un
colloque, organisé et présidé par Joëlle Zask, développé à l’Université de
Provence. La journée était intitulée Figures
du spectateur. Elle s’est déroulée le 31 mai 2012. En complément des
interventions à ce colloque, nous publions, dans le même esprit, un texte
portant sur le spectateur de cinéma et un article portant sur les arts de la
rue, souvent absents de la réflexion théorique sur le spectateur. Enfin, nous
ne pouvions clore cet ensemble sans référer à l’actualité. Introduits par un préambule
d’Emmanuel Wallon, deux « manifestes » concernent un problème crucial
de l’époque : l’enseignement de l’art ou des arts à l’école, trouvent ici
leur place. Un problème de l’époque seulement ? Ce n’est pas certain, si
l’on veut bien relire, par exemple, les pages consacrées à ce problème par
Pierre Bourdieu, dans L’amour de l’art
(Paris, Minuit, 1969, p. 97sq.). En tout cas, ils proviennent du collectif « Pour
l’éducation par l’art ».
Le lecteur remarquera alors qu’outre sur le mot « spectateur »
et son usage toujours un peu vague ou complaisant, l’interrogation porte aussi,
à bon droit, de nos jours, sur la maîtrise, par le spectateur même, de la
position dans laquelle il est mis, par ses propres moyens. Que l’on parle de la
variété de ses formes - du spectateur d’art (ou du regardeur ou du spectateur,
voire de l’auditeur), de soi, de la politique (Marcela Jacub en a récemment
repris le thème à propos des limites de la notion de transparence, telle
qu’elle est actuellement conçue au sujet de la vie politique : « Un
peuple composé, non pas de citoyens, mais de spectateurs avides de potins prêts
à tout pour savoir ce qui ne doit pas être su » (Libération, 27-28 avril 2013, p. XIX)), ou du monde (nature
comprise) -, ou des différentes manières de lui ménager un espace ou l’accès à
la parole (au delà des seuls bruits : cris, applaudissements, détournements),
il convient de s’intéresser surtout aux principes, préceptes, procédés et
institutions qui le rendent tel, ou qui visent à l’affranchir, par exemple,
dans les pratiques de l’art contemporain. En l’accompagnant dans ses exercices
de formation, en relevant certaines ironies à son égard, notamment de la part
des artistes, en décryptant les réseaux d’images agencés autour de lui et les
logiques festivalières ou biennalières, il est possible de produire une
conception d’ensemble d’un réel éparpillé et fragmentaire, auquel nous
participons chacun largement en allant au spectacle ou en nous laissant traiter
de « spectateur de la politique », par les médias (avec ou sans
ironie !), par exemple ou par les femmes et hommes politiques.
Bonne occasion de
rappeler qu’il est temps de cesser de refouler le débat politique concernant la
posture du spectateur : spectateur et
politique. La logique de la conjonction de coordination laisse se déployer
plusieurs rapports possibles. En tout cas, l’absence de tout rapport est exclue.
Au prisme du sensible, la séparation entre spectateur et politique est encore
plus vaine que la séparation, prônée parfois, entre art et politique. Le
spectateur d’art ne constitue pas une entité distincte de tout rapport social.
Simultanément, il occupe une place dans un système de distinction (spectateur
d’art, de stade, de médias, de la politique, ...), il discrimine ceux qui sont
appelés dans le jeu de l’art et ceux qui en sont exclus, il se livre à une manière
de poser le problème du commun et résulte d’une politique à l’égard des arts.
Enfin, en ce qui
regarde maintenant la politique conçue à l’égard du spectateur, il est temps de
remarquer que les perspectives soulevées dans cette livraison de Raison Présente comportent bien quelques
adresses aux institutions, tendant à les appeler à proposer de nouvelles
politiques culturelles ou à se dispenser de certaines d’entre elles. Il
faudrait d’ailleurs sur ce plan revenir sur le problème dans un prochain numéro.