20090110

10 raisons

Dix raisons en faveur de l’adhésion de la Turquie à l’U.E.
Kerim Uster
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Résumé en Turc.
Türkiye Avrupa Birliği'ne neden girmeli? Bu yazı iki temel fikir öneriyor. Öncelikle, Türkiye demokrasinin kökleşmesi ve tam anlamıyla bir hukuk devleti olma konularında önemli ilerlemeler kaydetti. Gerek insan hakları konusunda olsun gerekse de ordunun siyasetten -siyaset dünyasından- geri adım atmaya başlamasında olsun. Fakat şu çok açık; bu ilerlemeler hala yetersiz. Buna rağmen, AB'nin Türkiye'yi kabul etmesi ve Türkiye'nin de AB'den vazgeçmemesi gerekiyor. Türkiye "genç" bir demokrasi ve bazı sorunları çözmesi için yeterli olgunluğa sahip değil. Bu ülkenin AB'ye girmesi demokratik gelişmesini tamamlaması için vazgeçilmez bir yol. Türkiye bunu başarmak için gereken bütün altyapıya sahip.
İkinci önemli fikir ise Türkiye'nin nüfusunun çoğunluğunun Müslüman olması. Bu durum, AB için oldukça olumlu. Günümüz dünyasındaki Müslüman ve Hıristiyan çarpışması ortada. 11 Eylül 2001 de gerçekleşen olaylar, iki kültürün anlaşmazlığını ve birbirine duyduğu çekinceleri hiç kuşku yok ki arttırdı. Oysa ki, iki kültür bir yandan oldukça farklı olsa da, ortak noktaları da yok değil; mesela iki din de monoteist. Yani, AB'ye Müslüman bir ülke kabul etmek, iki kültürün tekrar birbirine bağlanması ve barışması açısından önemli bir adim olacaktır.
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L’article 49 du Traité portant sur l’Union Européenne précise que « peut demander à devenir membre de l’Union tout Etat européen qui respecte un certain nombre de principes ». Mais qu’entend-on par « Etat européen » ? Sur quels critères devons-nous nous fonder pour affirmer le caractère européen d’un Etat ?
Cet article du Traité semble présenter une confusion entre l’Europe et l’Union Européenne, confusion qui a tendance à fausser le débat quant à l’élargissement de celle-ci. En effet, l’entrée dans l’Union Européenne n’est pas de nature, à elle seule, à conférer la qualité d’Européen. Nul ne conteste cette appartenance aux Suisses ou aux Norvégiens, qui pour l’instant ne font pas partie de l’UE. À l’inverse, si demain le Conseil européen, dans un de ses moments de fantaisie, décidait l’élargissement de l’UE au Sénégal, ce pays, me semble-il, ne deviendrait pas européen pour autant. Ainsi l’évocation de la qualité « européenne » afin de justifier l’adhésion d’un pays à l’UE paraît relever du non-sens. La réponse à la question : « La Turquie est-elle européenne ou non ? » ne permet donc pas d’argumenter en faveur ou à l’encontre de son adhésion. Rappelons d’ailleurs que certains hommes politiques français qui défendaient l’Algérie française affirment, aujourd’hui, le caractère non-européen de la Turquie. Autrement dit, la qualité « européenne » semble être un instrument en vue de dissimuler ses opinions personnelles, davantage qu’un argument pour justifier l’adhésion d’un pays.
Quels sont ces critères d’adhésion à l’Union Européenne ?
Les principes évoqués à l’article 49 sont énoncés à l’article 6 du même Traité : il s’agit de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que de l’Etat de droit. Autrement dit, s’il existe des frontières à l’UE, elles ne peuvent être géographiques à l’instar de cette phrase, devenue presque « proverbiale », du Président de la République : « La Turquie est en Asie Mineure ». Elles sont davantage des frontières concernant des exigences démocratiques. Qu’en est-il de la Turquie au regard de ces exigences ?
Tout d’abord, la Turquie déploie la plupart des infrastructures d’une démocratie « moderne ». La routinisation des alternances au pouvoir au travers d’élections libres, des partis politiques dotés d’intérêts et d’idéologies divers, des médias pluralistes, la marginalisation de l’islam politique et de l’idéologie islamiste, illustrent le caractère démocratique du régime. Constitutionnellement, la Turquie dispose de pouvoirs exécutif, législatif et judicaire autonomes, par conséquent la séparation des pouvoirs est en principe assurée. Cela dit, La Turquie est une « jeune » démocratie dans la mesure où la République date de 1923 et le passage au multipartisme seulement de 1946. Cela explique certains dysfonctionnements institutionnels dus notamment à certaines pressions « extérieures », en l’occurrence celles de l’armée, qui peuvent mettre en danger, comme l’ont bien illustrés les nombreux coups d’Etats intervenus au cours du XX ème siècle, la stabilité et la continuité de celles-ci.
Mais examinons de plus près cette démocratie turque et plus précisément les questions dérivées que celle-ci pose au regard de la question suivante : quels sont les obstacles à l’adhésion de la Turquie à l’UE ? Nous tenterons d’y répondre en étudiant successivement la tutelle de l’armée sur le pouvoir politique, le statut des minorités, les droits de l’homme et enfin les « questions qui fâchent ».
Qu’en est-t-il de nos jours de cette tutelle de l’armée ? Constitue-t-elle un obstacle à l’adhésion de la Turquie à l’UE ? Avant de s’attacher à cette question, il est nécessaire de rappeler que l’armée a joué un rôle essentiel dans la création de la République laïque en 1923. Autrement dit, il faut prendre en compte, lorsque l’on examine la tutelle de l’armée sur le pouvoir politique, le contexte historique dans lequel cela s’inscrit. Au demeurant, l’armée fait l’objet d’une valorisation considérable dans le pays dans la mesure où, d’une part, elle a donc participé à la création de la République et d’autre part, elle s’est montrée garante de la laïcité pendant près d’un siècle. De là la difficulté de l’écarter d’un seul coup de la vie politique.
Cela dit, difficulté n’est pas synonyme d’impossibilité. Force est de constater que cette tutelle de l’armée s’affaiblit au fil du temps, preuve du gain de maturité de la démocratie turque. Tout d’abord, la réforme constitutionnelle de 2001 a réduit la place de l’armée dans les institutions. Ce mouvement engagé a été approfondi. En effet, le Conseil national de sécurité (MGK), issu du coup d’Etat de 1980 et principal instrument de la domination militaire sur les institutions démocratiques turques, est devenu consultatif ; sa composition modifiée donnant désormais la majorité aux civils. Enfin, rappelons que l’armée n’a pas opéré, cet été, le « coup d’Etat » tant attendu par l’opinion publique (turque et européenne) en renversant le parti au pouvoir, le parti AKP ( Parti de la justice et du développement). Ainsi l’armée semble se retirer progressivement de la vie politique, consolidant la Turquie dans sa marche vers l’Etat de droit.
Un second obstacle retenu par les « Turco sceptiques » pour réfuter l’entrée de la Turquie dans l’UE est le respect de ses minorités et notamment de la minorité Kurde. À ce sujet, évoquons tout de même, les réformes qui ont légalisés l’enseignement privé de la langue Kurde ainsi que les émissions de radio et de télévision dans cette langue. Par ailleurs, les lois restrictives concernant les religions minoritaires ont été amendées dans un sens plus ouvert.
Enfin, la question des droits de l’Homme et notamment celle du statut des femmes semble constituer un autre aspect de cette question démocratique, obstacle à l’adhésion de la Turquie. À nouveau, rappelons la série impressionnante de réformes constitutionnelles et législatives concernant ce sujet. En effet, la peine de mort fut abolie, le droit des femmes amélioré et concilié avec les normes européennes (par exemple, le statut de chef de famille, attribué au mari, fut aboli). Par ailleurs, un nouveau Code pénal ainsi qu’un nouveau Code de procédure pénale ont été adoptés, la pratique de la torture par les forces de l’ordre interdite et sévèrement punie.
Qu’en est-il des « questions qui fâchent » ? Il s’agit bien évidemment du problème Kurde, du « tabou Arménien » et enfin du « casse-tête Chypriote » pour reprendre les expressions de Michel Rocard. Tout d’abord, ces problèmes ne relèvent pas, en principe, des critères d’adhésion à l’UE. Mais évacuer ces questions d’une telle façon serait sans doute maladroit et d’une certaine mesure hypocrite. Cela dit, concernant ces questions, la Turquie a également effectué certaines avancées. La question arménienne, par exemple, commence à être débattue dans les lieux publics. Quant au « casse-tête » Chypriote, c’est bien la partie grecque de l’île qui a refusé le plan Annan qui prônait la réunification. Le problème Kurde, lui, a été traité dans le cadre du respect des minorités.
Ces réformes sont certainement insuffisantes et des difficultés éminentes perdurent quant à leur application. Ces dernières constitueraient, selon les « anti-Turcs », des arguments pertinents pour refuser la candidature turque.
Mais un positionnement « anti-Turc » ou « pro-Turc » ne paraît pas compatible avec le projet de l’UE. Car, être partisan de l’UE, rappelons le, c’est, avant tout, croire aux principes de l’article 6 du Traité de l’Union. Au demeurant, les prises de positions formelles fondées sur des préjugés sont inconciliables avec ces principes, ce qui explique le caractère insignifiant de ces positions. Au contraire, toutes ces questions font appel à l’identité de l’UE qui a, me semble-il, une responsabilité à l’égard de ces problèmes. L’UE croit-elle réellement que le gel des négociations permettra à la Turquie de résoudre ses conflits ? Mis à part briser la dynamique des réformes pour se conformer aux critères européens, cela n’aurait pas d’effets très positifs. Certes, dans la mesure où la Turquie est une « nouvelle » démocratie, il est parfois difficile qu’elle fasse preuve de suffisamment de maturité pour régler certains conflits. Mais, si l’UE repose sur l’exigence du respect des droits de l’homme et de la démocratie, elle détient une part de responsabilité dans la résolution de ces problèmes. Elle a le devoir de soutenir ce pays dans son processus de démocratisation. Il faudrait que l’UE entre en Turquie et non le contraire. La Turquie ne relève pas d’un autre contexte et ces conflits ne sont pas extérieurs à UE. Ainsi l’adhésion de la Turquie à l‘UE parachèverait le processus de démocratisation du pays et consoliderait sa marche vers l’Etat de droit. À l’inverse, éloigner ce pays de l’UE constituerait une vraie « gifle » à l’égard des Turcs, décrédibiliserait les démocrates du pays, au risque de faire sombrer le pouvoir dans un régime autoritaire fondé sur le nationalisme.
Par ailleurs, on reproche à la Turquie son type de laïcité. Certes, cette laïcité, paradoxalement inspirée du modèle français, n’opère pas la séparation de l’Etat et de la religion. Au demeurant, il s’agit d’un contrôle de la religion par l’Etat comme l’illustre l’existence d’une direction des affaires religieuses le « Diyanet » rattaché au Premier Ministre. Pour autant la laïcité turque est-elle une « fausse » laïcité ? L’UE repose sur un projet laïque. Mais de quelle laïcité parlons-nous ? La laïcité n’a pas une signification unique ou uniforme dans la mesure où chaque pays part d’abord de ses propres présupposés historico-culturels. Force est de constater qu’il existe plusieurs formes de laïcité dans l’UE. D’ailleurs, cette dernière phrase doit être lue avec prudence dans la mesure où le terme « laïcité » n’existe pas dans certains pays de l’Union : on parle souvent de préférence de sécularisation. Autrement dit, il serait peut-être plus juste de faire discuter entre elles ces différentes laïcités présentes dans l’UE afin de trouver des terrains d’entente avant de reprocher à la Turquie sa propre forme de laïcité. En ce qui concerne cette dernière, il serait plus approprié d’employer le terme « sécularisation » bien que le terme turque soit celui de « laiklik », dont on entend bien qu’il est inspiré phonétiquement du français.
Mais pourquoi penser l’adhésion de la Turquie en terme négatif. N’y a-t-il pas des aspects positifs à cela ? Est-ce trop provocateur de poser la question de la façon suivante : Pourquoi la Turquie doit-elle entrer dans l’Union Européenne ? L’économie, l’histoire et la religion de la majorité des Turcs à savoir l’Islam semblent être des réponses pertinentes pour de telles questions.
Les critères de Copenhague exigent « l’existence d’une économie de marché viable ainsi que la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché intérieur de l’Union » (Traité). En l’occurrence, la Turquie respecte ces critères économiques. Mieux, et c’est une spécificité turque : la Turquie est le seul pays candidat à l’UE qui ait été associé à cette Union, sans en être membre, par le biais d’un accord d’union douanière, et cela depuis douze ans déjà. De surcroît, en 2007, ce pays a envoyé vers l’UE des 27 près de 57% de ses exportations et en a reçu un peu plus de 40% de ses importations. Par ailleurs, la Turquie est désormais le premier fabricant européen de téléviseurs, le premier constructeur de bus et d’autocars, le troisième fabricant de yachts et le quatrième marché de télécom. Autrement dit, d’un point de vue économique la Turquie est déjà dans l’UE et son adhésion à part entière concourrait à la prospérité de l’Union.
D’abord les Ottomans, puis les Turcs ont les yeux rivés sur l’Europe depuis deux siècles. Les Ottomans s’engagèrent, tout au long du XXeme siècle, dans un mouvement de réformes qu’ils qualifièrent d’ « occidentalisation », terme de leur invention. Abdlülmecid 1er inaugurait l’ère des Tanzimat (réorganisations) et proclamait en 1839 un rescrit impérial qui levait les restrictions au regard du droit de propriété. Par ailleurs, l’égalité de toutes les personnes, sans distinction de religion et d’ethnie, fut instaurée, les tribunaux et l’enseignement public séculiers institués. Au demeurant, ces actes constituèrent au moins partiellement, une sorte de Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen en version ottomane. Ces réformes permirent à l’Empire Ottoman d’être officiellement admis dans le cercle des Etats européens. Lors du Congrès de Paris de 1856 organisé par une coalition incluant l’Angleterre, la France et l’Empire Ottoman, ce dernier devint membre du concert européen. Ce mouvement fut approfondi après la fondation de la République (1923). Le pouvoir kémaliste s’en prit aux bases juridiques et financières de l’Islam. En effet, les fondations et les tribunaux islamiques furent abolis. L’éducation devint laïque et placée sous le contrôle du ministère de l’Education nationale. En 1928, l’alphabet en lettres latines remplaça l’alphabet arabe. Le calendrier Turc se substitua au calendrier arabe et le dimanche devint le jour de repos à la place du vendredi. Un nouveau Code civil, celui de la Suisse fut introduit. Les femmes obtinrent des droits, notamment celui de voter, dans les élections municipales de 1930 et dans les législatives de 1934, bien avant de nombreux pays européens, dont la France. Ainsi à travers cette rafale de réformes modernisatrices, certes autoritaires, le visage de la Turquie se transforma.
Ce rapprochement historique avec l’Europe permit à la Turquie de déployer de nombreux réseaux d’échanges avec l’UE (et vice-versa), réseaux d’échanges qu’une adhésion future viendrait approfondir. Évoquons, par exemple, le dîner de gala organisé du 24 au 26 novembre 2008 par la Chambre de commerce française en Turquie, avec près de 300 hommes d’affaires Turcs et Français (1), en présence du président de la Chambre de commerce d’Istanbul, M. Yalçintaş et de la secrétaire d’Etat français chargé du Commerce extérieure Madame Idrac. Mais cette expression « réseau d’échange » ne vise pas uniquement le commerce, il s’agit aussi, par exemple des réseaux d’échanges universitaires. L’idée est, en règle générale, d’approfondir les échanges pour une meilleure connaissance culturelle des pays afin d’éviter au maximum, les incompréhensions. En effet, réduire la Turquie aux écrits d’Orhan Pamuk et de Nazim Hikmet ne parait pas rendre compte de la réalité culturelle de ce pays. De même pour la France qu’on ne peut résumer à Voltaire ou à Rousseau. Éviter ces raccourcis paraît essentiel pour résorber un problème majeur dans le monde : les incompréhensions culturelles. Car, c’est en apprenant à connaître l’autre qu’on fait fondre et disparaître celles-ci.
C’est pourquoi, nous pensons enfin que la religion de la majorité des Turcs à savoir l’Islam constitue un argument qui joue en faveur de l’adhésion turque. Mais reprenons le problème de plus haut. L’UE, nous l’avons vu, propose un projet laïque. À première vue, affirmer le caractère pertinent de l’Islam comme argument à l’adhésion parait donc être dépourvu de sens. Mais comment expliquer que les critères d’adhésion se multiplient au fur et à mesure que la Turquie les respecte ? N’y a-t-il pas, chez de nombreux européens, un consensus implicite pour définir l’UE comme un « club de nations chrétiennes » ? Dès lors, nous comprenons que le problème ne concerne pas directement la Turquie mais l’Islam. En effet, Samuel Huntington (2) employait dans son ouvrage l’expression « choc de civilisation ». Force est de constater qu’il existe des incompréhensions et des méfiances entre les religions musulmane et chrétienne. Méfiances qui se sont accrues après les événements du 11 septembre 2001, en lien avec l’islamisme plutôt que l’Islam. Mais pourquoi sont-elles si méfiantes l’une à l’égard de l’autre alors que ces deux religions déploient de nombreux points communs à commencer par le fait qu’elles se présentent toutes les deux comme des religions monothéistes révélées. Il semble d’après nous nécessaire que l’Islam et le Christianisme apprennent de nouveau à se connaître, d’autant que 20 millions de musulmans vivent dans l’Union. Cela permettrait de faire disparaître les amalgames « musulman-terroriste » ou « chrétien-impérialiste ». Car cette peur mutuelle qu’entretiennent les deux références religieuses l’une à l’égard de l’autre réside dans leur méconnaissance. Ainsi, l’adhésion de la Turquie constituerait une réponse à ces incompréhensions culturelles et favoriserait un pas important vers la pacification des relations chrétiens-musulmans.
(1) Félicitations à Jessica Dafer pour l’oscar obtenu.
(2) The clash of civilizations and the remaking of world order, New York, Simon and Schuster, 1996, Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 1997.