20140102

Érasmus et l’identité européenne

Sam Durand
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Un récit d’un séjour à l’étranger sous couvert du système Erasmus. La dimension européenne du programme mérite d’être soulignée, bien au-delà de la simple acquisition des langues ou du séjour à l’étranger tel que certains films peuvent le raconter.

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Ein Auslandssemester stärkt die Persönlichkeit. Ein Semester im Ausland kann womöglich nicht nur Fremdsprachenkentnisse und andere Bildungserlebnisse bescheren, sondern auch die Persönlichkeit nachhaltig verändern. Studenten mit Auslandserfahrung seien offener für Erfahrungen, sozial verträglicher und emotional stabiler in Europa wegen Erasmus.

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Le programme d’études supérieures Érasmus est un programme de mobilité européenne ouvert à tout étudiant et enseignant désireux de découvrir les pays européens voisins. Je bénéficie actuellement de ce programme pour un séjour d’une année, en Italie.
Pour chaque citoyen européen que nous sommes, nous qui, presque par tradition, passons tant de temps à critiquer nos voisins et l’Europe elle-même, Érasmus est une occasion de découvrir un ou plusieurs pays, d’en approcher la culture et de la vivre au quotidien. Alors qu’une situation économique morose exacerbe les nationalismes, il s’agit de créer les conditions favorables à la transformation de cette entité politique, perçue de manière contraignante et abstraite par beaucoup, en une communauté signifiante, une identité européenne solide sur le long terme, basée sur une compréhension mutuelle.

« Le monde entier est notre patrie à tous »
En hommage à Érasme, humaniste néerlandais et militant pour la paix en Europe, le programme de mobilité européenne, adopté en 1978, est nommé Érasmus, affirmant ainsi un engagement dans la découverte, l’apprentissage et le partage de chacune de nos cultures, tout en créant un système commun de qualifications professionnelles, reconnues partout. En ce sens, Érasmus est l’occasion pour les Européens d’acquérir une véritable conscience européenne, basée sur « une expérience de terrain ».
Ainsi, participer au programme Érasmus, c’est se risquer à la découverte d’un nouvel environnement, parler une autre langue, adopter un mode de vie différent et c’est aussi perdre ses repères, pour en acquérir de nouveaux. En ce sens, il s’agit d’une adaptation qui devient un tournant dans la maturité de tous ceux qui l’ont traversée, une appréhension et une compréhension de « l’autre » qui s’enrichit par l’apprentissage au quotidien. On comprend ainsi, pourquoi les départs sont généralement réservés aux étudiants de troisième année, ayant déjà une expérience universitaire solide et des connaissances capables de les épauler au cours de leur voyage.
Tous les participants au programme, sont animés par le désir de découvrir, comprendre et assimiler, s’intégrer pour éventuellement recouper, regrouper afin de mieux résumer et assembler les différentes cultures ou pratiques spécifiques à celles-ci.

Vivre un an, dans un autre pays, représente un défi pour chaque individu. En effet, plonger dans une autre monde, c’est dans une première phase, en repérer ce qui est différent du nôtre, avant même d’y reconnaître les points communs. Qu’est-ce que je dois apprendre très vite dans cette nouvelle « normalité » qui n’est pas la mienne pour m’y adapter au mieux ? Est-il possible de communiquer sur la base de ma propre culture ou faut-il me risquer à un comportement dissociatif ?

Le processus d’adaptation, imposé par une immersion totale dans un autre système éducatif et social, conduit à une prise de conscience des notions de communautés et d’identités nationales, fondés sur le partage de la langue, du mode de vie et d’une Histoire commune. C’est en ce sens, que la deuxième phase : l’intégration par l’acceptation et le respect des différences, la reconnaissance des points communs ; devient un acquis, une validation de l’un des objectifs du programme, avec en ligne de mire, la transformation de l’expérience individuelle en expérience collective.
Aujourd’hui, les revendications de différence, voire de distinction, sont poussées à leur paroxysme du fait des incertitudes économiques et d’une ouverture potentiellement précipitée de l’Union Européenne à d’autre pays. La recherche d’un bouc émissaire s’en trouve exaltée et les migrants européens endossent ce rôle dans des territoires qui, pour certains, comptent encore sur une gloire passée, basée sur un néo-colonialisme latant, territoires dont les ambitions sont parfois divergentes, en plus de leur situation géographique qui s’étire de la mer Baltique au bassin méditerranéen ou de l’Orient à la façade Atlantique. L’utopie d’une citoyenneté européenne des années 1980 a fait place à la défiance vis-à-vis d’une structure administrative et politique déshumanisée qui rend difficile l’intégration des citoyens européens ; il n’y a qu’à observer les problèmes que connaissent les habitants de certains pays de l’Est, notamment les Roms, qui ont beau sillonner l’Europe de droite à gauche, ne trouvent pas de terres où l’accueil soit positif et ce, en dépit des campagnes menées par nombreuses associations.
En définitive, l’Europe est confrontée à deux paradigmes : l’identité nationale et l’identité européenne. Donner la priorité à l’une ou à l’autre, ne résoudra pas le problème, il s’agit au contraire d’imaginer un agencement entre celle-ci. En effet, l’identité nationale demeure une valeur importante dont aucun pays européen ne saurait se défaire et sans laquelle l’unité de chaque pays serait remise en question. C’est en cela que le programme Érasmus trouve sa légitimité. Au cœur de cet agencement, il offre à nombre d’entre nous, une première ouverture vers d’autres identités nationales et d’autres modes de vie, pour ainsi permettre, via un processus d’assimilation, une synthèse dont le résultat doit être une conception de la culture européenne de demain, une conception de ce qui reliera, finalement, chaque identité, sans en balayer aucune.
Ce processus de création d’identité européenne se fera dans le temps. Elle nécessite de la patience et de la détermination, mais aussi, le relais d’organisations et d’institutions européennes comme Erasmus, afin de permettre « la soudure » entre les différentes populations vivant en Europe. L’identité européenne est une notion commune qui restera en perpétuelle évolution et se construira en parallèle à l’Histoire de chaque pays, de chaque nation. C’est ainsi qu’Érasmus fait les premiers pas d’une longue marche.

Mais après tout, il suffit de se mettre en jambes, car « Érasmus Mundus » prend déjà le relais en offrant une mobilité à l’échelle mondiale.