The
language of the politicians who should be representing us can no longer grasp
the reality (something I already lived through in the GDR). Their language is
one of self-assurance that no longer receives any checks and balances from
across the negotiating table. Politics has degenerated into a mere vehicle, a
bellows for rekindling the fires of growth. The Citizen has been cut down to
the status of Consumer. Growth in itself means nothing. Society’s ideal would
be the playboy who consumes as much as possible as fast as possible. And what
would cause a tremendous spurt in growth? A war. Every day one hears that
governments must “win back the confidence of the markets." By ‘markets’ it
is primarily the stock exchanges and financial markets that are meant: that is,
those speculators who, in pursuit of their own interests or the interests of
others, are raking in as much profit as they can. Are they not those who have
relieved the public sphere of unimaginable billions? They are the ones whose “confidence”
our top elected officials should be struggling to win back. We are right to be
outraged by Vladimir Putin's concept of "guided democracy". But when
Angela Merkel spoke of "market-based democracy”, why did she not have to
beat a retreat? (Ingo
Schulze)
Quelle est l’hypothèse fondamentale qui
gouverne l’Idée d’Europe ? Au fond, au-delà des discours sur la paix qui
ont présidé à sa constitution première, et en refusant la pure et simple hypothèse
libérale et marchande, ce ne peut être autre chose que l’hypothèse d’une
humanité générique. Mais pour que ce dessein se réalise, il y faut deux
conditions.
La première est
que chacun des pays concernés (nous ne limitions pas l’Europe à une géographie
ou à une référence culturelle unique) accepte d’opérer un travail sur soi, lui
permettant de cerner une histoire relative interne et externe (relative aux
autres). C’est là une vieille question que chaque nation formant l’Europe
actuelle se pose différemment. Mais qu’il faut relancer encore autrement. Les
uns, et pour des raisons historiques évidentes, les Allemands, font de cette
question une interrogation permanente (Fichte, Hegel, Nietzsche, …). On connaît
la réponse de Thomas Mann, après la guerre, l’Allemagne doit être purement et
simplement éliminée. Elle doit disparaître dans une autre entité. Les autres,
par exemple, les Français ne se la posent jamais. Les Français ne s’interrogent
jamais sur la France, ils savent toujours déjà ce qu’elle est (la France est
toujours la France !). D’autres encore ne souhaitent pas entendre parler
de cette question. D’autres, enfin, ont des réponses immédiates : le passé
leur servant de justification.
La seconde
condition est que les européens, ceux qui adhèrent à un tel projet ne se rêvent
plus en forme d’unité, homogénéité, identité. Dissoudre les vieilles
constructions dans l’Europe, ne peut consister à reconstituer la même
perspective à l’échelle supérieure. Si Europe il doit y avoir elle ne peut se
soumettre au destin de l’idée de nation. Europe n’a de signification qu’à
partir d’une configuration de la politique qui ouvre sur la pluralité, la
diversité, l’altérité assumée.
En un mot, ces
conditions culturelles sont loin d’être conquises.
Les appels se
multiplient pourtant.
Une voix
irlandaise répond : « L’Union européenne est comme un rêve étrange
que nous avons fait : il s’agissait de façonner et de ciseler un ensemble
de valeurs politiques pour l’insérer dans un système complexe qui devait placer
les valeurs humaines, la richesse culturelle et l’idée d’égalité au centre même
de nos préoccupations ». Mais c’est pour constater aussitôt : « A présent,
sous la pression d’une crise financière, les pays n’ont plus qu’une seule
certitude, que leurs propres frontières et leurs propres intérêts comptent
davantage que le bien collectif ». En un mot, les idées sont restées
verrouillées sur les identités. Et il conclut : « Il importe
maintenant, à la périphérie de l’Europe où je vis, de recommencer à employer le
langage de l’idéalisme politique et culturel » (Colm Tóibín,
journaliste et romancier irlandais, in Libération (Paris), le 24 juillet 2012).
In other words : Many events
got us thinking about tribes. Are Europeans made up of many national and
linguistic tribes? Or have they merged into a continental megatribe? Even
though in countries like Spain and Ireland, where Europe has…really helped
people in their lives, nobody loves Europe, said Tóibín. Europe has failed to make Europeans feel
European. To try to impose a European identity on people because it may be good
policy or because it encourages peace doesn’t actually work for people, said Tóibín.
Une
voix allemande insiste : « A l’automne de l’année dernières, la
chancellière allemande a créé un concept tellement inouï qu’il eut un effet
proprement libérateur. Angela Merkel a combiné l’épithète « conforme au
marché » avec le mot « démocratie ». Outre l’analogie frappante
avec la « démocratie dirigée » chère à Vladimir Poutine, ce concept
de « démocratie conforme au marché » dit clairement où nous en
sommes. Qui fait la loi, c’est soudain clair. Inutile de recourir à l’étymologie
pour voir qu’une démocratie conforme au marché n’est plus une démocratie »
(Ingo Schulze, écrivain allemand, Libération, le 26 juillet 2012).
Von einem Angriff auf die Demokratie zu sprechen, ist
euphemistisch. Eine Situation, in der es der Minderheit einer Minderheit
gestattet wird, es also legal ist, das Gemeinwohl der eigenen Bereicherung
wegen schwer zu schädigen, ist postdemokratisch. Schuld ist das Gemeinwesen
selbst, weil es sich nicht gegen seine Ausplünderung schützt, weil es nicht in
der Lage ist, Vertreter zu wählen, die seine Interessen wahrnehmen. Jeden
Tag ist zu hören, die Regierungen müssten “die Märkte beruhigen” und “das
Vertrauen der Märkte wiedergewinnen”. Mit Märkten sind vor allem die Börsen und
Finanzmärkte gemeint, damit also jene Akteure, die im eigenen Interesse oder im
Auftrag anderer spekulieren, um möglichst viel Gewinn zu machen. Sind das nicht
jene, die das Gemeinwesen um unvorstellbare Milliarden erleichtert haben? Um
deren Vertrauen sollen unsere obersten Volksvertreter ringen? Wir empören
uns zu Recht über Wladimir Putins Begriff der “gelenkten Demokratie”. Warum
musste Angela Merkel nicht zurücktreten, als sie von “marktkonformer Demokratie”
sprach? (Ingo Schulze)