20100302

En Belgique



Etienne Ackerman
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Je suis perdu. Me baladant dans un dédale de maison liégeoise, absorbé par l’architecture atypique, je me suis perdu. Toutes ces impasses, ces rues qui ne conduisent nul part, qu’il est simple de s’y blottir, qu’il y fait froid. Petite marche arrière.

Nous quittions Paris pour Bruxelles. On m’a toujours dit que j’avais du sang belge, cinquante pour cent pour être exact... Ce cinquante pourcent vient de la branche paternelle, mais lui-même n’a pas vécut longtemps là bas. J’en ai hérité d’un gout prononcé pour les frites mayonnaises, les gaufres, la bière, mais ça c’est un tout autre problème. Certes, je m’entends en général très bien avec les peuples nordiques, peut être à cause de mon physique, et peut être mon goût pour les belles blondes, mais je mettais pour la première fois un pied en Belgique. Et lorsque nous traversions la ville, je ne m’y sentis pas chez moi. Les minces immeubles wallons trônaient inconnus, une ambiance frite avait empli l’air, une sorte d’ambiance tropicale.

Nous avions visité les musées, trainé sur la grande place où se déroulaient des festivités hivernales, bu du vin chaud accompagné de lacments. Bref nous avions essayé de faire comme, d’imiter l’archétype de vie belge tout en gardant notre côté touriste naïf.
Mais en allant vers le fabuleux Atomium, étrange monument dressé pour la science, la voiture s'enfonça de plus en plus dans ce qu’on appellerait une banlieue, ou Istanbul, Alger etc. en somme un quartier au mix populaire d’origine oriental. Un microcosme exclusivement réservé aux chanceux immigrés belges où les baraques à frites prennent forme de kebabs. Rien ici, excepté la neige, ne laissait penser que nous étions en Belgique, ou plutôt l’idée qu’on aurait put en avoir d’après le folklore.
De retour au cœur de la ville, au centre d’une grande place décoré Son et Lumière, nous avions put rassurer notre modèle belge, et même le saupoudrer d’un cocktail Disneyland du plus bruyant effet. Seulement, un peu plus tard, un tour de métro assassina définitivement ce profil, surtout dans la tête de mon père je pense, et même s’il n’avait pas réagit comme je l’espérais, mais qu’aurait-il put faire d’autre, il avait au moins conscience du changement.

Puis ce fût le tour de Bruges, ses moulins, ses disproportions, son caractère aigri, du genre vieux et mal dans sa peau : aussi belle qu’une coupe de cristal, le genre de choses qu’on ne peut pas passer à la machine. L’autochtone flamand savait faire de supers croquettes au fromage, surement pas parler Français, ou au moins lorsqu’il s’agissait d’argent. En réalité, ils ne pensent surement pas tous que nous, latinos, sommes des abrutis. Cependant, en France du moins, du moins juste dans le nord, et en Bretagne, on reste habitué à des regards amicaux inters blancs. Alors quand vous comprenez qu’entre blanc existent les racistes, automatiquement, vous comprenez que c’est pas tellement une affaire de couleur, c’est juste une affaire de con.

Enfin, nous atterrissions à Liège, qui malgré le temps laissait voir son mélange architectural étonnant. La pharaonique gare lançait une perspective européenne agréable, mais ma tante, liégeoise ne quittant peu Liège et parlant à Bianca son perroquet, m’expliqua que leurs impôts allaient s’en sentir. Plus belle perspective encore, au lieu d’acheter des centaines, non, des milliers d’objets de décoration en cristal à la limite de la surcharge visuelle, elle participera à l’histoire involontairement. Autant dire que les gens n’ont vraiment aucune idée de leur véritable influence sur le monde. Ils se baladent, pensant n’être qu’un petit parmi tant d’inconnu, et au final passent à côté de ce dont ils ont toujours rêver : une place dans l’histoire.

Et me voila perdu. Le centre de l’Europe ne sait même pas donner l’exemple d’unification, pire encore, il démontre tout l’inverse : que l’on peut vivre dans un respect fanatique de la tradition. Nier l’évidence par fierté, fuir l’autre qui déjà fuit; voila ce qui crée le malaise européen. Et la Belgique nous prouve qu’en plus de nos ancestrales querelles latines/germaniques nous avons à faire avec l’arrivée de microcosme hyper communautariste : africains et asiatiques, couplé à ceux déjà bien installés des occidentaux, le tout géographiquement séparé (quand même !). Des minorités qui vont a fortiori s’élargir, puisqu’elles rassurent, et nous renvoient notre incapacité d’intégrer l’idée d’une Europe plurielle mais unie.

C’est bien beau de dire tout ça, mais je commence à me geler dans ce dédale. La tentation est forte d’abaisser ce mur, à coup de vierge Marie, il y en a une ribambelle dans ces coins là, et elles me font presque peur. Mais Dieu, ou personne, a dût entendre ma provocation, finalement, derrière un lot de neige fondu, j’aperçois une possible sortie.