Christian Ruby
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« Personne n’offre l’hospitalité à tout le monde. Il serait plus simple d’accueillir l’univers chez soi que le tout, que nous, rien ni personne ne nous accueille, c’est un comble !
Elfriede Jelinek,
Les Suppliants, p. 12.
Pourquoi l’universalité d’une exigence devrait-elle s’affirmer concrètement dans des domaines partiels, en l’occurrence l’hôpital ?
L’hospitalité ne doit pas relever du seul registre du discours métaphysique ou d’un impératif moral abstrait traduit en sentiment sublime. Ce serait oublier que l’on reçoit l’étranger dans des lieux concrets, y compris et surtout dans des espaces publics (1) – là où il est étranger à la langue du droit dans laquelle est formulée le droit d’asile -, ou que cette exigence a du prendre la forme d’une loi (2) (qui énonce les critères de filtrage, de choix, d’exclusion), voire, plus récemment, d’un rappel dans un « manifeste des valeurs » (3), pour une humanité négligente de ses propres valeurs, si l’on veut bien mesurer la distance qui sépare la référence à l’hospitalité chez Euripide (Les suppliantes) et la description de l’hospitalité de nos jours telle que décrite par Elfriede Jelineck (Les suppliants).
Comment l’universalité de cette exigence peut-elle par conséquent être présentée à et dans l’hôpital – valeur dont il est toujours loisible de repérer la promotion dans la facilité avec laquelle on recourt à l’étymologie du nom de l’institution pour croire en son existence (4) -, en termes d’espace et de lieux ? Cette dernière distinction étant centrale en ce qu’elle met en avant des relations sociales (un espace non territorialisé, des réseaux de personnes) et des lieux concrets (délimitation de seuils, de frontières, de partages des lieux) qui se décomposent autant en unités discrètes qu’en fonction des disciplines qui s’en occupent (technologies médicales, sociologie de l’hébergement, discours administratif, etc.). Autrement dit, comment faire place à ce type de travail spirituel de fond dans le cadre de la condition post-hospitalière (5), et à l’invention de lieux dédiés, sans tomber dans le désespoir de jamais pouvoir présenter dans la réalité quelque chose qui soit à la mesure de l’Idée d’humanité visée ?
Poussons le propos un peu plus loin encore, vers les fins : si de tels lieux accommodés à l’hospitalité sont concevables dans l’hôpital, serviront-ils vraiment de levier à une émancipation des stéréotypes, des craintes, des rejets de l’autre non seulement dans les espaces hospitaliers, mais encore, par promotion générale, dans n’importe quel espace de la République, pour évoquer d’abord notre situation particulière, et la perspective des droits culturels désormais incluse dans nos textes de loi ?
L’hôpital, dans ce texte, nous le prenons à partir de l’héritage de sa version moderne, médicale, comme ce lieu édifié dans une époque privée de destin ou de surplomb divin, vouée à la santé et à l’hygiène. Il laisse alors advenir de nouvelles formes de partage des espaces et des lieux, quoiqu’il ait été rapidement modélisé en une architecture qui a tous les traits d’une forteresse d’enfermement (6), de hiérarchisation, de fonctionnalités, espace finalement disciplinaire des emplacements fonctionnels, distribués et cloisonnés avec rigueur. Cet espace sériel est d’ailleurs traversé largement par les essais accomplis durant la colonisation, tant dans la métropole que sur les territoires extérieurs. Malgré des efforts laborieux pour le transformer depuis lors. La question à nouveau posée de lieux dédiés à l’hospitalité dans l’hôpital semble impliquer qu’un décalage est sans doute encore possible. Du moins qu’il ne convient pas de désespérer.
C’est ce qu’il faut vérifier maintenant, non sans tenter tout de même d’éviter de perpétuer le moralisme - la « moraline » dont parle Friedrich Nietzsche -, si fréquent à ou concernant l’hôpital et cette référence à l’hospitalité qui devrait consister en « hospitalité absolue » (7), une hospitalité de résistance, de résilience ou de promotion. En somme, il convient de prendre sur cette « ligne de faille » (Nancy Houston, 2011) de nos démocraties un parti pris plus politique, référant à des manières d’agir et de partager (les espaces, les rôles, les fonctions) qui coordonneraient des actions et des espaces, et susceptibles d’affirmer le refus d’un monde global désastreux sur ce plan.
Des espaces d’émancipation ?
Forts de cette perspective, nous comprenons bien, en effet, que parler d’hospitalité sérieusement implique une mise en question des attitudes fermées, des identifications impénétrables et de l’avare hospitalité induite, ainsi que les décrit Shakespeare (Roi Lear, Acte III, sc. 2 et Acte V, sc. II, 1607). Autant parler a minima d’une émancipation – du moins au sens des Lumières (8) – à l’égard des préjugés, puisqu’il n’est d’impératif d’hospitalité que par fait de conflits : « je suis son hôte en outre, et je devrais fermer la porte à l’assassinat, non le frapper moi-même » (Macbeth, Acte 1, scène 7).
Cela ne va pas, cependant, sans une interrogation à l’endroit de la théorie de l’architecture. La question implique, en effet, que l’on ne se déplace pas tant que cela des architectures commandées par les valeurs du beau (architectures classiques) et de l’utile (architectures médicales) vers une architecture absente de tels impératifs, insistant en quelque sorte sur la « finalité sans fin » (9) de l’œuvre d’architecture. Et que l’on accepte de maintenir la subordination de l’architecture à une finalité externe, ici l’hospitalité. Ainsi donc, il serait possible de vouer l’hôpital, en totalité ou partiellement, par un espace dédié par exemple, à la perspective de l’hospitalité, conçue comme principe laïque et manière d’être commune dans un ou des espaces.
Peut-on en ce sens définir des espaces et/ou des lieux ainsi émancipateurs par rapport à tel ou tel comportement d’hostilité à l’égard de l’étrange et de l’étranger, dont l’hôpital serait un modèle ? Cela revient évidemment à chercher à statuer sur des espaces mentaux et sociaux et sur des lieux – en jouant sur la polysémie de la notion d’espace -, qui permettraient d’échapper aux contraintes, aux présupposés sociaux, aux codes culturels réputés « naturels », aux corps identitaires et à la « bulle » spatiale d’enfermement (10), si une telle expérience existe ? Ils devraient être des « espaces » qui proclameraient la possibilité d’une communauté d’égaux, de collectifs de vie momentanés solidaires, en mettant en question le partage des espaces confinant chacun à sa place et à une identité close sur soi.
Néanmoins, la difficulté est alors triple :
La première difficulté renvoie au fait que l’hôpital a pour principe le passage, et non la situation. On ne s’y attarde nulle part, on passe quoique sans flâner, car ce ne sont pas des passages à la manière de Walter Benjamin et il convient de tenir compte des portes et des seuils, en référence à Georg Simmel, Benjamin et Gaston Bachelard.
La seconde difficulté tient au fait que l’hôpital est, en France, mais certainement aussi à l’étranger, ce qui, dans le genre « architecture publique » (11) a été souvent critiqué et, dans les faits, remanié. Mais pourquoi donc n’a-t-on jamais pensé à mettre en jeu ou en scène cette perspective de l’hospitalité, sinon en la confondant avec l’accueil et la bienveillance, pensés autant en termes de formation morale qu’en termes de lieux dédiés ? S’agirait-il d’un obstacle ? Politique ?
La troisième difficulté est encore plus conséquente : comment concrétiser des modes d’interactions humaines en forme d’espaces de réseaux (pour exclure hiérarchie et enfermement) dans et par des lieux ? Est-ce possible sans aboutir à un enfermement administré ? Car, entre le lieu que l’on quitte et celui dans lequel on tente d’entrer, il y a parfois une frontière : barrages grillagés, murs de centaines de km, tunnels. On ne peut éviter en ce sens de poser le problème des murs, tant sur le plan physique que métaphorique (le mur de l’identité inhospitalière, surtout lorsqu’il y a un panneau sur le mur : « Entrée interdite », comme le remarque, à d’autres égards, Orhan Pamuk, dans D’autres couleurs (Paris, Gallimard, 2006, p. 244)). Le mur (mental, culturel, physique) fixe l’étreinte du lieu en forme mortifère : habituellement, ce avec quoi on est contraint de composer, il encadre, il totalise et ferme, disait déjà Franz Kafka. Que serait donc un mur qui ouvrirait les lieux et les esprits ? Une hétérotopie avant d’être une utopie ?
De surcroît, il ne semble pas possible de déployer de tels problèmes sans faire droit à celui de l’insertion de l’institution au cœur de la cité (réseaux et lieux), de telle sorte qu’on puisse définir des espaces émancipateurs (par rapport à tel ou tel comportement d’hostilité à l’égard de l’étranger) à rayonnement global.
En un mot, des espaces d’émancipation à destination de l’hospitalité ne seraient probablement pas des espaces et des lieux qui échapperaient aux contraintes, aux présupposés sociaux, aux codes culturels, mais des espaces et des lieux qui proclameraient la possibilité d’une communauté d’égaux, de collectifs de vie momentanés solidaires, en mettant en question le partage des espaces assignant chacun à sa place et à une identité.
Un lieu de croisement dans une institution fonctionnelle ?
Afin d’éviter les confusions, il convient de préciser encore que de tels espaces/lieux d’hospitalité mais aussi de solidarité, ainsi mieux définis, ne doivent pas être confondus avec des lieux d’accueil, de bienveillance et de philanthropie. Chacun de ces lieux est déjà défini et identifiable : par panneaux (« Accueil » et personnel d’information), par localisation (lieux des associations d’aide qui s’attellent à un sort qui est digne de compassion (12)), par signes... Ils remplissent d’avance un rôle dans une structure hospitalière – souvent surchargée et qui exploite à cette occasion le moindre recoin - qui prend mieux en compte les débords sociaux de sa fonction centrale (la médecine). Les premiers orientent les patients dans les dédales architecturaux, les deuxièmes mettent leurs moyens à la disposition des patients, les troisièmes apportent leur soutien en cas de drames et déboires. Mais ni l’accueil, ni la bienveillance ne sont la solidarité ou l’hospitalité. Ces lieux sont largement cantonnés et emmurés et n’offrent aucune garantie de paix contre la menace permanente des hostilités relevant de l’(in)hospitalité.
En ce point, la différence entre les lieux emmurés et l’espace/lieu hospitalier, tel que nous venons d’en établir le principe, éclate. Ces lieux bien définis et fonctionnels sont encore enclos dans une marée de murs physiques (13) et psychologiques, même si la bonne volonté surmonte les difficultés premières.
Des architectes sont prêts cependant à s’attaquer à la question de faire tomber les murs afin de donner lieu à un autre esprit. Massimiliano Fuksas, dans Chaos Sublime (Paris, Arléa, 2017, p. 58), a raison de souligner qu’il est toujours nécessaire de faire tomber les murs. Le mur de protection, le mur fermé sur lui-même (le mur de Trump ! de récente mémoire), qui est aussi détruit : Berlin, etc.
Le recours aux philosophes et écrivains - Paul Nizan, d’après Sartre, dans la préface à Aden Arabie, voulait supprimer tous les murs, mais on peut encore une fois renvoyer à Franz Kafka, Les armes de la ville, La muraille de Chine, voire à José-Luis Borgès... – offre aussi des points d’appui à quelques perspectives différentes. Un espace de l’hospitalité, avant d’être un lieu, serait un site commun à tous, un universel concret qui supposerait possible n’importe quel échange entre les humains, sans être un marché pour autant (Karl Marx). Ce serait un espace de langage et de parole réveillant en la parole sa vertu de faire sauter les murs.
Mais comment approcher la consistance d’un tel lieu ? Faut-il le faire reposer (le fonder ?) sur une expérience commune de l’existence ? Une sorte de terre natale ? À la manière de ce que propose par exemple, Hannah Arendt en suivant le propos de Immanuel Kant : la certitude de chacun d’être du même monde, encore ajoute-t-elle, du fait de voir la même chose. À la manière de Jürgen Habermas : la visée commune d’un consensus de vérité. Mais limite de ces propos éclate. Ils prennent le risque de fonder l’affaire sur l’idée d’une vérité qui serait posée, voire comme l’affirme Maurice Merleau-Ponty, une sorte de trésor épars dans toutes les existences humaines et partageable. On reste pris dans la métaphysique.
N’en va-t-il pas de même pour les théories du don et du contre-don ?
On focalise alors la conception d’un tel espace de l’hospitalité sur un rapport simple à une émancipation conçue à la manière des Lumières. Et désormais en profil des droits culturels... !
Ne vaut-il pas mieux concevoir un espace de l’hospitalité qui serait d’abord un espace mental accompagnant ces droits : par rapport à tel ou tel comportement d’hostilité à l’égard de l’étranger (Macbeth encore), figure que l’on pourrait de surcroît amplifier en pensant au fait que administration de l’hôpital, pôle médical et hébergement sont déjà souvent étrangers les uns aux autres ? Il serait ensuite un espace social : celui de la complexité et non de l’uniforme. Enfin, un lieu conçu sans architecte démiurge...
Il faudrait alors travailler à partir de l’idée de vide et d’une expérience nouvelle. Idée qui conjoindrait mieux l’espace et le temps, le passage et l’éphémère, mais aussi cette question des droits culturels... puisque le problème de l’hospitalité est celui du maintenant, lorsque cela se croise...
Un espace et un lieu paradoxal ?
Autant relever encore un autre paramètre. L’hôpital n’est pas/plus un lieu sacré ou du sacré (hiérarchie médicale). Il devrait permettre d’approfondir sans cesse le principe de l’hospitalité et des droits culturels afférants. Sachant que la réalisation de l’hospitalité dépend d’une condition négative : le renoncement aux hostilités (hospitalité et hostilité, comme hôte, relevant de la même étymologie). Et d’une condition positive : l’élaboration d’une garantie de paix entre les hôtes. Comment construire cette garantie, pour la faire fonctionner dans des espaces devenant par là des espaces en archipels.... ?
L’hospitalité ramenée à une commande sociale (et non plus à un impératif destinal ou à un commandement). Comment construire cette garantie ?
Du point de vue du droit : Ce serait comme un droit paradoxal : « le droit d’un étranger de ne pas être traité d’une façon hostile par celui dont il foule le sol » (Kant). Paradoxal parce que qu’il ne serait pas contracté avec quelqu’un, il ne relèverait pas d’un contrat dont pourrait se réclamer un étranger. Ce serait un droit qui ne répondrait qu’à une raison juridique, et définirait un droit de visite dans l’espace de l’autre sur une terre commune. , « qui appartient à tous les humains, de s’offrir comme membre de la société en vertu du droit de la propriété commune de la surface de la terre ». Ce droit comprendrait, selon Kant, quatre articles : le droit de visite par possession commune de la terre – encore désormais avons-nous un problème avec l’espace interstellaire ; le droit d’occuper un espace de protection chez l’autre ; le droit de refouler quelqu’un si cela ne provoque pas sa perte ; le droit de traiter un étranger comme un ennemi s’il ne se conduit pas pacifiquement. Voilà un premier lien de l’hospitalité à l’espace à approfondir. Kant, en effet, la relie à l’espace-monde, ouvrant aussi droit à une réflexion écologique (ressaisie par Hans Jonas, autour du thème d’une terre non-hospitalitère, d’un monde en train de sombrer sous nos yeux).
Un droit cosmopolitique est un droit paradoxal (un droit privé international). Il répond à une exigence de la raison pratique, mais il n’est pas juridique (il ne résulte pas d’un contrat avec le recevant, puisque par définition il n’est pas encore, l’étranger ne peut s’en réclamer). L’hospitalité constitue un tel droit. D’abord elle n’est pas l’accueil simple, la philanthropie ou la bienveillance, donc une morale. Elle est bien un droit. Le droit d’un étranger de na pas être traité d’une façon hostile par celui dont il foule le sol ; faire de l’autre un hôte de la maisonnée.
Dès lors, du point de vue de l’hôpital et des espaces et des lieux : Ce droit se traduit par un droit de visite qui appartient à tous les humains (ce n’est pas un droit d’installation). Mais il interdit le refoulement si cela provoque la perte de la personne en question. Et il interdit de traiter quelqu’un comme un ennemi s’il se conduit pacifiquement.
Ce droit se fonde sur le « droit de la propriété commune de la surface de la terre » : « Celle-ci étant sphérique, les hommes ne peuvent pas s’y disperser à l’infini, mais ils doivent finalement supporter la promiscuité, personne n’ayant originellement plus de droit qu’un autre à être à un endroit donné de la terre ». C’est un droit à la surface de la terre commun au genre humain en vue d’un commerce possible... (non marchand). Ce « droit d’hospitalité, c’est-à-dire le droit de nouveaux arrivants » doit s’imposer aux droits des premiers occupants et s’opposer aux comportements inhospitalier des États policés de notre continent : conquête et colonisation.
Conclusion : Une hétérotopie
Unique, alors, ce lieu ne pourra être neutre, passif. Il sera silencieusement actif, vivant, en tension. Il participera à la construction d’un autre monde, engendrant des réactions par rencontres. Ce lieu, en tant que milieu, renverra à l’ensemble des conditions qui fabriquent les différents humains. Site, espace, étendue, environnement, et contexte, tout à la fois, il sera aussi ambiance, atmosphère, climat, palpitation, odeurs, sons, sensations, écho des regards portés sur le monde. Unique, donc, il sera pourtant multiple et divers.
Accordons ce qui doit l’être : comme le respect et la solidarité (14), l’hospitalité – malgré ce qu’en disent les imprécateurs – est très répandue, quoique variable selon les tempéraments, les époques et les sociétés, et toujours constatable à des degrés divers. Mais la généralité ne fonde jamais une légitimité, et les limites des pratiques de l’hospitalité deviennent bientôt une distinction (un partage). La déception arrive alors, nous voilà parfois désemparés devant tel ou tel geste ou devant des refus caractérisés. Alors, on réclame la codification de l’hospitalité. On voit ainsi la place du scandale dans l’appel à légiférer sur elle. On voit aussi le rôle de la crainte, qui est assurément l’un des ressorts de cette demande. Mais c’est exiger de figer l’hospitalité, et lui conférer un support de violence s’il faut exiger que tout le monde soit hospitalier au même titre et dans les mêmes formes.
Pensons donc plutôt un double espace mental/lieu dédié qui assumerait ce paradoxe de ne pouvoir jamais se réaliser sauf quand la rencontre s’opère. Une hétérotopie. Une véritable émancipation, pas uniquement conçue selon les canons des Lumières.
Notes
(1) Étienne Balibar parle des lois supérieures de l’humanité : Droit de cité, Culture et politique en démocratie, La Tour d’Aigues, L’Aube, 1998, p. 18sq.
(2) Dans la traduction en grec de la Bible (Genèse, 18, 1-8), Abraham reçoit trois inconnus (xénos) auxquels il offre de l’eau pour se laver les pieds, du pain, etc. Il appelle cela « hospitalité » et en fait une leçon morale. Mais il faut encore préciser qu’en grec, celui-là est xénos, étranger et hôte, et ne doit pas être confondu avec le « métèque », l’étranger résident (attention à la connotation actuelle, péjorative, du terme !) et le « barbare ». Il est alors sacré et les citoyens ont des devoirs envers lui (Platon, Lois, 729 e ; Hérodote, Les Histoires/Enquêtes). En cas de problème, il doit s'adresser au « proxène » citoyen protecteur des citoyens d'une autre cité. En latin, hospes, c’est l’hôte, celui qui reçoit l’étranger, d’où dérivent hôpital, hôtel. Et hostis désigne l’hôte, l’étranger auquel on doit l’hospitalité. Etc.
(3) Cf. le texte de Martin Hisrch, directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Août 2017, affiché dans les hôpitaux publics.
(4) Néanmoins, Denis Diderot est plus circonspect, à l’époque de l’élaboration classique de la notion, à son égard. Cf. Diderot, « Hôpital », Encyclopédie, Extraits, Paris, Gallimard, Folio Classique, 2015 p. 276. Michel Foucault est non moins réticent à la confusion entre hospice et hôpital.
(5) Cf. Catherine Grout, Christian Ruby, Arnaud Théval, - La condition posthospitalière, Repenser l’hôpital public-privé sous la condition de la culture, Lille, 2009 (accessible sur Internet), commande de Hi-Culture.
(6) Michel Foucault, Surveiller et punir, Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975.
(7) Dufourmantelle Anne, De l’hospitalité, Anne Dufourmantelle invite Jacques Derrida à répondre, Paris, Calmann-Lévy, 1997, p. 29.
(8) Car il faudrait aussi évoquer une autre approche, celle d’espaces émancipateurs au sens où ce terme prend sens chez les Zadistes ou dans les réseaux du numérique.
(9) Au sens de Immanuel Kant, Critique de la faculté de juger, 1790, trad. A. Renaut, Paris, GF, 2000.
(10) Edward Hall, La dimension cachée, Paris, Seuil, 1966.
(11) Pourquoi Thomas Bernhardt écrit-il que les musées sont les derniers lieux publics hospitaliers, cf. Maîtres anciens, 1960 ?
(12) Cf. La « bienveillance affective » de Jeremy Bentham ou le propos de Myriam Revault-d’Allonnes, L’homme compassionnel, Paris, Seuil, coll. Débats, 2008.
(13) Cf. Leon Battista Alberti, L’art d’édifier, 1485, Traduit du latin, présenté et annoté par Pierre Caye et François Choay, Paris, Seuil, Source du savoir, 2004 : p. 58 : Livre 1 (Linéaments), chapitre 2 « Nous appelons « mur » toute construction qui s’élèvera depuis le sol pour porter la charge des toits ou qui sera montée pour enclore les espaces intérieurs de l’édifice ».
(14) Cf. Christian Ruby, Dignité, Bruxelles, Luc Pire, 2002 ; et La solidarité, Essai sur une autre culture politique dans un monde postmoderne, Paris, Ellipses, 1997.