20130103

L'Occident Vu Par Corm



Christian Ruby

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Für die einen ist sie ein wichtiges Symbol fur Freiheit ; für die anderen eine zunehmende Gefahr für die Welt. Es handelt hier von Abendland. Man hat aber kein Recht, etwas zu lieben oder zu hassen, wenn man sich nicht eine gründliche Erkenntnis  seines Wesens verschafft hat. Das widerholt Georges Corm an einer Stelle des : L’Europe et le mythe de l’Occident, La construction d’une histoire (Frankreich, Paris, La Découverte, 2012). Ein solches Unternehmen ergibt gesicherten Resultaten : der charakter des Abendlands zeige noch manche Widersprüche : Droits de l’homme und eine massgebende Stellung. Die Idee zu diesem Buch ist nicht neu. Genauer gesagt 200 Jahre alt. Doch der Schiftsteller ist in seinem Buch nicht nur Geschichtenererzähler, sondern auch Zeitkritiker und Polemiker.

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Quitte à susciter des réactions hostiles, l’ouvrage de Georges Corm, L’Europe et le mythe de l’Occident, La construction d’une histoire (Paris, La Découverte-Poche, 2009-2012), entreprend la déconstruction de l’imaginaire mythologique qui a forgé l’idée d’Occident et son corollaire, son regard dépréciatif sur l’Orient.

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Bati kavrami oncelikle Latin dunyasindan gelen cografi veya astrolojik bir kavram. Gunesin batigi yer o gunesi cagrisitiranin bulundugu yere gore degisir.  Bu bi yer degistrme meselesidir. Ancak bu kavram asilamaz bir engel, belirli hisslerin kavsagi, humanist umutlar tasiyan bir slogan. Bu simya Avrupa'da gerceklesti. Nasil ve neden ? Bu kitap bu sorulara cevaplar formule etmeye hedefliyor. Bu terimin kullaniminin zamanla yogunlasmasina aciklik getiriyor.  Bu terim 19'uncu yuzyilda duygusal polarizor olarak degisik zihinsel evrenlerde kullanildi. Avrupa'daki vizyonlar ve algilari ajite eden bir kavram oldu. Bati kavrami celiskilerin tarihi vizyon ve dunya politikalarin uyandigi celiskiler doneminde genelesti.

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About the book by G. Corm:
The notion of The West is first and foremost geographic or astrological stemming from the Latin World.  The place where the Sun sets could even change according to the situation of the person referring to it, in function of movement.  But this notion has become the sign of an impassable barrier, the crossroads of specific sentiments, a slogan for humanist hopes.  This alchemy occurred in Europe.  How and why? These are the questions that this book attempts to answer.  It highlights the ever-increasing usage of this notion.  In the 19th century, the notion served to polarize the emotions of the various mentalities, world visions and perceptions that animate Europe.  The concept of the West is further generalized when the contradictions between historic and political views of the world clash.

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Face sombre et face lumineuse dans l’histoire de l’Occident. 

            La notion d’Occident est d’abord une notion géographique ou astrologique issue du monde latin. Le lieu où le soleil se couche pouvait d’ailleurs changer en fonction de la situation de celui qui l’évoquait, question de déplacement. Mais cette notion est devenue le signe d’une barrière infranchissable, le carrefour de sentiments particuliers, un slogan porteur d’espoirs humanistes. Et c’est en Europe que cette alchimie s’est produite. Comment et pourquoi ? telles sont les questions auxquelles cet ouvrage tente de répondre. Le concept d’Occident, à partir d’une construction spécifique, a pris un tel poids qu’il peut être pris pour un concept mythique, englobant et globalisant. Encore une fois, pourquoi ? Et pourquoi pouvons-nous lui attribuer la mise en place d’un univers mental ouvrant la porte aux violences extrêmes que s’infligèrent les peuples européens par deux fois au XX° siècle ? Enfin, comment pouvons-nous le relier aux systèmes philosophiques qui ont exercé longtemps une forte influence sur le langage, les programmes et objectifs des partis politiques, ainsi que sur toute la production culturelle ?
            Dans un premier temps, l’auteur souligne qu’il a été tenté d’entreprendre une histoire de l’émergence du concept d’Occident, de ses usages philosophiques, historiques, sociologiques. Il pensait devoir expliquer comment une notion géographique simple avait pu devenir une notion polysémique et conflictuelle. Dans le même temps, il était nécessaire d’expliquer aussi comment s’est renforcé, ces deux derniers siècles, un usage quasi obsessionnel de ce concept, à partir notamment de vagabondages de l’imaginaire historique et géographique. Mais il a renoncé à cette recherche pour lui en substituer une autre : expliciter les modalités d’usage de plus en plus intensif de cette notion. C’est en effet au XIX° siècle qu’elle a servi de polarisateur émotionnel dans les différents univers mentaux, visions et perceptions du monde qui agitent l’Europe. Le concept d’Occident se généralise même à partir du moment où les contradictions s’aiguisent entre visions historiques et politiques du monde.
            Avant de pénétrer plus intimement dans l’analyse de la genèse de la mythologie de l’Occident, conçue comme une doctrine identitaire massive et totalisante, on se souviendra que l’auteur avait déjà étudié les notions d’Orient et d’Occident, dans un autre ouvrage, en en faisant des « méga-identités », des formes particulières de ce que Marc Crépon appelle avec bonheur les « géographies de l’esprit ». Dans ce nouvel ouvrage, devenu pour nous une réédition, il va plus loin. Il examine d’abord la composante mythique de la notion d’Occident, les modes et les techniques de son élaboration, son fonctionnement et les fonctions qu’elle remplit dans les différents domaines où elle est utilisée (politique, littérature, musique, histoire, ...).
            Dans tous les cas, l’usage de la notion d’Occident, accompagné de celui d’un regard dépréciatif sur l’Orient – à propos duquel Corm eut pu citer quelques-uns des plus célèbres renversements de regards, toujours « occidentaux » (de Friedrich Nietzsche par exemple à François Jullien) -, correspond à une stylisation et une idéalisation de l’histoire du continent européen. Il vise à gommer la diversité des situations en Europe, à évacuer les conflits internes et à construire plutôt une opposition – bloc à bloc - avec le reste du monde. Ce concept croit pouvoir référer à une unité transcendante, un « esprit » européen, une « civilisation » européenne, dit-on parfois, unique et spécifique, dont on précise qu’elle occupe une place centrale dans l’histoire du monde.
            Cet usage – focalisé sur une Europe unie et homogène - ne peut cependant masquer complètement « la variété des contacts entretenus avec les autres peuples du monde, avec toute la variété de peuples, de mœurs, de sciences, de techniques et de niveaux de civilisation hors d’Europe ». Qu’il s’agisse de la période grecque, du moyen-âge ou de la Renaissance, les rapports avec les autres peuples ont existé et réfutent l’image d’une Europe repliée sur elle-même.
            Mais ce n’est pas la vérité que veut produire ce mythe. Il veut renforcer les séparations. Evidemment, au cœur de toutes les questions soulevées, celle de l’Islam et du statut à lui conférer passe rapidement au premier plan, d’autant que de nombreux ouvrages (y compris récemment : Samuel P. Huntington, Bernard Lewis) s’en prennent avec virulence au monde islamique, en lui accolant l’idée d’un échec civilisationnel.
            D’autres questions prennent place dans cet ouvrage, sur lesquelles nous allons revenir, mais elles convergent toutes vers l’idée suivante : peut-on imaginer un formidable potentiel de renouveau de la culture et de la pensée en Europe, si les canons du discours occidentaliste sont abandonnés ? L’auteur de l’ouvrage, comme d’ailleurs l’auteur de ces lignes, aurait tendance à répondre favorablement à une telle interrogation.
            Nul ne nie cependant que « du fait de son expansion mondiale, l’effervescence de l’Europe, son désir de penser l’universel, ses différents modèles politiques, ... » la rendent incontournable pour comprendre ce qui s’est passé dans le monde. Depuis plusieurs siècles, son histoire explique aussi celle d’autres continents. L’auteur va même plus loin : « Rien dans le monde qui n’ai été affecté par l’Europe et, surtout, par les façons différentes dont les Européens ont raconté l’histoire du monde » et se sont racontés eux-mêmes, au moins pour (auto-)expliquer leur génie, leurs réussites, leurs échecs, « en bref ce qu’ils considèrent comme leur destin exceptionnel dans l’histoire universelle ». Encore faut-il insister sur la part d’ombre que beaucoup laissent de côté : génocide, esclavage, exploitation, oppression coloniale, déchainement des passions nationalistes, ... « Il est d’ailleurs remarquable de constater le parallélisme entre les violences que les Européens se sont infligées entre eux et celles qu’ils ont exercées sur les autres peuples » (à moins que ce ne soit plus qu’un parallélisme, une succession de « coups d’essai »). Et l’auteur de préciser : « On a donc du mal à concilier ces violences et cruautés avec les clichés de l’Europe ou de l’Occident comme lieu privilégié de l’émergence du règne de la raison et de l’humanisme universel ».
            Au banc des accusés, d’abord, GWF. Hegel et Max Weber. « Ce sont probablement les philosophes et sociologues allemands, Hegel et Weber en tête (ce dernier repris par l’anthropologue Louis Dumont), qui auront le plus contribué à forger la conscience d’une destinée « occidentale » commune aux peuples européens ». A eux, sur lesquels l’auteur revient plusieurs fois, s’ajoutent, montre-t-il avec pertinence, le romantisme et le mysticisme allemands. Il faudrait sans doute prendre plus de précautions pour énoncer tout cela, en tout cas relever des paradoxes plus centraux, relatifs à la philosophie des Lumières, avant de risquer d’être trop unilatéral. Il n’empêche, il s’agit bien dans les textes de ces philosophes de la construction d’une supra-identité. Disons que « Occident » désigne une vision historico-philosophique d’un continuum territorial et historique (entièrement institués), une identité censée transcender toutes les différences entre peuples européens, malgré les guerres et déchirements religieux, nationalistes et idéologiques. « L’Occident devient ainsi une entité mythologique, un imaginaire exubérant, mais aussi une frontière redoutable de l’esprit, une machine à créer de l’altérité forte, voire radicale et infranchissable, entre les peuples, les nations, les cultures et les civilisations ».
            Au demeurant, cette notion d’Occident est si bien admise et installée depuis longtemps que toute critique, toute déconstruction de l’imaginaire mythologique qui l’a forgée suscite des réactions hostiles. Preuve en a été donnée lors des discussions portant sur les « racines » de l’Occident et de l’Europe, discussions au cours desquelles on a fini par entasser pêle-mêle, pour satisfaire tout le monde : la rationalité grecque, l’héritage de la loi romaine, le monothéisme, les tribus germaniques, les Lumières, ... afin de faire admettre par tous une génétique européenne unique et spécifique, remontant à l’aube des temps, malgré l’impossibilité technique de concilier toutes ces « sources ».
            Si l’on examine les textes de référence de près, on s’aperçoit, et l’auteur en poursuit la trace ligne à ligne, que l’invention du « génie de l’Occident » ne semble jamais devoir quoi que ce soit à d’autres cultures. Chacun veut démontrer que cette construction est purement endogène, quasi de nature essentialiste, qu’elle ne doit rien aux contacts ni avec l’Afrique, ni avec le monde Oriental musulman (Philippe Nemo, Sylvain Gougenheim, Jacques Ellul). Le rôle d’Ernest Renan dans cette affaire fût décisif. D’après l’auteur, Renan fut la source du premier déploiement flagrant de la notion. A partir de ce point focal, le mot « Occident » a entrepris une carrière fulgurante : « Mot magique, mot fétiche, mot totémique autour duquel se rassemblent les tribus européennes diverses ». Autour de lui s’organise un monde binaire : le bien et le mal, le croyant et l’hérétique, le civilisation et le barbare... qui trouvera son expression dans les textes et cours de François Guizot, par exemple, lorsqu’il construit son discours épique sur l’histoire de l’Europe identifiée à LA civilisation.
            C’est évidemment sur cette base que s’invente, inversement, l’Orient. L’Orient devient une nécessité incontournable dans le discours mythologique occidental. Sans Orient bien sûr pas d’Occident. Mais sans Orient, point de crispations et de peurs, de déploiement militaire et de défense du « monde libre ». Et Corm d’ajouter : « Peu importe la réalité et la consistance de l’Orient. L’essentiel est de le créer, lui aussi, dans l’imaginaire ». Et l’Orient de varier dans son contenu au fur et à mesure des problèmes affrontés : après avoir été slave ou jaune, il est devenu musulman. Les images qui se sont cristallisées dans l’imaginaire occidental condensent une série de clichés dont on pourrait faire une bande dessinée : femmes asservies, goût du terrorisme et du sang, absence de valeurs individuelles, fanatisme, haine de l’homme occidental, barbes repoussantes, sacrifices, dictateurs sanglants... On trouve évidemment de nombreux auteurs pour dénoncer cette fonction dépréciative de toute la littérature européenne sur l’Orient (Edward Saïd (http://www.lrdb.fr/articles.php?lng=fr&pg=2951), Lucette Valensi, Georges Corm, Jack Goody, ...).
            Moyennant quoi, il ne serait pas juste de ne pas signaler qu’existe aussi une critique occidentale du discours occidentaliste, à défaut de parler des rejets extérieurs de ce discours. Et l’auteur d’explorer ses modalités qui se diversifient en : discours de dénigrement, discours critique ou discours dépréciatif.
            Encore la critique la plus forte du mythe – entendu précisément comme discours anesthésiant tout esprit critique - vient-elle moins des discours que des pratiques mêmes de l’Occident. Dès lors que la barbarie se découvre intrinsèque à l’Europe et non plus extrinsèque (le primitif, le sauvage), le narcissisme de l’Occident devient intenable. C’est d’ailleurs dans un passage portant sur la musique en Europe que l’auteur approfondit cet aspect des choses. Il faut effectivement raisonner sur ce point : ou bien l’Occident est l’avant-garde de l’humanité, sa civilisation occupant le centre de l’aventure humaine et, dans ce cas, cette barbarie subite, après des siècles de progrès et de raffinement, ne peut que rester inexplicable et mystérieuse, échappant à la raison même que l’Occident prétend incarner. Ou bien cette barbarie a des racines dans l’histoire même de l’Europe, qui, de ce fait, n’est donc pas moins « sauvage » que tous ceux qu’elle a affublés de ce qualificatif dépréciatif.   
            Cela étant, pour avancer vers le terme du débat entrepris par Corm, ce mythe sera-t-il remplacé par un déplacement de notion, de l’Occident vers l’Europe ? Il est vrai, constate-t-il, que l’Europe désormais « bénéficie » du même type de promotion qui procède par généralisations massives, recherche de racines profondes, et mythe d’une unité. L’émergence des discours sur « l’âme de l’Europe », ou sur le trésor imprenable de son histoire, est typique à cet égard. Le métier d’idéologue a encore de l’avenir devant lui !, telle est la conclusion de Corm, suivant en cela l’historien Jean-Baptiste Duroselle (L’idée d’Europe dans l’histoire, Paris, Denoël, 1965).
            Tout ceci étant établi, Corm aurait pu tenter de confronter le mythe avec la réalité. L’opération aurait-elle été fructueuse ? C’est difficile à déterminer. Plus sûrement, l’auteur ne cesse de faire les remarques qui s’imposent devant les événements (mal) cités dans les textes de référence. C’est tout aussi efficace. Encore sa déconstruction ne s’en arrête-t-elle pas là. Elle ouvre de nombreux chantiers. Celui de l’autocélébration de l’Europe à partir de l’idée de science, celui du goût occidental des voyages, celui de la curiosité intellectuelle à l’égard de l’autre, celui de l’engendrement du capitalisme commercial en Europe exclusivement, ...