Discours de la ministre (française) de la Culture, le 11 – 10 – 2017
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« Le Président de la République a fait de la refondation de l’Europe une priorité de son mandat, une responsabilité pour la France, le devoir de notre génération.
La culture est au cœur de cette refondation. Ciment de l’Europe, elle doit être son premier moteur aujourd’hui. Emmanuel Macron l’a dit à Athènes, réaffirmé à la Sorbonne. Le Premier ministre partage cette détermination et porte cette ambition d’action.
C’est par la culture que l’Europe est née, c’est donc par la culture qu’elle doit être refondée. Si l’Europe des institutions a pu sortir de terre, au siècle dernier, c’est parce qu’une communauté d’esprit, de valeurs, de volontés, de lettres, de langues, de mémoires lui donnait sens. C’est avec cette âme qu’il nous faut renouer. Ce sont les citoyens, avant les institutions, qui pourront porter l’Europe. Nous réveillerons en chacun la conscience européenne qui sommeille. Nous raviverons cette Europe de la culture, pour refonder l’Europe par la culture.
C’est le sens des initiatives que je présenterai aujourd’hui à mes homologues européens, en marge de la Foire du Livre de Francfort dont la France est l’invitée d’honneur. C’est un rendez-vous majeur pour nos auteurs, nos éditeurs. C’est aussi un moment fort pour l’amitié franco-allemande et une occasion de réaffirmer notre engagement commun pour l’Europe.
J’ai décidé d’organiser, dans ce cadre, une rencontre informelle avec plusieurs de mes homologues. Je leur présente aujourd’hui une série de propositions, destinées à nourrir trois principes fondateurs de l’Europe : la protection, la liberté, la solidarité.
La protection, pour favoriser la création. L’Europe de la culture, ce sont d’abord les créateurs et les artistes qui la font vivre. Nous devons assurer la protection de leur modèle de rémunération, bousculé par le numérique. Une directive décisive est en cours de négociation sur le droit d’auteur, un droit qui est né en France et que nous défendrons avec vigueur. Je proposerai à mes homologues la signature d’une déclaration commune d’engagements sur ces sujets dans les semaines à venir. Je présenterai par ailleurs les ambitions de la France en matière de lutte contre le piratage, pour en faire un sujet prioritaire en Europe – j’irai à Bruxelles et à Strasbourg plusieurs fois, d’ici la fin de l’année, pour en discuter avec les commissaires et les parlementaires européens. Parallèlement, je mobiliserai mes homologues autour de la protection du patrimoine, y compris pour lutter contre le trafic illicite de biens culturels. Dans le cadre de l’Année européenne du patrimoine, en 2018, je proposerai un travail de mise en valeur des sites emblématiques de notre histoire commune, qui permette de valoriser et de dynamiser nos territoires. Je mobiliserai également mes homologues dans la perspective des Assises européennes du patrimoine que le Président a appelées de ses vœux.
L'Europe, c’est ensuite la liberté. Pour raviver l’Europe de la culture, nous devons faciliter la circulation des citoyens, des artistes, des professionnels et des œuvres d’un pays à l’autre, autour des lieux culturels. Cette idée porte un nom : l’Erasmus de la culture. Pour commencer à lui donner corps, je proposerai à mes homologues de lancer une expérimentation dès l’an prochain, autour des métiers du patrimoine : des jumelages entre musées pourraient faciliter la mobilité des conservateurs, par exemple. Renforcer la circulation des citoyens, et en particulier de la jeunesse, c’est aussi l’idée du Pass culture européen, que j’ai déjà pu évoquer avec mes homologues italien et espagnol. Dès l’an prochain, la France commencera à mettre en œuvre le Pass culture au niveau national. Je proposerai que nous puissions amorcer en parallèle, dès 2018, une réflexion au niveau européen.
L’Europe, c’est enfin la solidarité. Pour nourrir l’Europe de la culture, je proposerai de renforcer notre politique commune de soutien à la traduction, l’un des premiers supports de la devise de l'Union européenne : « unie dans la diversité ». Je proposerai de mobiliser davantage et mieux les fonds européens en la matière, ainsi que d’inclure la mobilité des traducteurs, dans le cadre de l’Erasmus de la culture. Enfin, je ferai part à mes homologues de ma volonté de soutenir en France les initiatives culturelles nombreuses à destination des réfugiés – cours de langue, activités artistiques, sorties culturelles. Chacun des ministres européens mobilisés sur ce terrain saura qu’il peut compter sur ma solidarité.
Ces initiatives sont les premières d’une longue série. L’Histoire nous enseigne que c’est souvent par petits pas que l’Europe réalise ses plus fermes avancées.
Nous avons aujourd’hui deux choix : « faire l’Europe », comme y appelait Julien Benda, ou la laisser se défaire. Pour nos concitoyens, pour les générations à venir, je choisis de faire l’Europe. Par la culture. »