20110304

Editorial

L’Europe et la litanie des frontières (nationales).



En tête de ce numéro 2011 (3) du Spectateur européen, nous avons choisi de placer une photographie d’une gravure sur bois de Dame Europe, extraite d’un livre de Sébastien Munster, publié à Bâle en 1588, actuellement conservé à la Bibliothèque humaniste de Sélestat. Outre la perspective historique que cette gravure nous oblige à creuser par rapport à notre présent, cette figure, qui n’est pas une allégorie ainsi que le pointe Charles Baudelaire dans le Salon de 1845, à l’égard d’un tableau de Victor Robert (La religion, la philosophie, les sciences et les arts éclairant l’Europe), mais une cartographie « véridique » de l’époque, nous reconduit à ces discours sur les frontières territoriales et nationales, les rejets de l’autre et les clôtures dont on veut encore nous faire croire qu’ils pourraient être salutaires selon les cas, à une quelconque identité, à une nation ou à un bien-être.
Cette question est, de toute manière, infiniment plus importante que toutes les célébrations entreprises sous nos yeux, qui sont destinées à refermer l’Europe (CEE) sur elle-même, comme, par exemple, le passage de flambeau de la première ville européenne de l’environnement de Stockholm (2010) à Hambourg (2011). A moins que ce ne soit la même question, celle d’ignorer les autres pour mieux s’auto-encenser.
Il faut le répéter, sur le plan politique, ces situations de rejet ne cesseront pas tant que nous nous laisserons enfermer entre un euroscepticisme qui veut préserver les nations et une exaltation d’une Europe supranationale qui veut placer un nouvel Etat au-dessus des anciens Etats. Il est urgent de faire un grand pas vers une nouvelle constellation politique postérieure aux Etats-nationaux, qui pourrait prendre la forme d’une politique cosmopolite et solidaire et d’un nouveau droit, excluant un ancrage dans les seuls Etats.
Ce qui nous manque cruellement, malgré les efforts des uns et des autres, c’est une présence publique d’une opinion européenne, qui pourrait, par ailleurs, devenir une puissance de formation civique. Cette opinion publique, à l’émergence de laquelle Le Spectateur européen tente de contribuer, ne devrait jamais céder ni à des ferveurs nationales, ni à des catégories que ces ferveurs rêvent d’imposer à chacun sans discussion. Démocratie, République, laïcité, Europe, frontières, identités, altérités sont des termes dont il faut discuter à grande échelle, en mettant d’ailleurs au jour d’emblée les points de désaccords entre les uns et les autres, plutôt qu’en supposant un accord de tous qui ne porterait que sur l’usage des mots.
Dans le contexte actuel, c’est très évidemment le cas de la question des frontières, livrée désormais seulement à sa définition administrative, policière et nationaliste. Justement, elle doit être déconnectée de toute logique substantialiste. Elle ne doit pas non plus rester prise dans des logiques comptables et identitaires. Elle doit donc susciter la plus grande méfiance dès lors qu’on lui fait jouer un rôle autour de ces thèmes associés à une forte atomisation des individus facilitant les rejets et les exclusions.
A cet égard, le roman Taksim, publié par l’écrivain polonais Andrzej Stasiuk (traduit par Charles Zaremba, Arles, Actes Sud, 2010), apporte quelque lumière au débat. A la limite, peu importe la localisation spatiale des aventures déployées dans le roman (même si on la reconnaît, en suivant une carte géographique, dans le Draculand du côté de la Roumanie, ... ). Son véritable lieu, c’est la ou les frontières et donc les passages aux marges de l’Europe (CEE). Dans l’obstination des causes désespérées, les frontières, réelles et étroitement surveillées, ne sont pensables que dans l’opposition entre la volonté de l’Etat et la survie nécessaire des citoyennes et des citoyens. Ce roman pose finalement, autour de celle des frontières, la question de savoir qui sont les damnés de la terre de nos jours. Ceux qu’on voue au mouvement, au changement et à la fuite. Ceux qui se frayent des chemins entre le regard des vautours frontaliers.
Il en va de même pour le projet Suspended spaces, né en 2007, de la rencontre entre artistes et chercheurs autour d’un lieu spécifique Varosha, quartier balnéaire moderne de la ville chypriote de Famagusta, abandonné puis bouclé après l’offensive turque sur le nord de l'île en 1974.

 Véritable parenthèse spatiale, à la fois monument et no man’s land, cette ville fantôme interroge nos histoires et notre histoire, celle des échecs des politiques qui ont mené les hommes à un désastre qui n’a pas été évité.

 Le projet s’intéresse aux espaces frontières, aux zones tampons, aux suspended spaces, ces espaces marqués par les conflits et momentanément suspendus aux décisions politiques et économiques qui pourraient en fixer une représentation et un usage décrispés.


C’est aussi le cas de l’ouvrage de Guillaume Le Blanc qui s’ouvre ainsi : « Il faudrait faire une anthologie des vies infâmes ». L’ouvrage est intitulé Dedans, dehors. La condition d’étranger (2010, Paris). Le livre explore l’expérience même de ceux qui sont désignés du nom d’étranger, relégués au ban du monde social, rendus invisibles juridiquement, politiquement et humainement. Affranchi du mythe de l’exil au sein duquel l’étranger trouverait une liberté souveraine, Dedans, Dehors s’attache à l’expérience de ces étrangers vaincus, rendus invisibles par les chiffres, l’appareil juridico-politique des puissances publiques. La condition d’étranger, qui est celle de vies subalternes, reléguables, désigne ces vies qui ne sont jamais dedans, jamais dehors : vies maintenues à la frontière tout en étant convoquées par la nation (pour un travail, particulièrement).
Nous de devons pas céder à la litanie des frontières territoriales et nationales, et repenser rapidement notre rapport à l’Afrique, l’Asie, l’Amérique du Sud, ...  Nous y reviendrons. D’autant qu’à côté de ces frontières, il en existe d’autres non moins dangereuses : les frontières culturelles, symboliques, ... sur lesquelles nous ne cessons d’intervenir.

NB : Le Spectateur européen accueille deux nouveaux membres actifs, notamment pour les traductions des textes : Dwight Dolin-Dolci et Lorenzo Guicciardini.

20110303

L'Europe, chantier de la traduction

Ghislaine Glasson Deschaumes / Boris Buden
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Article repris sur eipcp, Institut européen pour des politiques culturelles en devenir.
Boris Buden: Vous êtes très claire lorsqu’il s’agit de décrire ce qui était en jeu dans les Transeuropéennes dès les débuts, en 1993 : la quête d’un retour possible au politique et une critique non voilée de l’essentialisation des cultures de même que de l’ethnicisation et de la communautarisation de la politique. C’est là le cadre conceptuel dans lequel vous avez introduit la notion de traduction. La 22e édition de Transeuropéennes, parue au printemps/été 2002, porte le titre « Traduire, entre les cultures ». Pourquoi la traduction, et pourquoi à ce moment ? Comment avez-vous découvert la signification politique et le potentiel critique du concept ?
 Ghislaine Glasson Deschaumes: Transeuropéennes est un processus agissant, c’est un mouvement de pensée critique. La raison qui la fonde articule intimement la théorie et l’action. Action-réflexion. L’action provoque la réflexion. La réflexion lance l’action.  Elle est sa « trajectoire de chute », comme pour reprendre une expression du compositeur Ahmed Essyad évoquant ce vers quoi la phrase musicale doit tendre. Ainsi en est-il allé de Transeuropéennes , depuis 1993, actions et réflexion intimement liées dans la provocation du politique. Une pensée critique a été au travail dans les activités de formation et de recherche, dans l’action militante à travers les frontières, enfin dans l’hospitalité de la rencontre. Il s’agissait que la nécessaire confrontation des différences puisse devenir interaction, devenir mêlée – cette mêlée sur l’éloge de quoi, en hommage à Sarajevo alors assiégée, Jean-Luc Nancy ouvrait le premier numéro de Transeuropéennes à l’automne 1993 (‘Eloge de la mêlée’). Telle est l’une des pistes à partir desquelles nous avons élaboré ce concept de « traduire, entre les cultures ». 
Il importe de  rappeler que Transeuropéennes a été créée dans le mouvement d’un tournant fondateur. En trois ans à peine (1989-1992), la chute du mur de Berlin, la première guerre du Golfe, les guerres en ex-Yougoslavie et la partition du pays, la guerre civile en Algérie, la montée en puissance des fondamentalismes et des ethnonationalismes[1] ont bouleversé l’Europe et le monde. La revue est née dans le sentiment d’une extrême urgence. En se fondant sur la nécessaire articulation entre « culture et politique », affirmée dès le premier éditorial, la revue a ouvert un champ de travail sur la critique des discours identitaires et de leurs effets de dislocation humaine, sociale, politique, économique,  tout en s’emparant frontalement de la question de la guerre. Elle remettait alors en cause l’Europe comme horizon, « l’Europe dessaisie »  d’elle-même, dans les guerres en ex-Yougoslavie comme au lendemain de la chute du mur, lorsque l’Union européenne ne sut pas se traduire ni traduire les pays de l’ancienne « Autre Europe »[2] et construisit avec eux la relation sur un mode subalterne.
Dans le même mouvement, la revue se fondait comme lieu de travail sur les conditions contemporaines du vivre ensemble, sur la civilité (Balibar) et la pratique du différend. C’est en approfondissant ces travaux théoriques, notamment en vue des premiers Ateliers culturels euro-méditerranéens (formation alternative de jeunes artistes, de jeunes intellectuels, traducteurs, etc.), en 1999, qu’a émergé le concept « traduire, entre les cultures ».
Ce concept a émergé à un moment de maturation des travaux de Transeuropéennes, et il en découle. La revue s’est toujours voulue un lieu de traduction, et la grande majorité de ses auteurs étaient des non francophones. En 1999, la revue avait déjà publié deux numéros bilingues français/anglais et elle en préparait un troisième, sur les partitions. Elle tendait déjà vers la transformation en une revue bilingue français/anglais. En tant que revue internationale de pensée critique, elle se révélait être une véritable fabrique de traduction ! Et c’est ainsi qu’elle se définira dans les années qui viennent.
Dans les programmes de formation créés en 1994 puis de recherche (à partir de 1996), mais aussi dans les actions militantes menées au cours de ces années, nous nous sommes confrontés au quotidien aux enjeux de traduction, dans toute leur complexité. Le multilinguisme des groupes concernés (étudiants des Balkans, jeunes artistes de la Méditerranée, etc) était en soi un défi posé à chaque participant : un défi permanent de traduction. Mais il est rapidement devenu patent que ce qu’il faut traduire dépasse de loin la langue, que la matière même de la traduction est à la fois plus vaste et plus cruciale. Il s’agit de représentations du monde, des imaginaires, des constructions mémorielles, des modes de relation au corps et à ses signes, au mouvement, au temps, à l’espace, une façon de se relier au genre, etc. Il s’agit aussi d’un affranchissement par rapport à la logique communautaire (parler la langue de la communauté, qui se suffit à elle-même), d’une mise en circulation des savoirs et de leur partage sur une base d’égalité, bref, d’une dynamique motrice pour  la démocratie. Chaque étudiant de nos universités d’été, chaque chercheur ou artiste de nos ateliers, en faisait à un moment l’expérience frontale. Les ateliers devenaient ainsi des espaces-temps fascinants de mise en traduction, qui parfois allaient jusqu’à porter sur les expériences limites : la guerre, le corps, la mémoire refoulée, la langue divisée … Dans cet exercice politique, les limites mêmes de l’échange étaient patentes. Il existe bien un « reste » (Balibar), qui ne peut être traduit, qui ne peut être mis en partage, et cet « os » m’intéresse tout particulièrement. Il ne relève pas nécessairement de l’intraduisible (qui le serait par essence et pour toujours) que du non traduit, qui est contextuel (dans l’espace et le temps). Ce « reste » participe de l’espace vide, l’espace de jeu nécessaire à la traduction, cet « entre » qui appelle l’interaction et qui est central dans « traduire, entre les cultures ».
Sur le plan théorique, trois éléments nous ont, dans le même mouvement, conduits à mettre en lumière dès la fin des années 1990 la problématique de la traduction. D’une part, une critique des logiques de domination, sous toutes  leurs formes (y compris d’une communauté sur un individu), a été menée à travers les pensées contemporaines produites dans des horizons géoculturels très divers. D’autre part, l’analyse de la crise du lien social, de l’impensé des sociétés multiculturelles qui ont instauré le droit à la différence en lieu et place du « vivre ensemble », la crise de la démocratie comme crise de la relation d’altérité dans une logique d’égalité, a été centrale pour la revue. Enfin, la production de clôtures identitaires, allant toutes dans le sens d’un refus de l’hybridation, d’un fantasme de la langue propre, de l’identité propre, du corps propre (dans le double sens, en français, de « propre » : ce qui est à soi, ce qui est lavé, sans tache) nous a conduits à éclairer le concept d’identité comme un processus, un mouvement, quelque chose de perméable à la rencontre avec les autres, y compris les autres en soi, et qui se modifie au fil des interactions. On prend alors toute la mesure de la dimension subversive de la traduction, qui reste pour moi fondamentale.
C’est donc ainsi que, de fil en aiguille, et dès 1999, Transeuropéennes en est venue à élaborer le concept du « traduire, entre les cultures », formulé notamment dans son vingt-deuxième numéro (2002). Ce concept, depuis, circule et vit,  nourrissant un peu partout des travaux théoriques. Il nourrit désormais la nouvelle phase de la revue Transeuropéennes, à travers ses travaux de recherche, notamment au Collège international de philosophie, et dans son nouveau projet de publication, et il structure ses futures actions, sous l’angle plus précis des politiques de traduction et de leur lien aux enjeux de démocratisation.
Il va sans dire que, dès le premier numéro de la revue, nous nous sommes délibérément inscrits en faux contre la logique de « guerre des civilisations » puis de « dialogue des cultures » (surgie, notamment en contrepoint de la lutte contre le terrorisme, après le 11 septembre 2001) qui n’en est que le revers. Transeuropéennes n’a cessé de mettre en lumière l’hétérogénéité de toute culture, le fait que chaque culture, chaque langue participe d’un double processus de traduction et d’hybridation. « Entre les cultures » fait ainsi référence au « jeu » qui travaille toute culture, la maintenant dans l’ouverture, et qui est à son tour traduction. Traduire est une proposition qui engage ce jeu.
En tant que lieu d’hospitalité et revue nomade, Transeuropéennes est au cœur du traduire, dans les intervalles, les interstices, les écarts, les différends qui intéressent tant notre collectif. Ce collectif interdisciplinaire  Transeuropéennes est un seuil, car il est un passage entre les langues, entre les modes de pensée, entre les imaginaires lointains ou proches, entre les systèmes critiques. Ceux-ci sont mouvants. Comme Mustapha Laarissa, membre du comité de rédaction de la revue, l’a dit dans un atelier de travail sur les « Politiques de traduction en Méditerranée » (Paris, décembre 2005), le choc est en chaque culture, toujours traversée, et il est en chacun de nous en tant que sujets. Nous ne pouvons faire l’impasse de ces passages, de ces traductions. Ils participent, me semble-t-il, d’un horizon mondial qui devra un jour s’appuyer sur un droit mondial et des modes d’organisation démocratique mondiaux. 
 Boris Buden: Il existe encore un autre état de faits, qui fut déterminant pour l’introduction du concept de la traduction – c’est le contexte historique et politique de la France et de l’Europe aujourd’hui, qui traversent toutes deux une lourde crise : un vieil Etat nation, qui perd sa signification et son importance sous la pression de la globalisation, de même que le projet paralysé d’une communauté politique transnationale, qui n’a toujours pas de constitution démocratique. Qu’est-ce que la traduction peut apporter à cette crise, une sorte de solution ou plutôt son approfondissement continué ? Quelle serait votre préférence ?
 Ghislaine Glasson Deschaumes: Dans le contexte de la mondialisation des échanges, de standardisation des esthétiques et de dépolitisation de la pensée, d’uniformisation apparente des concepts et des systèmes de pensée, l’Europe est un système régional fragile, aléatoire, mais dont nous ne devons à aucun prix nous dessaisir depuis la position critique qui est la nôtre (nous, revues, nous collectifs de revues), mais qu’il nous faudra toujours à nouveau décentrer et franchir.
Le titre « Transeuropéennes » indique la double volonté de dégagement et d’implication : l’Europe comme point de départ ou de passage qu’il convient toujours de réinterroger depuis « ailleurs », le point par rapport auquel il faut toujours se décentrer pour pouvoir l’investir. En 1993, il s’agissait de penser l’Europe et « ses autres », les autres de l’Europe, voire ses laissés-pour-compte, ses sans droits, de penser l’Europe à ses frontières, à un moment aussi, et cette coïncidence est significative,  où un groupe de philosophes s’interrogeait depuis Strasbourg sur l’Europe en devenir sous le magnifique titre de Géophilosophies de l’Europe[3].
De prime abord, il s’agissait bien pour moi de mettre en mouvement les lignes de division, de jeter des ponts, de transgresser les frontières imposées, de les interroger, de s’y tenir même, jusque dans le défi physique, un jour de mai 2002 où une cinquantaine de femmes de tous les pays issus de l’ex-Yougoslavie et de France franchirent ensemble le pont de Mitrovica, Kosovo[4].
Mes expériences antérieures, avant de fonder Transeuropéennes, m’avaient conduite à travailler inlassablement à relier l’ « Autre Europe », et notamment ses penseurs et artistes dissidents, avec l’Europe de l’Ouest. C’était aussi un franchissement, celui d’un interdit culturel (et politique) imposé par la logique de division et la réalité du mur. La France m’était apparue, dès le moment de mes études, comme fondamentalement ethnocentrée. Depuis lors, rien n’est malheureusement venu contredire cette tendance lourde. Cependant nous savons bien que le niveau national n’est plus aujourd’hui  pertinent en soi. Interroger et comprendre une société, un droit national, une économie nationale sans la mettre en perspective en Europe et dans le monde est irresponsable et dangereux.  Mépriser l’articulation de ces perspectives avec l’échelon local l’est tout autant. Transeuropéennes est adossée à la langue française, elle y prend appui. C’est une langue que j’aime, dans laquelle j’aime écrire et vers laquelle j’aime traduire, même si traduire n’est pas mon métier. Mais le projet de Transeuropéennes est européen et mondial.
Aujourd’hui, l’Europe se projette dans le monde à partir d’un discours de centralité, elle tisse des rapports avec ses voisins qui s’inscrivent dans une logique centre-périphérie. En 1993, l’Europe était une question, elle était un cap invitant vers « un autre cap » (Derrida). Cet espace de réflexion ouvert avec la chute du Mur a été refermé par les institutions européennes et les gouvernements des anciens Etats membres. A nul moment, la chance n’a été offerte aux pays issus de l’ancien bloc de l’est de se mettre en traduction, de relier leur passé au présent européen. La tabula rasa auxquels ils ont été invités au nom de la transition démocratique « vers l’Europe » a laissé des sociétés amnésiques, qui refoulent une part de leur vécu et de leur histoire. L’horizon de l’Europe comme projet s’est défait à Sarajevo et dans les guerres d’ex-Yougoslavie. Il ne s’est pas redessiné avec l’élargissement.
Le choix institutionnel n’était pas tant entre l’approfondissement et l’élargissement, contrairement à ce que l’on a pu dire. C’est la nature même de la démarche conduite envers les pays anciennement reliés au système soviétique qui doit être questionnée. Les institutions européennes se sont concentrées sur les acquis communautaires, et les pays candidats n’ont donc rencontré de l’Europe (leur horizon durant la guerre froide) que l’ensemble normatif qu’elle constitue de facto.  Que ces pays candidats eussent aussi des acquis n’a pas effleuré les esprits à l’Ouest. On peut parler d’une certaine violence symbolique (celle du vainqueur ?) à l’égard des sociétés dites en transition démocratique. La logique du vainqueur n’est pas une logique de traduction. Elle est une logique de déploiement du système vainqueur. Le processus d’adhésion a été marqué par un lourd déficit de traduction, au sens le plus large du terme. Que les fractures aient ensuite surgi, comme par exemple au moment de la guerre en Irak, était dès lors inévitable.
A travers ce processus d’adhésion massif, l’Union européenne s’est auto-consolidée dans sa fonction normative, celle-là même qui gouverne la relation qu’elle a proposé à ses voisins (la « Politique européenne de voisinage »). Elle régit aussi la représentation que le discours communautaire donne de l’Europe dans le monde, largement marquée par cette même position de centre rayonnant vers les périphéries. Face à cela, il incombe notamment au collectif Transeuropéennes d’ouvrir en Europe et aux frontières le chantier de la traduction et des chantiers de traduction.


[1] C’est sur cette question que la complicité avec Lignes s’engagea, en 1990, dans un numéro intitulé « nations, nationalités, nationalismes ».
[2] Titre aussi d’une remarquable revue publiée à Paris par les frères Berelowitch jusqu’au tournant des années 1990.
[3] Jean-Luc Nancy, Philippe Lacoue-Labarthe, Denis Guénoun, Etienne Balibar, Jacques Derrida, pour n’en citer que quelques uns, s’associant dans un mouvement de réflexion particulièrement fructueux, malheureusement abandonné sans doute du fait d’une lassitude face au tour pris alors par l’Europe. 
[4] « Actions militantes des femmes à travers les frontières », un projet de Transeuropéennes et d’une dizaine d’ONG des Balkans, initié en 1999 et achevé en 2005.



20110302

Europa, Baustelle der Übersetzung

Ghislaine Glasson Deschaumes / Boris Buden
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Übersetzt von Stefan Almer und Birgit Menne
Boris Buden: Du bist sehr klar, wenn es darum geht, zu beschreiben, was bei Transeuropéennes[1] seit den Anfängen im Jahr 1993 auf dem Spiel steht: die Suche nach einer möglichen Rückkehr zum Politischen und eine unverhohlene Kritik an der Essenzialisierung von Kulturen sowie an der Ethnisierung und Kommunitarisierung der Politik. Dies ist der konzeptuelle Rahmen, in den du den Begriff der Übersetzung eingeführt hast. Die 22. Ausgabe von Transeuropéennes, erschienen im Frühjahr/Sommer 2002, trägt den Titel „Traduire, entre les cultures“ („Übersetzen, zwischen den Kulturen“). Warum Übersetzung, und warum zu dieser Zeit? Wie hast du die politische Bedeutung und das kritische Potenzial des Konzepts entdeckt?
 Ghislaine Glasson Deschaumes: Transeuropéennes ist ein aktiver Prozess, eine Bewegung kritischen Denkens. Der tragende Grund ist die enge Verbindung von Theorie und Handlung. Die Handlung fordert die Reflexion heraus. Die Reflexion setzt die Handlung in Gang. Sie ist ihr „Fallweg“, um eine Äußerung des Komponisten Ahmed Essyad aufzugreifen, der damit wachruft, wonach eine musikalische Phrase streben muss. Bei Transeuropéennes ging es also seit 1993 um die enge Verbindung von Handlungen und Reflexionstätigkeit in der Herausforderung der Politik. Kritisches Denken war in den Bildungs- und Forschungsaktivitäten ebenso am Werk wie im grenzüberschreitenden aktivistischen Handeln und schließlich auch in der Gastfreundschaft, welche die Zusammentreffen bestimmte. Es ging darum, dass die notwendige Konfrontation der Differenzen zur Interaktion werden und in eine Vermischung eintreten konnte – jene Vermischung, mit deren Lob Jean-Luc Nancy, eine Hommage an das damals belagerte Sarajevo formulierend, die erste Ausgabe von Transeuropéennes im Herbst 1993 eröffnete („Lob der Vermischung“[2]). Dies ist also eine der Fährten, die zur Entwicklung des Konzepts „Übersetzen, zwischen den Kulturen“ führten.
Es ist wichtig, daran zu erinnern, dass Transeuropéennes im Zuge einer grundlegenden Wende gegründet wurde. Innerhalb von kaum drei Jahren (1989–1992) riefen der Berliner Mauerfall, der erste Golfkrieg, die Kriege in Ex-Jugoslawien und die Aufteilung dieses Landes, der Bürgerkrieg in Algerien sowie die Erstarkung der Fundamentalismen und Ethnonationalismen[3] starke Erschütterungen in Europa und der Welt hervor. Die Zeitschrift entsprang dem Gefühl einer extremen Dringlichkeit. Sie basierte auf einer notwendigen Verknüpfung von „Kultur und Politik“, die vom ersten Leitartikel an bekräftigt wurde, und legte ein Arbeitsfeld frei, das eine Kritik an identitären Diskursen und an ihren Auswirkungen in Gestalt menschlicher, sozialer, politischer und ökonomischer Entortung beinhaltete, während sie sich gleichzeitig frontal der Frage des Krieges stellte. Die Zeitschrift stellte damals Europa als Horizont infrage, ein Europa, das sich sowohl in den Kriegen in Ex-Jugoslawien als auch nach dem Fall der Mauer seiner selbst „entledigte“, als die Europäische Union weder sich selbst noch die Länder des alten „Anderen Europas“[4] zu übersetzen vermochte und mit diesen ein durch Subalternität geprägtes Verhältnis aufbaute.
In derselben Bewegung wurde die Zeitschrift als Ort gegründet, an dem eine Arbeit an den gegenwärtigen Bedingungen des Zusammenlebens, der „Zivilität“ (Balibar) sowie der Praxis des Widerstreits stattfinden konnte. Über die Vertiefung dieser theoretischen Arbeiten, insbesondere im Zuge der ersten euro-mediterranen kulturellen Workshops (alternative Bildung von jungen KünstlerInnen, Intellektuellen, ÜbersetzerInnen etc.) im Jahre 1999, kam das Konzept „Übersetzen, zwischen den Kulturen“ zustande.
Dieses Konzept ergab sich aus einem Reifungsprozess von Transeuropéennes, es geht aus ihm hervor. Die Zeitschrift hat sich immer der Frage der Übersetzung gewidmet, die große Mehrzahl ihrer AutorInnen war nicht frankophon. 1999 waren schon zwei zweisprachige Ausgaben der Zeitschrift in Englisch und Französisch publiziert worden, und eine dritte Nummer zur Frage der Teilungen war in Vorbereitung. Die Zeitschrift zeigte bereits die Tendenz, zu einer französisch-/englischsprachigen Zeitschrift zu werden. Als dem kritischen Denken verpflichtete internationale Zeitschrift erwies sie sich als eine wahrhaftige Übersetzungsfabrik! Und so wird sie sich auch in den kommenden Jahren verstehen.
In den 1994 ins Leben gerufenen Bildungsprogrammen, in den seit 1996 bestehenden Forschungsprogrammen, aber auch in unserem über die Jahre durchgeführten aktivistischen Handeln sind wir tagtäglich mit den Einsätzen der Übersetzung in all ihrer Komplexität konfrontiert. Die Vielsprachigkeit der miteinbezogenen Gruppen (StudentInnen aus dem Balkan, junge KünstlerInnen aus dem mediterranen Raum etc.) stellte in sich eine Herausforderung an alle Beteiligten dar: eine permanente Herausforderung der Übersetzung. Es zeigte sich jedoch schnell, dass das, was es zu übersetzen galt, die Sprache bei weitem übertraf, dass die Materie der Übersetzung selbst weitreichender und zugleich grundlegender war. Es geht um Repräsentationen der Welt, um Imaginarien, Erinnerungskonstruktionen, Formen des Bezugs zum Körper und seinen Zeichen, zur Bewegung, zur Zeit, zum Raum, um die Weise, wie man sich zum Geschlecht verhält, etc. Außerdem handelt es sich um eine Befreiung von der kommunitären Logik (die Sprache der Gemeinschaft sprechen, die sich selbst genügt), um eine Verbreitung von Wissensformen sowie um ihre Verteilung auf der Basis von Gleichheit, kurz: um eine Dynamik, die eine Antriebskraft hinsichtlich der Demokratie darstellt. Jede/Jeder StudentIn an unseren Sommeruniversitäten, jede/jeder ForscherIn oder KünstlerIn in unseren Workshops sah sich in einem bestimmten Moment mit dieser Erfahrung konfrontiert. Die Workshops wurden dergestalt zu faszinierenden Zeiträumen der Übersetzungsarbeit, deren Gegenstände manchmal bis hin zu Grenzerfahrungen reichten: Krieg, Körper, verdrängte Erinnerung, Sprachteilung etc. In dieser politischen Übung wurden die Grenzen des Austauschs offensichtlich. Es gibt sehr wohl einen „Rest“ (Balibar), der nicht übersetzt und nicht geteilt werden kann, und diese „Knochensubstanz“ interessiert mich ganz besonders. Er fällt nicht notwendigerweise in den Bereich des Unübersetzbaren (das wesensmäßig und für alle Zeiten unübersetzbar bleiben wird), sondern betrifft das, was kontextuell (in Raum und Zeit) unübersetzt bleibt. Dieser „Rest“ hat Anteil am leeren Raum, dem für die Übersetzung notwendigen Spielraum, jenem „Zwischen“, das die Interaktion hervorruft und für „Übersetzen, zwischen den Kulturen“ entscheidend ist.
Auf theoretischer Ebene brachten uns in derselben Bewegung drei Elemente dazu, die Übersetzungsproblematik seit Ende der 1990er-Jahre ins Licht zu rücken: Einerseits übten wir vermittels zeitgenössischer Überlegungen, die in sehr unterschiedlichen geokulturellen Horizonten entwickelt wurden, Kritik an den Logiken der Herrschaft in all ihren Formen (einschließlich einer Beherrschung des Individuums durch die Gemeinschaft). Andererseits wurde die Analyse der Krise sozialer Bindungen für die Zeitschrift zentral: die Analyse dessen, was in multikulturellen Gesellschaften, die anstelle des „Zusammenlebens“ das Recht auf Differenz etablierten, ungedacht bleibt, die Analyse der Krise der Demokratie als Krise der Alteritätsbeziehung in einer Logik der Gleichheit. Schließlich führte uns die Erzeugung identitärer Schließungen, die auf eine Verweigerung gegenüber Hybridisierung, auf das Phantasma einer eigenen Sprache und eines eigenen Körpers hinauslaufen (und zwar im doppelten Sinne des französischen Wortes „propre“: das, was einem gehört, und das, was gewaschen und fleckenlos rein ist), dazu, das Konzept der Identität als Prozess zu klären, als Bewegung, als etwas, das für das Zusammentreffen mit anderen, einschließlich der anderen an sich, durchlässig ist und das sich im Laufe der Interaktionen verändert. Wir griffen also das ganze Ausmaß der subversiven Dimension von Übersetzung auf, die für mich grundlegend ist.
So kam es also, dass Transeuropéennes seit 1999 nach und nach das Konzept „Übersetzen, zwischen den Kulturen“ erarbeitete, das insbesondere in der 22. Ausgabe (2002) ausformuliert wurde. Dieses Konzept ist seitdem in Umlauf und lebt fort, indem es sich allerorten in theoretische Arbeiten einspeist. Es geht nunmehr auch in die neue Phase der Zeitschrift Transeuropéennes ein, indem es sich durch die mit ihr verbundenen Forschungsarbeiten insbesondere am Collège International de Philosophie sowie in einem neuen Publikationsprojekt zieht, und es strukturiert ihre künftigen Tätigkeiten unter der klareren Perspektive von Übersetzungspolitiken und ihrer Verbindung zu Fragen der Demokratisierung.
Es versteht sich von selbst, dass wir seit der ersten Nummer der Zeitschrift wissentlich in Widerspruch traten mit der Logik eines „Kriegs der Kulturen“ und im Weiteren auch mit jener eines „Dialogs der Kulturen“ (entstanden insbesondere als Kontrapunkt zum Kampf gegen den Terrorismus nach dem 11. September 2001), die nichts als die Kehrseite davon ist. Transeuropéennes rückte unablässig die Heterogenität jeder Kultur ins Licht, die Tatsache, dass jede Kultur und jede Sprache an einem doppelten Prozess von Übersetzung und Hybridisierung teilhat. „Zwischen den Kulturen“ bezieht sich also auf das „Spiel“, das jede Kultur durchwirkt, indem es sie in der Öffnung aufrechterhält, und das seinerseits eine Übersetzung ist. Übersetzen ist ein Vorschlag, der dieses Spiel eröffnet.
Als Ort der Gastfreundschaft und nomadische Zeitschrift siedelt sich Transeuropéennes im Herzen des Übersetzungsprozesses an, in den Intervallen, den Zwischenräumen, den Abständen und den Auseinandersetzungen, die unser Kollektiv so sehr beschäftigen. Das interdisziplinäre Kollektiv Transeuropéennes ist eine Schwelle, denn es bildet einen Übergang zwischen den Sprachen, zwischen den Denkformen, zwischen den fernen oder nahen Imaginarien, zwischen den Systemen der Kritik. Diese sind in Bewegung. Wie Mustapha Laarissa, Redaktionsmitglied der Zeitschrift, in einem im Dezember 2005 in Paris veranstalteten Workshop über die „Grundsätze der Übersetzung im mediterranen Raum“ sagte: Den Schock gibt es in jeder Kultur, die immer ein Durchgang ist, und er ist in jedem und jeder von uns, insofern wir Subjekte sind. Wir können uns diesen Übergängen, diesen Übersetzungen nicht verschließen. Mir scheint, sie sind Teil eines weltweiten Horizonts, der sich eines Tages auf ein weltweites Recht sowie auf weltweite demokratische Organisationsweisen stützen müssen wird.
 Boris Buden: Es gibt noch einen anderen Kontext, der grundlegend war für die Einführung des Konzepts der Übersetzung – der historische und politische Kontext des heutigen Frankreich und Europa, die beide in einer schweren Krise stecken: ein alter Nationalstaat, der unter dem Druck der Globalisierung seine Bedeutung und seine Wichtigkeit verliert, sowie ein paralysiertes Projekt einer transnationalen politischen Gemeinschaft, die immer noch keine demokratische Verfassung hat. Was hat Übersetzung zu dieser Krise beizutragen, eine Art Lösung oder vielmehr ihre weitere Vertiefung? Was würdest du vorziehen?
 Ghislaine Glasson Deschaumes: Im Zusammenhang mit der Globalisierung der Tauschverhältnisse, der Standardisierung der Ästhetiken und Entpolitisierung des Denkens sowie der offenkundigen Vereinheitlichung der Konzepte und Denksysteme bildet Europa ein fragiles und von Zufällen abhängiges regionales System, dem wir uns (wir, die Zeitschriften und Zeitschriftenkollektive), von unserem kritischen Standpunkt aus, keinesfalls entziehen dürfen, das wir vielmehr immer aufs Neue dezentrieren und überwinden müssen.
Der Titel „Transeuropéennes“ verweist auf den doppelten Willen zur Loslösung und zur Involvierung: Europa als Ausgangspunkt oder als Ort des Übergangs, der immer wieder von „anderswo“ befragt werden muss, als Ort, von dem man sich immer wieder dezentrieren muss, um in der Lage zu sein, in ihn einzudringen. 1993 ging es darum, Europa und „seine Anderen“ zu denken, die Anderen von Europa, ja seine Ausgeschlossenen und Rechtlosen zu denken, Europa an seinen Grenzen zu denken, und zwar überdies zu einem Zeitpunkt – und dieses Zusammentreffen ist von Bedeutung –, als sich eine Gruppe von PhilosophInnen unter dem wunderbaren Titel „Europas Geophilosophie “ von Strassburg aus mit einem Europa im Werden befasste.[5]
Von Anfang an ging es für mich also darum, Trennlinien in Bewegung zu versetzen, Brücken zu schlagen, auferlegte Grenzen zu überschreiten, diese zu befragen, ja sich an ihnen aufzuhalten, und zwar bis zur physischen Kampfansage, wie etwa an jenem Tag im Mai 2002, als ungefähr fünfzig Frauen aus Ex-Jugoslawien und Frankreich gemeinsam die Brücke von Mitrovica im Kosovo überquerten.[6]
Meine früheren Erfahrungen, vor der Gründung von Transeuropéennes, brachten mich dazu, unablässig an einer Verknüpfung des „anderen Europa“, insbesondere seiner dissidenten DenkerInnen und KünstlerInnen, mit Westeuropa zu arbeiten. Dies war auch eine Überschreitung, nämlich die eines durch die Trennungslogik und die Realität der Mauer auferlegten kulturellen (und politischen) Verbots. Frankreich schien mir seit dem Beginn meines Studiums von Grund auf ethnozentrisch. Seit damals ist leider nichts geschehen, was dieser folgenschweren Tendenz hätte widersprechen können. Allerdings wissen wir sehr wohl, dass die nationale Ebene heute an sich nicht mehr von Bedeutung ist. Eine Gesellschaft, ein nationales Recht und eine Nationalökonomie zu befragen und zu verstehen, ohne sie mit Europa und der Welt in Zusammenhang zu bringen, ist verantwortungslos und gefährlich. Die Verknüpfung dieser Perspektiven mit der lokalen Ebene zu verachten ist es ebenso. Transeuropéennes lehnt sich an die französische Sprache an und stützt sich auf sie. Es ist eine Sprache, die ich liebe, in der ich gerne schreibe und in die ich gerne übersetze, auch wenn Übersetzen nicht mein Beruf ist. Aber das Projekt Transeuropéennes ist europäisch und global.
Heute projiziert sich Europa ausgehend von einem Diskurs der Zentralität in die Welt, es knüpft Beziehungen zu seinen Nachbarn, die sich in eine Logik von Zentrum und Peripherie einschreiben. 1993 war Europa eine Frage, es war ein Kap, das auf ein „anderes Kap“  hindrängte.[7] Dieser mit dem Mauerfall eröffnete Reflexionsraum wurde durch die europäischen Institutionen und die Regierungen der alten Mitgliedsstaaten wieder geschlossen. Niemals wurde den alten Ostblockländern eine Gelegenheit geboten, sich zu übersetzen, ihre Vergangenheit mit der europäischen Gegenwart zu verbinden. Die tabula rasa, zu der sie im Namen der demokratischen Transition „nach Europa“ gedrängt wurden, hinterließ an Gedächtnisschwund leidende Gesellschaften, die einen Teil ihres Erlebten und ihrer Geschichte verdrängen. Europas Horizont als Projekt zerfiel in Sarajevo und in den Kriegen von Ex-Jugoslawien. Er wurde auch mit der Erweiterung nicht aufs Neue entworfen.
Die institutionelle Wahl war nicht so sehr die zwischen Vertiefung und Erweiterung. Das Wesen der Vorgehensweise, die gegenüber den ehemals ins sowjetische System eingebundenen Ländern gewählt wurde, muss hinterfragt werden. Die europäischen Institutionen konzentrierten sich auf den acquis communautaire, den „gemeinschaftlichen Besitzstand“, und die Beitrittskandidaten lernten demnach von Europa (seinem Horizont während des Kalten Krieges) nur das normative Gebilde kennen, das es de facto bildet. Dass diese Kandidatenländer ebenfalls Errungenschaften [acquis] vorzuweisen haben, kam den Geistern im Westen nicht in den Sinn. Man kann in Bezug auf die Gesellschaften in sogenannter demokratischer Transition von einer gewissen symbolischen Gewalt sprechen (der des Siegers?). Die Logik des Siegers entspricht nicht der Logik der Übersetzung. Sie ist eine Logik der Entfaltung siegreicher Systeme. Der Beitrittsprozess war durch ein folgenschweres Übersetzungsdefizit im weitesten Sinne des Wortes gekennzeichnet. Dass sich anschließend Brüche auftaten, wie etwa zur Zeit des Irak-Krieges, war von da an unvermeidlich.
Über diesen massiven Beitrittsprozess festigte sich nicht nur die normative Funktion der Europäischen Union, die die Beziehung beherrscht, welche diese ihren Nachbarn vorgeschlagen hat (die „Europäische Nachbarschaftspolitik“). Diese normative Funktion bestimmt auch die durch den Gemeinschaftsdiskurs vorgegebene Repräsentation Europas in der Welt, die weitgehend durch die Positionierung eines in Richtung der Peripherien ausstrahlenden Zentrums gekennzeichnet ist. Angesichts dessen fällt es nicht zuletzt dem Kollektiv Transeuropéennes zu, in Europa und an den Grenzen die Baustelle der Übersetzung, Baustellen der Übersetzung zu eröffnen.



[1] Vgl. http://transeuropeennes.gaya.fr/, wo sich auch die folgende Selbstbeschreibung findet: „Gegründet im Jahr 1993, ist Transeuropéennes sowohl eine dem kritischen Denken verpflichtete internationale Zeitschrift als auch eine NGO, die interkulturelle Bildungs-. Forschungs- und Vernetzungstätigkeiten durchführt. Sie ist in Krisengebieten, am Balkan und im Mittelmeerraum, tätig und verfolgt eine gründliche Auseinandersetzung mit den Beziehungen zwischen der Europäischen Union und den Rändern Europas. Interdisziplinär in allen Aktivitäten, stützt sie sich auf ein breites Netz aus Studierenden, Unterrichtenden und ForscherInnen, JournalistInnen, KünstlerInnen und AktivistInnen, die allesamt MeinungsmultiplikatorInnen sind.“
[2] Auf Deutsch erschienen als: Jean-Luc Nancy, „Lob der Vermischung. Für Sarajevo“, übers. v. Andreas Knop, in: Lettre International, März 1993, 2. Vj. (Heft 21), S. 4–7 (Anm. d. Übers.).
[3] Dieser Frage widmete sich die Zusammenarbeit mit Lignes in der 1990 erschienenen Ausgabe „Nations, nationalités, nationalisme“.
[4] Dies ist auch der Name einer bemerkenswerten Zeitschrift, die die Brüder Berelowitch bis in die 1990er-Jahre in Paris herausgaben.
[5] Jean-Luc Nancy, Philippe Lacoue-Labarthe, Dennis Guénoun, Etienne Balibar, Jacques Derrida, um nur einige Namen zu nennen, schlossen sich in dieser außerordentlich fruchtbaren Reflexionsbewegung zusammen, die leider wohl aus Verdrossenheit angesichts der Wende, die Europa damals nahm, aufgegeben wurde. 
[6] „Actions militantes des femmes à travers les frontières“ (Aktivismus von Frauen über die Grenzen hinweg) war ein von Transeuropéennes und etwa zehn NGOs am Balkan initiiertes Projekt, das im Jahr 2005 zum Abschluss kam.
[7] Jacques Derrida, Das andere Kap. Die vertagte Demokratie, übers. v. Alexander García Düttmann, Frankfurt a.M.: Suhrkamp 1992.

20110301

Europe - A construction Site of Translation

Ghislaine Glasson Deschaumes / Boris Buden
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Translated by Mary O’Neill

Boris Buden: You are very clear about what has been at stake in Transeuropéennes from its very beginning in 1993: the search for a possible return to the political and an open criticism  of the essentialization of cultures as well as the ethnicization and  communitarianization of politics. It is precisely within this conceptual framework that you have introduced the notion of translation. The 22nd issue  of Transeuropéennes (Spring/Summer 2002) has the title: “Translating, Between  Cultures”.  Why translation and why at that time? How have you discovered its political meaning and its critical potentiality?
Ghislaine Glasson Deschaumes: Transeuropéennes  is an active process – it is a movement in critical thought. It is underpinned by a reason in which theory and action are intimately linked.  Action and reflection. Action generates reflection. Reflection triggers action. It is its “falling trajectory”, to borrow an expression used by the composer Ahmed Essyad to evoke what the musical phrase must strive for. This is what has happened with Transeuropéennes since 1993: actions and reflection intimately linked to bring about the political. Critical thought has been at work in training and research activities, in militant action across borders and indeed in hospitable encounters. It was about allowing the necessary confrontation of differences to become interaction, to become a melee – the melee in praise of which, in homage to a Sarajevo under siege at the time, Jean-Luc Nancy launched the first issue of Transeuropéennes in the autumn of 1993 (“In praise of the melee”). This is one of the strands from which we developed the concept of “translating, between cultures”.
We must remember that Transeuropéennes was created at a fundamental turning point in history. In barely three years (1989-1992), the fall of the Berlin Wall, the first Gulf War, the wars in the former Yugoslavia and the ultimate disintegration of that state, the civil war in Algeria, the increasing power of fundamentalist ideologies and ethno-nationalisms[1] shook Europe and the world.  The journal was born amidst a general feeling of extreme urgency. By being based on the necessary connection between “culture and politics”, declared in the very first editorial, the journal opened up a field of activity in the criticism of identitarian discourses and their impact of human, social, political and economic dislocation, while at the same time tackling the question of the war head on.  It then challenged the idea of Europe as a horizon, a “Europe divested” of itself, in the wars in the former Yugoslavia and after the fall of the Wall, when the European Union was unable to translate itself or to translate the countries of the former “Other Europe” [2]  and established a relationship on a subaltern model with them.
As part of the same movement, the journal was founded as a forum for work on the contemporary conditions of living together, of civility (Balibar) and the practice of differing opinions and disagreement.  It was by pursuing this theoretical research in depth, particularly in view of the first Euro-Mediterranean cultural workshops (alternative training of young artists, intellectuals, translators, etc.), in 1999, that the concept of “translating, between cultures” emerged.
The concept arose at a point when the work on Transeuropéennes reached maturity, and it follows on from it. The journal was always intended to be a forum for translation, and the great majority of its authors did not speak French.  In 1999, the journal had already published two bilingual issues in French and English and we were preparing a third, on partitions. Already, it was moving towards becoming a French-English bilingual journal. As an international journal of critical thought, it turned out to be a veritable translation factory! And that is how it will be defined in the years to come.
In the programmes for training set up in 1994, and for research (from 1996), but also in the militant action conducted during these years, we were confronted with translation issues in all their complexity on a daily basis. The multilingualism of the groups involved (students from the Balkans, young artists from the Mediterranean, etc) was in itself a challenge posed to every participant: a permanent challenge of translation. But it quickly became obvious that what one has to translate goes far beyond language, that the actual subject of translation is far greater and at the same time far more important. It is a question of representing the world, the imaginary, constructions of memory, ways of relating to the body and its signs, to movement, to time, to space, a way of connecting to mankind, etc.  It is also about being liberated from a communitarian logic (speaking the language of the community, which is self-sufficient), about circulating knowledge and sharing it on an equal footing; in short, it’s about a dynamic that will drive democracy. Every student at our summer schools, every researcher or artist at our workshops, had direct experience of it at some stage. And so the workshops became a fascinating forum for engaging in translation, which sometimes went as far as dealing with extreme experiences: war, the body, repressed memory, divided language …  In this political exercise, the actual limits of the exchange were patently obvious. There is indeed a “remainder” (Balibar), which cannot be translated, which cannot be shared, and this “snag” is what I find particularly interesting.  It isn’t necessarily related to the untranslatable (which would be so in essence and for ever) as much as to what is not translated, which is context-bound (in space and time). This “remainder” is akin to the empty space, the space for the game that is necessary for translation, this “between” that prompts interaction and is central in “translating, between cultures”.
On the theoretical level, three elements led us, in the same movement, to highlight translation issues from the end of the 90s. On the one hand, a critique of the logics of domination, in all their forms (including those imposed by a community on an individual), was delivered through modes of contemporary thought that were generated within very diverse geocultural horizons. On the other, analysing the crisis in the social bond, in the unthought of multicultural societies  that have instituted the right to be different in place of the notion of “living together”, the crisis in democracy as a crisis in the relationship of alterity within an egalitarian logic, was of key importance to the journal.  Finally, the production of identitarian enclosures, all of them moving towards a rejection of hybridization, towards the fantasy of a language of one’s own , an identity of one’s own, a body of one’s own (in the dual sense of the French term, propre, which means something that belongs to one, but also something that is washed, spotless) led us to clarify the concept of identity as a process, a movement, something permeable in the encounter with others, including the others within oneself, and something that changes in the course of interaction with others. Thus, one can fully assess the subversive dimension of translation, which remains fundamental for me.
So, with one thing leading to another and from 1999 onwards, that’s how Transeuropéennes got to the stage where it developed the concept of “translating, between cultures”, as set out in its twenty-second issue (2002) in particular.  Since then, this idea is still in circulation and it’s alive, feeding into theoretical research almost everywhere.  What’s more, it’s feeding into the new phase of the journal Transeuropéennes, through its research, specifically at the International College of Philosophy, and in its new publishing project, and it is structuring future action from the more specific perspective of the politics of translation and their connection with the issues in democratization.
It goes without saying that, from the very first issue of the journal, we deliberately disputed the validity of the logic of “a war of civilizations”, then “a dialogue between cultures” – a logic that suddenly appeared as a counterpoint to the fight against terrorism, after 11 September 2001 – which is nothing less than the exact opposite. Transeuropéennes has constantly highlighted the heterogeneity of all cultures, the fact that every culture, every language is somewhat akin to a dual process of translation and hybridization. Thus “between cultures” refers to the “game” that works on every culture, keeping it open, and that, in its turn, is translation. Translating is a proposition that enters into this game.
As a place of hospitality and a nomadic journal, Transeuropéennes is at the heart of translating, in the intervals, the interstices, the deviations, the disagreements in which our collective is so interested. This interdisciplinary collective Transeuropéennes is a threshold, for it is a transition between languages, between ways of thinking, between imaginary worlds, distant and close by, between systems of criticism. These are shifting. As Mustapha Laarissa, a member of the journal’s editorial board, expressed it in a workshop on “Politics of Translation in the Mediterranean” (Paris, December 2005), the shock is in each culture, which is always shot through, and it is in each one of us as subjects. We cannot skip over these passages, these translations. They have, it seems to me, some of the characteristics of a global horizon, which should one day draw on a global law and global, democratic modes of organization.
Boris Buden: There is also another context, which has motivated your introduction of the concept of translation – the historical and political context of today’s France and Europe, both being in a deep crisis: a late nation-state losing its meaning and importance under the pressure of globalization and a paralysed project of a trans-national political community still lacking democratic constitution. What has translation to offer in this crisis:  a sort of solution to it or rather a further deepening of it?  What would you prefer?
Ghislaine Glasson Deschaumes: In the context of the globalization of exchanges, the standardization of aesthetics and the depoliticization of thought, of the apparent standardization of concepts and systems of thought, Europe is a fragile, unstable regional system. But it is one which we must not relinquish from our own critical perspective (we, journals and we, journal collectives) at any price; it is one, rather, that we must decentre and go beyond, over and over again.
The title Transeuropéennes indicates the desire both for freedom and for involvement: Europe as a point of departure or transition, which one should always revisit from “elsewhere”, the point in relation to which one should always decentre oneself so as to be able to invest in it.  In 1993, the issue was planning for “Europe” and “its others”, Europe’s others, or its outcasts, those without rights; it was about planning for Europe at its borders, at a time too – and this is a significant coincidence – when a group of philosophers were discussing Europe as it has been evolving since Strasbourg, under the magnificent title of Géophilosophies de l’Europe .[3]
For me, it was initially about setting in motion the lines of division, of building bridges, of going beyond imposed borders and questioning them, even of insisting on them, to the point of physical challenge, one day in May 2002, when about fifty women from all the countries of the former Yugoslavia and from France crossed the bridge of Mitrovica, in Kosovo.[4]
My previous experiences, before founding Transeuropéennes, had led me to work tirelessly to link the “Other Europe”, and in particular its dissident philosophers and artists, with Western Europe. It was also a crossing: breaking a cultural (and political) taboo imposed by the logic of division and the reality of the Wall.  From the time when I was a student, France had appeared to me to be fundamentally ethnocentred. From that point on, unfortunately, nothing has happened to contradict this serious trend. However, we know well that what happens at the national level today is no longer in itself relevant. To question and understand a society, a national law, a national economy without putting it into perspective in Europe and in the world is irresponsible and dangerous. To disregard the connection of these perspectives with the local level is equally so. Transeuropéennes is supported by the French language; it leans on it. French is a language I love, one in which I love writing and into which I love translating, even if it is not my job to translate. But the Transeuropéennes project is European and global.
Today, Europe projects itself into the world from a discourse of centrality; it forms relationships with its neighbours that fit into a scheme moving from the centre to the margins. In 1993, Europe was a question; it was a heading inviting us towards “another heading” (Derrida). This space for reflection, which was opened up when the Wall fell, has been closed again by the European instititutions and the governments of the old member states. At no time has the opportunity been offered to the former eastern-bloc countries to be translated, to link their past with the European present. The tabula rasa to which they have been invited, in the name of democratic transition “towards Europe”, has left amnesic societies, which are repressing part of their experience and their history. The perspective of Europe as a project fell apart in Sarajevo and in the wars of the former Yugoslavia. It has not been redrawn with enlargement.
The institutional choice was not so much that between consolidation and enlargement, contrary to what may have been said. It is the very nature of the approach taken towards those countries formerly linked to the Soviet system that must be questioned. The European institutions have concentrated on the acquis communautaires (the complete body of EU legislation, regulations and resolutions); of Europe (their horizon during the Cold War) the candidate countries have therefore encountered only the normative whole, of which it is a de facto representative. That these candidate countries might also have knowledge has not crossed the minds of those in the West. One might refer to a certain symbolic violence (the violence of the conqueror?) with regard to societies that are said to be in democratic transition. The conqueror’s logic is not a logic of translation. It is a logic of deploying the victorious system. The membership process has been marked by a serious lack of translation, in the broadest sense of the term.  So it was inevitable that the divisions should then have arisen, for example when the war in Iraq began.
Through this massive membership process, the European Union has consolidated itself in its normative function, the very one that governs the relationship that it has offered its neighbours (the “European Neighbourhood Policy”). It also governs the representation of Europe that the communitarian discourse disseminates in the world, largely marked by this same position of the centre radiating out towards the margins.  In view of this, the onus is on the Transeuropéennes collective, in particular, to open up the translation project and translation projects generally in Europe and at its borders.


[1] This was the question we collaborated on with Lignes, in 1990, in an issue entitled: “nations, nationalities, nationalisms”.
[2]  Also the title of a remarkable journal published in Paris by the Berelowitch brothers up to the beginning of the 1990s.
[3] Jean-Luc Nancy, Philippe Lacoue-Labarthe, Denis Guénoun, Etienne Balibar, Jacques Derrida, to name but a few, joining forces in a particularly productive movement for reflection, which was unfortunately abandoned out of weariness, no doubt, with the direction then taken by Europe.
[4] “Women’s militant actions across frontiers”, a project by Transeuropéennes and ten NGOs from the Balkans, which was begun in 1999 and completed in 2005.